Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Archives

Publié par YVAN BALCHOY

19-12-24- CORRUPTION FRANCAISE : LE REVEIL OU LE DENI (FABRICE ARFI- MEDIAPART)

Justice Parti pris

Corruption française : le réveil ou le déni
Après la condamnation définitive de Nicolas Sarkozy pour corruption, allons-nous continuer d’accepter certains termes du débat public selon lesquels, dans les affaires de délinquance en col blanc, le souci serait les juges ? Voulons-nous vraiment une France trumpisée et berlusconisée ?

Fabrice Arfi

19 décembre 2024 à 11h17

 
 
Deux chefs d’État, deux chefs de gouvernement : quatre délinquants. En confirmant mercredi 18 décembre la culpabilité de Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bismuth, la Cour de cassation a inscrit l’ex-président français dans la liste des plus hauts dirigeants du pays définitivement condamnés pour des atteintes à la probité.

Jacques Chirac, ancien président : condamné. Son premier ministre, Alain Juppé : condamné. Son successeur, Nicolas Sarkozy : condamné. Le premier ministre de celui-ci, François Fillon : condamné. Peu – ou pas – de pays appartenant à ce qu’on appelle les démocraties libérales occidentales peuvent revendiquer un curriculum vitæ judiciaire de cet acabit.

La décision rendue par la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français est historique à deux titres : jamais un ancien président de la République n’avait été condamné pour le délit de corruption – le plus grave dans l’échelle des atteintes à la probité –, et jamais un ancien président n’avait été condamné à de la prison ferme, une peine qui, dans le cas de Nicolas Sarkozy, sera aménagée par un enfermement à domicile avec le port d’un bracelet électronique.

Sitôt la décision de la Cour de cassation rendue publique, Nicolas Sarkozy a crié son indignation sur le réseau social X. Les termes choisis sont fidèles aux postures de l’ex-président qui a décidé, une fois encore, de faire le procès de la justice pour dissiper le poids des délits qui l’accablent.

Illustration 1Agrandir l’image : Illustration 1
Nicolas Sarkozy quitte la salle d’audience du tribunal judiciaire de Paris lors du procès en appel de l'affaire dite Bygmalion, le 24 novembre 2023. © Photo Geoffroy Van der Hasselt / AFP
« Dois-je comprendre que mon rôle politique passé et les oppositions que j’ai soulevées ont créé le climat corporatiste et politique qui a abouti à cette décision ? », a-t-il écrit, trempant sa plume dans un complotisme dont tous les populismes antijudiciaires sont coutumiers dans les affaires de délinquance en col blanc, en France comme ailleurs. Nicolas Sarkozy n’a, en la matière, rien à envier à Donald Trump aux États-Unis, Silvio Berlusconi en Italie, Jair Bolsonaro au Brésil ou Benyamin Nétanyahou en Israël.

L’ancien président français continue d’avoir le soutien de nombreux responsables politiques à droite (Laurent Wauquiez, Renaud Muselier, Christian Estrosi…) et d’éditorialistes de premier plan, comme l’ancien directeur du Point, Franz-Olivier Giesbert, qui a fait de la justice anticorruption l’une de ses poupées vaudoues préférées. Quant à l’actuel ministre de l’intérieur (démissionnaire), Bruno Retailleau, il avait par le passé violemment mis en cause l’institution judiciaire dans l’affaire Bismuth en parlant d’une « sorte d’enquête de contrebande, à la limite de ce que la justice doit pouvoir faire », qu’il comparait à de la « piraterie ».

Pendant combien de temps allons-nous continuer d’accepter ces termes du débat public selon lesquels, dans les affaires de délinquance en col blanc, le souci serait les juges ? Voulons-nous vraiment une France trumpisée, berlusconisée, bolsonarisée ?

Le courage des mots
Pour ne pas céder à ces tristes sirènes, peut-être faudrait-il déjà commencer par arrêter de parler d’une « affaire des écoutes » pour décrire le dossier Bismuth. Car c’est en soi une victoire du narratif sarkozyste qui a voulu installer l’idée – fausse – que le sujet de cette affaire serait des écoutes illégales. Il n’en est rien, d’après les dizaines de magistrats (juges d’instruction, procureurs, juges de première instance, juges d’appel, avocats généraux et juges de la Cour de cassation) qui ont eu à se pencher sur les faits, jurisprudence en main.

Dans l’affaire Bismuth, les écoutes ont été un moyen d’enquête, coercitif certes, mais légal, encadré, validé, comme peuvent l’être une perquisition ou une garde à vue. Il a bien existé des affaires des écoutes, par exemple celles de François Mitterrand, mais celles-ci étaient au contraire administratives, illégales et non contrôlées. Le jour et la nuit.

Ici, le sujet est tout à fait autre. Nous parlons d’un dossier de corruption, dans lequel l’ex-président est le corrupteur, et un ancien haut magistrat (Gilbert Azibert) le corrompu avec, pour faire l’intermédiaire entre les deux, l’avocat et ami du premier, Thierry Herzog.

Nicolas Sarkozy a été jugé coupable de corruption et de trafic d’influence, et les termes du pacte mis en évidence peuvent se résumer simplement : l’ancien président a bénéficié auprès du haut magistrat d’informations confidentielles sur des enquêtes en cours le concernant, en échange de quoi il s’est engagé à soutenir sa candidature pour l’obtention d’un poste sous le soleil de Monaco. Que le haut magistrat ait obtenu ou non son poste à Monaco est indifférent à la réalité du pacte corruptif, d’après la justice.

Imaginons qu’un avocat prépare un braquage avec son client ou, pire, un attentat : existerait-il un seul esprit sensé pour invoquer le secret professionnel et empêcher la poursuite des délits ?

Après avoir définitivement perdu la bataille en France, le pays qu’il a présidé, Nicolas Sarkozy en appelle désormais à l’Europe. Plus précisément à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qu’il n’hésitait pas, soit dit en passant, à vilipender en 2016 pendant les débats de la primaire des Républicains, comme il avait stigmatisé dès son arrivée au ministère de l’intérieur en 2002 le « droit-de-l’hommisme ».

Nicolas Sarkozy dit aujourd’hui sur tous les tons que ce qui l’a condamné en France le blanchira devant la CEDH. Techniquement, l’ancien président affirme que toutes les décisions convergentes en France sont contraires aux principaux fondamentaux de la Convention européenne des droits de l’homme en ce qu’il est formellement proscrit d’écouter les conversations d’un avocat (Thierry Herzog) avec son client (Nicolas Sarkozy).

Le débat promet d’être riche, mais nombreux sont les magistrats et spécialistes à rappeler, comme l’a écrit la Cour de cassation et tous les jugements qui ont précédé, que le secret professionnel des avocats – essentiel à la démocratie judiciaire – n’a jamais permis de protéger la commission de délits. A fortiori quand l’avocat et le client en question conversent à l’aide de lignes occultes, ouvertes sous de fausses identités pour faire parade à des écoutes policières opérées sur leurs téléphones officiels et dont les intéressés ont été, de toute évidence, avertis...

Imaginons qu’un avocat prépare un braquage avec son client ou, pire, un attentat : existerait-il un seul esprit sensé pour invoquer le secret professionnel et empêcher la poursuite des délits ?

Un moment mafieux
En attendant le débat devant la CEDH, l’avenir judiciaire de Nicolas Sarkozy est sombre. À partir du 6 janvier 2025, il sera jugé aux côtés de douze autres personnes, dont trois anciens ministres, dans un immense scandale d’État : l’affaire des financements libyens, à laquelle Mediapart a décidé de consacrer un film documentaire, Personne n’y comprend rien (réalisé par Yannick Kergoat), qui sera en salles à partir du 8 janvier. Nicolas Sarkozy est prévenu de quatre délits présumés dans ce dossier : corruption, association de malfaiteurs, financement illicite de campagne électorale et recel de détournements de fonds libyens.

En 2025, la Cour de cassation aura aussi à se pencher sur une troisième affaire Sarkozy, le dossier Bygmalion, qui porte sur le financement de sa campagne en 2012. Celle-ci a coûté plus de 40 millions d’euros, contre les 22 millions autorisés par la loi, la différence ayant été maquillée grâce à un système de fausses factures. Dans cette affaire, Nicolas Sarkozy a été condamné en première instance et en appel pour financement illicite de campagne électorale.

À lire aussi

Dossier
L’argent libyen de Sarkozy
156 articles
L’ex-chef de l’État est par ailleurs mis en examen pour recel de subornation de témoin et association de malfaiteurs dans l’affaire de la fausse rétractation de Ziad Takieddine, une machination ayant visé à décrédibiliser la justice dans l’affaire libyenne. Dans ce dossier, la femme de Nicolas Sarkozy, Carla Bruni, a récemment été mise en examen, elle aussi. Le nom de l’ancien président est également cité – sans poursuite à ce stade – dans deux autres enquêtes en cours : l’attribution du Mondial 2022 au Qatar et des financements russes liés au Kremlin et à des oligarques milliardaires.

Dans tous les dossiers où il n’a pas été condamné définitivement, Nicolas Sarkozy bénéficie de la présomption d’innocence. Ce qui n’est plus le cas dans l’affaire Bismuth.

Un tel inventaire ne devrait-il pas commencer à réveiller les consciences politiques et médiatiques sur ce qui se dessine sous nos yeux : l’histoire judiciaire d’un moment mafieux de la République ?

Fabrice Arfi

 

 

NOTE D'YVAN BALCHOY

Oui cette condamnation n'est pas injuste et nul doute que si l'accusé s'était appelé OMAR (KADHAFI ou non) je ne crois pas que l'ancien Président de la République française aurait protesté.

Tandis que moi et je n'en doute pas bien d'autres avec moi, pensons surtout à la fin ignominieuse d'un homme que ce même Président invita un 14 juillet par intérêt peut-être plus que par nécessité. Nous n'oublierons jamais que ce qui s'est passé en Libye la mort d'un chef d'Etat et la mise à mort symbolique de tout un peuple, suite à une entreprise coloniale criminelle.

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article