27-02-25- L'ISLAMOPHILIE DE CARL GUSTAV JUNG
On parle très souvent, et tant mieux, dans un Occident en quête de sens et en mal de culture, de la proximité entre Carl Gustav Jung (et, au-delà, la psychologie des profondeurs) et les spiritualités de l’Inde et de la Chine. On évoque sa passion pour les mandalas, le Yi-King, le Tao, etc. Mais n’est-il pas troublant que l’on passe sous silence, ou presque, l’immense amitié que le maître de Zurich nourrissait pour l’islam et la culture arabe, cet Orient pourtant si proche ?
Savez-vous que le père de Carl Gustav Jung, pasteur protestant, fut l’un des plus grands arabisants du XIXe siècle et consacra ses travaux universitaires à l’étude du visage arabe de l’érotisme, notamment à travers la version arabe du Cantique des Cantiques ? Savez-vous que Carl Gustav Jung lui-même parcourut plusieurs contrées de la Nation arabe, de l’Algérie à l’Égypte, de la Tunisie à la Somalie ? Qu’il proposa des lectures symboliques et initiatiques du Coran, notamment à travers la figure de Khidr, le Verdoyant, qu’il associait au concept du Soi ? Savez-vous qu’il reconnaissait l’importance de l’héritage arabe dans la pensée alchimique médiévale et renaissante, qu’il considérait comme un patrimoine exceptionnel ? Saviez-vous que Marie-Louise von Franz, son amie et collaboratrice, étudia longuement les racines arabo-islamiques des notions de « synchronicité » et d’« imagination active », notamment à travers les œuvres d’Avicenne, d’Ibn Arabi et d’autres penseurs ?
Et pourtant, même dans les milieux jungiens, cette dimension essentielle semble frappée d’amnésie, ou peut-être d’une forme d’autocensure inconsciente. Comme si l’Occident, fasciné par l’Orient lointain, préférait ignorer celui qui est à là, ici.
Car Gustav Jung témoigne dans Ma Vie, où il raconte qu’en Tunisie, « aux premiers rayons du soleil levant », il fut saisi dans son âme par un appel : « … à ce moment-là, l’invocation du muezzin, qui m’émouvait intensément, appelait à la prière du matin. »