05-03-25- ALORS QUE LA TREVE VACILLE, LES ETATS ARABES PRESENTENT LEUR PLAN POUR GAZA (GWENAELLE LENOIR - MEDIAPART)
Alors qu’Israël et les États-Unis s’accordent pour refuser la phase 2 du cessez-le-feu et exigent une prolongation de la première, les États arabes se réunissent mardi pour présenter un front uni et un plan pour Gaza, alternatif à celui de Donald Trump.
dimanche 2 mars, deuxième jour de ramadan, les camions ne rentrent plus dans la bande de Gaza. Sous les quelques lampes traditionnelles et guirlandes tendues ici ou là au milieu des ruines, autour des longues tables communes où il est coutume de rompre le jeûne ensemble, les Gazaoui·es s’inquiètent.
À peine le mois sacré commencé, les prix ont explosé, les spéculateurs anticipant la crise. Les armes israéliennes ont recommencé à tonner, un peu partout, du nord au sud de l’enclave, ont rapporté dimanche les correspondants de la chaîne Al Jazeera, sur place. Un drone a tiré sur un groupe de personnes du côté de Beit Hanoun dans le nord de l’enclave, deux frères ont été tués. Dans des raids israéliens séparés, une femme a succombé à Khan Younès et un homme à Rafah, dans le sud. Comme si le cauchemar allait recommencer.
La tension était déjà forte, elle a encore franchi un cran. Cela n’a pas surpris grand monde : tous les signaux indiquaient que le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et ses alliés ne voulaient pas aller au-delà de la première phase du cessez-le-feu, entré en vigueur le 19 janvier, qui a pris fin samedi 1er mars. Celle-ci s’est déroulée cahin-caha, avec de multiples accrocs et heurts, mais, finalement, les modalités ont été respectées : arrêt des hostilités, retrait partiel de l’armée israélienne de la bande de Gaza, retour de la population palestinienne dans le nord, échange d’otages israéliens et de dépouilles de captifs contre des centaines de prisonniers palestiniens.

C’était en fait la plus simple. Comme toujours dans les négociations israélo-palestiniennes, les discussions sur les points les plus délicats avaient été reportées à la fin, au risque, déjà éprouvé, de voir tout l’édifice s’écrouler ou le processus d’enliser.
La deuxième phase du cessez-le-feu entre, si l’on peut dire, dans le dur : elle prévoit les derniers échanges, captifs israéliens, vivants et morts, contre détenus palestiniens, mais surtout le retrait complet de l’armée israélienne de la bande de Gaza et l’arrêt définitif des hostilités, avant la troisième phase qui, elle, devrait être consacrée à la reconstruction.
Depuis plusieurs jours, les autorités politiques israéliennes affirment que les soldats ne se retireront pas du corridor de Philadelphie, cette bande de terre qui marque la frontière entre le territoire palestinien et l’Égypte. Elles veulent, assurent-elles, empêcher le Hamas de se réarmer en faisant de la contrebande avec l’Égypte. Le Caire, évidemment, goûte peu cette nouvelle entorse aux accords qu’il a signés avec l’État hébreu en 2005.
« Les analystes étaient assez sceptiques sur le déroulé des négociations pour la phase 2. Le rapport de force étant en faveur d’Israël, il n’est pas complètement surprenant que les Israéliens veuillent prolonger cette phase 1, constate Sarah Daoud, chercheuse associée au Centre de recherches internationales (Ceri) de Science Po et au Centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales (Cedej) du Caire. Mais le Hamas a clairement refusé de prolonger la phase 1 et demande que les négociations autour de la phase 2 soient entamées. Car elle prévoit le retrait total des troupes israéliennes de Gaza. Et le Hamas, au moins pour ce mois du ramadan, veut garantir une augmentation de la quantité d’aide humanitaire. »
Israël veut changer les modalités du cessez-le-feu
Benyamin Nétanyahou a finalement, samedi 1er mars, jour de la fin de la phase 1, présenté un nouveau plan. Lequel, a-t-il affirmé, a été suggéré par l’envoyé spécial du président états-unien Donald Trump, Steve Witkoff. Et qui démontre une fois de plus l’alignement des positions de l’administration Trump et du gouvernement Nétanyahou, en particulier de son aile la plus droitière.
Le projet propose une extension de la phase 1 du cessez-le-feu pendant toute la durée du ramadan, puis celle de la Pâque juive, soit jusqu’au 20 avril environ. Il prévoit la libération des captifs israéliens restants, vivants et morts, soit une soixantaine de personnes : la moitié dès le début de cette nouvelle étape, l’autre à la fin. Mais rien sur le retrait israélien, ni sur une quelconque déclaration d’arrêt définitif de la guerre.
Sans surprise, le Hamas a refusé. Le mouvement islamiste n’a en effet plus qu’un seul levier de pression, et ce sont les otages. Hors de question donc, pour lui, de les libérer sans garantie.
La suspension de l’entrée des aliments et autres biens dans la bande de Gaza, à la fois moyen de pression et représailles décidées par Benyamin Nétanyahou, ravit ses alliés d’extrême droite, dont son ministre Bezalel Smotrich, et provoque la colère de l’opinion israélienne qui craint pour le sort des captifs restants et se voit renforcée dans sa conviction que le premier ministre israélien est prêt à sacrifier les otages.
Elle est également vivement critiquée par la communauté internationale humanitaire, du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à l’ONU.
L’Égypte, médiateur avec le Qatar entre Israël et le Hamas, a réagi par l’intermédiaire de son ministre des affaires étrangères, Badr Abdelaty : « Il n’y a pas d’alternative à un engagement total dans toutes les phases de l’accord, qui comprend trois étapes, et la mise en œuvre de la deuxième étape doit commencer », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse.
Le sommet du Caire consiste à rendre un peu plus substantielle la proposition alternative des pays arabes.
Cette nouvelle crispation est intervenue trois jours avant un sommet d’urgence de la Ligue arabe prévu mardi 4 mars au Caire. Une nouvelle fois, les États arabes veulent présenter un front uni dans leur refus du plan Trump d’expulsion de la population de la bande de Gaza pour transformer le territoire en une sorte de Riviera.
Il s’agit aussi, et peut-être surtout, de signifier que la communauté des pays arabes, dans son ensemble, a autre chose à proposer. « Le sommet a été organisé à l’origine en réaction aux déclarations de Trump et de son plan immobilier, de sa Riviera pour Gaza. Mais en fait, il consiste à rendre un peu plus substantielle la proposition alternative des pays arabes, face à ce plan-là et face plus globalement à la question de la reconstruction de la bande de Gaza », décrypte Sarah Daoud.
Le sommet de mardi a été préparé par une réunion à Riyad le 21 février, en plus petit comité puisque y assistaient les dirigeants d’Égypte et de Jordanie, les pays les plus menacés par le plan de Trump, et les États du Conseil de coopération du Golfe, Arabie saoudite, Qatar, Koweït, Bahreïn, Oman et Émirats arabes unis.
Ce dernier avait alors rejoint les rangs, après une sortie de son ambassadeur aux États-Unis qui avait suscité la colère des dirigeants de la région. Il avait déclaré ne pas voir d’« alternative » au plan Trump d’expulsion des Palestinien·nes… avant d’être presque immédiatement corrigé par l’émir de son pays.
Front uni des pays arabes
Les rangs, depuis, se sont resserrés. « Le plan qui sera officiellement présenté lors de ce sommet va être qualifié non pas de plan égyptien, même si l’Égypte en est l’initiatrice, mais comme arabe. Il s’agit de renforcer la position arabe et celles de l’Égypte et de la Jordanie, les deux pays les plus menacés par la proposition de Trump. Et ça, c’est très important, analyse Dima Alsajdeya, chercheuse associée à la chaire « Histoire du monde arabe » au Collège de France. Nous n’avons pas vu une position commune aussi forte depuis le plan arabe de 2002. »
Ce dernier, dit aussi « plan Abdallah », du nom du roi d’Arabie saoudite de l’époque, élaboré en pleine deuxième Intifada, proposait une normalisation des relations de tous les pays arabes avec Israël en échange d’un État palestinien. Il avait reçu une fin de non-recevoir de la part d’Israël et de ses alliés, mais les pays de la région persistent à le mettre sur la table.
Le Caire se trouve doublement, voire triplement en première ligne : médiateur dans la guerre contre Gaza depuis le début, il est aussi sous pression pour accueillir la population gazaouie sur son sol. Ce qu’il refuse absolument pour des raisons politiques, stratégiques et démographiques. Mais sa dépendance à l’égard des États-Unis, qui maintiennent son économie et son armée sous perfusion, en fait une proie facile pour les chantages dont le 47e président états-unien est coutumier.
Aussi a-t-il élaboré un plan pour l’après-guerre à Gaza détaillé, en gardant son contenu secret pour le faire endosser par la Ligue arabe, soit l’ensemble des pays arabes, lors d’une réunion solennelle.
Bien sûr, dans un grand classique diplomatique, secret ne veut pas dire silence, et les auteurs dudit plan en ont fait fuiter les grandes lignes. « L’objectif principal est de projeter une reconstruction qui garde les Palestiniens à l’intérieur de la bande de Gaza, contrairement à ce qu’a proposé Trump, reprend Dima Alsajdeya. Et comme aucun des pays arabes n’a envie d’aller à la confrontation directe avec Trump, ils vont le contrer délicatement avec des propositions très concrètes. »
La reconstruction telle qu’elle est prévue par le plan égyptien comportera trois phases et s’étalera sur cinq ans. Dans un premier temps de six mois, durant lequel celle-ci sera consacrée aux travaux de déblaiement les plus importants, la population palestinienne sera regroupée dans trois « zones sûres », sur le territoire palestinien, équipées de préfabriqués et de mobile homes.
Depuis 2007, Gaza est détruite, puis reconstruite, puis détruite à nouveau. Ce n’est pas envisageable cette fois-ci, car on parle de dizaines de milliards de dollars.
L’essentiel des travaux sera assuré par des entreprises égyptiennes, et financé par les pays du Golfe, qui assureront également l’achat et l’acheminement de l’aide humanitaire massive.
Le plan égyptien contient aussi un volet politique, peut-être le plus important, assurément le plus délicat, car la question de la gouvernance de Gaza après la guerre n’a pas trouvé un début de réponse.
« Le volet politique est fondamental car personne ne va payer une reconstruction sans avoir l’assurance que Gaza ne soit pas détruite à nouveau, analyse Dima Alsajdeya. Depuis 2007 [prise de contrôle de la bande de Gaza par le Hamas – ndlr], Gaza est détruite, puis reconstruite, puis détruite à nouveau. Ce n’est pas envisageable cette fois-ci, car on parle de dizaines de milliards de dollars. Beaucoup de bruits ont couru, ainsi un dirigeant du Hamas a affirmé que le mouvement envisageait d’accepter l’exigence égyptienne de désarmer, avant d’être démenti par un autre responsable. En tout cas, il est sûr que les pays du Golfe, la Jordanie et l’Égypte s’accordent sur la nécessité d’exclure le Hamas. »
Ce point ne sera évidemment pas tranché mardi, alors que l’urgence, pour les pays arabes, est de montrer un front uni face au plan de Donald Trump et, plus fondamental encore, de voir l’aide entrer à nouveau dans l’enclave palestinienne.
Le ministre égyptien des affaires étrangères, en bon diplomate, se veut optimiste : « Après le sommet du Caire, nous aurons un plan pour Gaza, et nous parlerons à toutes les parties concernées afin d’obtenir leur soutien pour les efforts de reconstruction dans la bande de Gaza », a-t-il déclaré aux journalistes dimanche 2 mars.
L’enjeu pour les États arabes sera aussi de ne pas laisser leurs propositions – et leur détermination affichée – se noyer dans le tourbillon des coups d’éclat de Washington et de Tel-Aviv.
NOTE D'YVAN BALCHOY
L'élection d'une personnalité déja condamnée par la justice de son pays, salit de toute façon la légimité de sa présidence.
Nous avons tous vu l'arrogance et le mépris, y compris de la vérité, de Mr Trump et de Mr Vance qui tous deux donnent une image désespérante de leur pays. J'espère qu'une autre personnalité, plus honorable que ces deux troublions surgira d'ici quatre ans du peuple américain et que ceux qui ont violé la Constitution américaine paieront pour leur crime qui ne nuit pas qu'à leur nation mais au monde entier.