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Publié par YVAN BALCHOY

15-01-25- SARKOZY ET SES COMPLICES DANS L'AFFAIRE LIBYENNE (FABRICE ARFI-MEDIAPART)

L’argent libyen de Sarkozy Chronique

Sarkozy lâche déjà Guéant et Hortefeux : « Que les autres s’expliquent, c’est pas moi quand même ! »
Avant même de rentrer dans le fond des accusations, le procès des financements libyens a montré, lundi 13 janvier, une réalité qui commence à poindre derrière l’énergie que met l’ancien président de la République à se défendre : il marche sur un fil.

Fabrice Arfi

14 janvier 2025 à 07h35

 
 

IlIl boxe avec les mots, agite ses bras, plante son regard dans toutes les paires d’yeux disponibles. Il s’indigne, raconte, fait rire la salle. Et ne lâche jamais rien. Nicolas Sarkozy a été entendu pendant trois heures, lundi 13 janvier, au procès des financements libyens, consacré pour cette quatrième journée d’audience à l’examen de son parcours politique et à ses relations avec les autres prévenus.

Écoutez Fabrice Arfi résumer l’audition

© Mediapart
Que pensez-vous de ce format audio ?

Ce devait être en théorie une audience en surface, censée naviguer sur l’épiderme du dossier avant de plonger dans ses tréfonds. Mais elle a offert quelques enseignements. Car l’énergie presque tellurique que Nicolas Sarkozy déploie pour convaincre le tribunal semble être le paravent d’une autre réalité : il marche sur un fil.

À y regarder de plus près, sa déposition prend vite des allures de mécanique des fluides, façon vases communicants. Afin de vider toute l’eau de l’accusation qui justifie sa présence au tribunal, selon les conclusions de l’enquête des juges d’instruction et du Parquet national financier (PNF), l’ancien président n’a en effet pas attendu longtemps avant d’éclabousser les autres. Et pas n’importe quels autres : ses deux plus proches collaborateurs, Claude Guéant et Brice Hortefeux, condamnés à subir silencieusement, pour le moment, la stratégie de leur ancien patron.


Tout avait pourtant plutôt bien commencé pour eux. Claude Guéant, qui est devenu son directeur de cabinet au ministère de l’intérieur à partir de 2002 et n’a plus quitté son service jusqu’à la défaite de la présidentielle de 2012, est présenté par Nicolas Sarkozy comme l’homme de la situation. Un préfet « expérimenté », qui sera son « très proche collaborateur », « le plus proche » en fait, avec lequel il « travaille en direct » et qui « exécute les tâches que le ministre lui donne ».

Quant à Brice Hortefeux, c’est, dit-il, son « grand ami ». Il le rencontre en 1976. Il a 21 ans et « Brice » 18. Leur amitié, raconte-t-il, s’est nouée autour d’une glace mangée dans un drugstore parisien au lendemain d’un meeting de soutien à Jacques Chirac.

Mais entre ces trois hommes, qui ont été au firmament de la République, il y a une ombre incandescente : l’agent de corruption présumé Ziad Takieddine, en fuite au Liban après sa condamnation dans un précédent scandale politico-financier, l’affaire Karachi.

L’ « erreur » de Guéant
Sarkozy dit l’avoir rencontré en tout et pour tout deux fois dans sa vie : en 2002 en compagnie de Philippe Séguin, puis l’année suivante avec le prince Nayef, ministre de l’intérieur d’Arabie saoudite. Volontiers hypermnésique pour tout ce qui le met en valeur dans le récit qu’il aime à faire de son action, Nicolas Sarkozy confesse à la barre du tribunal « ne pas avoir le souvenir » précis de cette dernière rencontre.

Cela a probablement un lien, admet-il, avec un contrat d’armement baptisé Miksa, sur lequel le PNF a prévu de revenir lors de prochaines audiences, tant celui-ci a nourri au sein de la droite et de l’État français de premiers soupçons de financements occultes avant l’affaire libyenne.

Nicolas Sarkozy parle de Takieddine comme d’un « monsieur très élégant », qui avait « pignon sur rue ». « Il n’est pas encore le fou qu’il deviendra après », psychanalyse-t-il, tout en expliquant avoir fait le « choix personnel » de ne pas le fréquenter après 2003. Il lui a paru tout de suite « antipathique ». Sarkozy ne l’a jamais « senti », à la limite du « délit de sale gueule », glisse-t-il.

Brice Hortefeux a des relations privées [avec Takieddine] dont il ne me rend pas compte.

Nicolas Sarkozy au tribunal de Paris
« Je suis peut-être la seule personne qui n’a pas de photo avec lui », se vante ensuite Nicolas Sarkozy. Et d’assurer que, contrairement à d’autres, lui n’est jamais allé en vacances dans sa demeure du cap d’Antibes, ou sur son bateau. Ce qui n’est pas très urbain pour son « grand ami » Brice Hortefeux, que des photos montrent justement en vacances sur le yacht de Takieddine ou en grande discussion avec lui dans son hôtel particulier à Paris.

« M. Hortefeux n’a pas connu Takieddine par moi. Je n’ai jamais demandé à Brice de le rencontrer. Il a des relations privées avec lui dont il ne me rend pas compte », insiste Sarkozy. Hortefeux et Takieddine ont entretenu en réalité une relation si soutenue, selon l’accusation, que fin 2005 ils vont rencontrer secrètement ensemble à Tripoli un dignitaire du régime Kadhafi, Abdallah Senoussi, qui va s’avérer être au cœur des financements occultes mis au jour par l’enquête.

Claude Guéant a lui aussi fréquenté assidûment Ziad Takieddine, pendant plusieurs années. « Claude Guéant ne me rendait pas compte », jure Nicolas Sarkozy, qui disait pourtant du même que c’était son « plus proche collaborateur » censé exécuter les tâches qu’il lui confiait et avec lequel il travaillait « en direct ».

Pour Sarkozy, fréquenter Takieddine était une « erreur ». « Il a eu tort, c’est sûr. » Mais il ne savait rien de cette proximité. Ce qui semblerait paradoxal pour le ministre de l’intérieur qu’il était alors, c’est-à-dire, paraît-il, l’homme le mieux informé de France.

C’est d’autant plus embarrassant que l’enquête montrera que Claude Guéant a également rencontré secrètement en Libye le dignitaire Abdallah Senoussi, alors qu’il était recherché par un mandat d’arrêt international et condamné pour terrorisme en France. L’entrevue a eu lieu dans le dos de l’ambassade de France en Libye, mais en présence de Ziad Takieddine, l’homme qui, même absent, encombre décidément tout le monde dans ce procès.

Tensions avec le PNF
C’est aussi vrai pour un troisième co-prévenu, Thierry Gaubert, un autre de ses anciens collaborateurs que Nicolas Sarkozy qualifie de « très sympathique », un « ami jusqu’en 1995 » avec lequel il n’aurait « plus eu de contact après » alors que l’enquête des juges d’instruction affirme le contraire. Or, Thierry Gaubert recevra des fonds libyens par l’intermédiaire de Takieddine quelques jours après les rencontres secrètes des proches de Sarkozy avec Senoussi.

La toile de Takieddine était de toute évidence immense autour de Sarkozy. Ce qui agace ce dernier : « Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question, à MM. Hortefeux, Gaubert, Guéant, mais pas à moi ! » Puis : « Que les autres s’expliquent, c’est pas moi quand même ! » L’ancien président martèle : « MM. Guéant et Hortefeux s’expliqueront. C’est à eux de dire. » Avant de redire : « Y a rien sur moi, jamais. »

Tout l’enjeu du procès semble se concentrer à cet instant. Nicolas Sarkozy veut prouver qu’il est détaché des autres prévenus. L’accusation doit démontrer qu’il n’en est pas détachable.

Je ne dis pas que Mme Takieddine ment, mais c’est faux, je n’ai pas passé cet appel.

Nicolas Sarkozy au sujet d’un appel téléphonique en juin 2008 avec Ziad Takieddine
Dans cette perspective, les procureurs du PNF puis des avocats des parties civiles exhument du dossier le témoignage de l’ancienne femme de Ziad Takieddine, Nicola Johnson, qui a raconté de manière circonstanciée qu’elle a été témoin en juin 2008 d’un appel téléphonique passé par Nicolas Sarkozy, pour présenter ses condoléances à l’intermédiaire après la mort de sa mère. « Je ne dis pas que Mme Takieddine ment, mais c’est faux, je n’ai pas passé cet appel », assure l’ancien président, manifestement déstabilisé. De fait, cette seule anecdote brise le récit sarkozyste.

Pourquoi inventer une telle scène, surtout de la part d’un témoin ayant divorcé dans les plus mauvais termes avec Takieddine ?, demande en substance l’avocate de l’association Anticor, Me Claire Josserand-Schmidt. « Je n’ai pas passé cet appel, mais si je l’avais fait, cela ne ferait pas pour autant de moi le signataire d’un pacte avec Kadhafi », esquive Nicolas Sarkozy.

Il veut reprendre la main et se montre formel : « Takieddine n’a joué aucun rôle auprès de moi, ni pour les infirmières bulgares ni pour quoi que ce soit. » Une déclaration qui va cependant à l’encontre de celle, pendant l’enquête, de Claude Guéant qui avait affirmé : « Honnêtement, il a joué un rôle, car il était en liaison très fréquente avec le beau-frère de Kadhafi, qui s’appelait Abdallah Senoussi. » Parmi toutes ses rencontres avec l’intermédiaire libanais, l’ancien bras droit de Sarkozy en a même reconnu une au domicile de celui-ci, « relativement à la libération des infirmières bulgares ».

Face aux questions du procureur Quentin Dandoy, du PNF, Nicolas Sarkozy s’échauffe : « Si l’accusation a des éléments, qu’on me les donne ! C’est épuisant de devoir répondre à des allégations qui ne reposent sur rien. »

« J’espère que nous arriverons à vous démontrer que tout cela ne repose pas sur rien, et pas sur des allégations je vous l’assure, mais sur des éléments objectifs », lui rétorque le procureur.


2 janvier 2025

NOTE D'YVAN BALCHOY

Un homme qui en de telles circonstances lâche et même accuse implicitement ses collaborateur n'est pas un homme courageux ni un homme tellement crédible.

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