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Publié par BALCHOY




Il se sentait gêné comme quelqu’un qui dans un lieu public, lit  un ouvrage pornographique en craignant qu’un voisin ou un vis-à-vis ne devine le caractère licencieux de l’ouvrage où il cherche un plaisir glauque dont il sait d’avance qu’il en sortira déçu.

Ghislain Mignolet eut brusquement honte de ce rapprochement qui salissait l’œuvre de Cholenka qui  était comme  un poème matériel à un des sentiments les plus noble de l’homme, l’amour.

Alors, il se résolut, presqu’avec fierté et en se moquant des éventuels jugements d’autres passagers, à sortir la sculpture de sa poche et en déballant le papier d’emballage il la retourna dans tous les sens, ému et presque fier du visage que lui avait gravé son amie.

En l’examinant sous tous les angles, mais surtout en se reconnaissant peu à peu sans gêne, presqu'avec fierté, il découvrit que Marthe-Cholenka avait réussi à vaincre  chez lui ce rejet de lui-même qu’il éprouvait le plus souvent quand il se regardait en photo.  En fait elle ne lui avait pas seulement offert une sympathique reproduction de son visage mais, bien plu,  elle lui avait fait don de la tendresse avec laquelle elle le regardait. Quel présent magnifique !

Enfin aux approches de Namur, il se résigna à réemballer le précieux don et à le glisser au fond de sa poche. 

Quand au sortir de la gare, il reprit sa voiture, il ouvrit sa boîte à gant et y cacha l’œuvre d’art, n’hésitant pas à la  fermer à clef.

Il n’était pas très tard, à peine huit heures, quand il poussa la porte familiale. Il ne vit pas, Ria à la cuisine, comme il l’escomptait ; où était-elle ?  Un léger bruit venu d’en haut lui rappela que c’était peut-être ce jour-là l’heure du coucher des petits et, tout encore habillé, il monta les escaliers mais déjà sa femme les redescendait , l’air préoccupée ; elle l’invita à se taire, un doigt barrant ses lèvres.

Au bas des marches, il voulut l’embrasser mais, sans vraiment le repousser, elle se déroba de telle sorte que ses lèvres se perdirent dans le vide.

Ghislain, tu rentres bien tard, les enfants ont été très difficiles et, à bout, je me suis résignée à les mettre au lit plus tôt.  Ils voulaient t’attendre mais il m’a semblé juste de leur donner comme punition de ne pas te voir, ce soir

     -« Chérie, je ne te comprends pas, je ne suis pas d’accord avec toi, c’est vrai tu as raison, j’aurais du te prévenir que je serai un peu en retard,  mais nous ne devons pas leur faire payer une faute qui est plutôt la mienne.

J’avais une collègue à rencontrer ce soir, pour parler de mes problèmes de boulot et je me suis laissé entraîné par cette conversation, elle m’a donné de bon conseils pour mieux m’intégrer dans mon nouveau boulot »

Chéri, je ne veux pas t’espionner, je ne suis pas sûr que ce que tu me dis est la vérité, peu importe, je comprends tes préoccupations, ne crois-tu pas, que moi aussi, je pourrais te donner quelques conseils – je pense souvent, tu sais à ta vie à Gembloux et je compatis à tes difficultés actuelles. Mais moi aussi, tu sais, j’ai mes problèmes !

Quand tu es revenu à la maison après une bien trop longue absence silencieuse, où j’ai bien eu de la peine à ne pas envoyer tout promener et à retourner chez mes parents en me débrouillant vaille que vaille avec nos enfants, j’ai espéré que nous allions retrouver la chaleur de nos premières années, juste après notre rencontre, notre mariage et à la naissance de nos enfants mais je dois bien reconnaître que le Ghislain qui est rentré de France est bien différent de celui qui m’a quitté sans avertissement pendant plusieurs mois.

Je pense qu’il est temps de reparler franchement de ce qui nous unit et nous désunit, chéri. 

 

Je t’aime, aujourd’hui comme hier, même si c’est beaucoup plus difficile. Mais aimer ne se décline justement qu’au pluriel et j’ai besoin que tu me dises où tu en es vis-à-vis de moi et des enfants.  Je sais que, ce soir, je te prends un peu au dépourvu, je veux bien te laisser le temps de réfléchir, quelques jours tout au plus, car j’étouffe dans ce silence mortifère entre nous. Ton souper est prêt à la cuisine. Tu verras que j’ai pensé à te faire plaisir, tu trouveras les crêpes que je sais que tu affectionnes.

Quand à moi, ce soir, j’ai envie de dormir seule, ne m’en veuilles pas, je t’ai préparée des draps et une couverture sur le divan du salon. Tu y dormiras très bien. Bonsoir, mon Ghislain, et elle lui tendit son front qu’il embrassa très surpris de ce qui arrivait, incapable même de réagir mais conscient que ce moment était capital et qu’une fois de plus il était temps pour lui de remettre un peu d’ordre en sa vie.

Ne répondant rien à son épouse, Ghislain gagna silencieusement la cuisine, il avala quelques crêpes sûrement aussi délectables que d’habitude mais, l’esprit tellement préoccupé qu’il ne réussit pas à yretrouver son plaisir habituel.  Sans ouvrir la TV, il se déshabilla rapidement, et sans passer à la salle de bain, même pour se nettoyer les dents, il s’enroula dans les draps et les couvertures après avoir éteint toute les lumières et se jeta dans son lit, dans sa nuit comme pour fuir, ce soir-là au moins ses responsabilités.

 

 

 

 

 

 

Yvan Balchoy

yvanbalchoy13@gmail.com

http://poete-action.ultim-blog.com

 

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