29-08-24- PAVEL DUROV MIS EN EXAMEN ET PLACE SOUS CONTROLE JUDICIAIRE (JEROME HOURDEAUX- MEDIAPART)
Telegram : Pavel Durov mis en examen et placé sous contrôle judiciaire
Le juge d’instruction a validé les douze chefs d’inculpation avancés par le parquet pour justifier l’arrestation du patron de Telegram, dont le frère est également recherché. Pavel Durov est notamment accusé d’avoir refusé d’identifier un pédocriminel. Il a interdiction de quitter la France.
Jérôme Hourdeaux
28 août 2024 à 22h56
Après quatre-vingt-seize heures de garde à vue, le cofondateur de Telegram Pavel Durov a été mis en examen, mercredi 28 août, pour l’ensemble des douze chefs d’inculpation lui ayant valu d’être interpellé, samedi en début de soirée, à l’aéroport du Bourget.
Le juge d’instruction a jugé suffisamment crédibles l’ensemble des accusations portées par le parquet de Paris rendues publiques lundi 26 août et incluant des faits de complicité de pédocriminalité, de trafic de drogue ou d’escroquerie. Une grande partie des infractions reprochées à Pavel Durov sont liées au manque de modération de contenus illégaux sur Telegram et à son absence de coopération avec la justice française.
L’homme d’affaires d’origine russe, qui dispose également d’un passeport français depuis 2021, a été laissé en liberté, mais « placé sous contrôle judiciaire avec notamment obligation de remettre un cautionnement de 5 millions d’euros, l’obligation de pointer au commissariat deux fois par semaine, et l’interdiction de quitter le territoire français », précise le communiqué du parquet diffusé mercredi dans la soirée.
Plus tôt dans la journée, le site Politico avait révélé que le frère de Pavel Durov, Nicolaï Durov, également cofondateur de Telegram, était lui aussi recherché par la police française pour les mêmes faits.
Selon Politico, qui a pu consulter des documents issus de l’instruction, les mandats à l’encontre des frères Durov ont été délivrés le 25 mars dernier dans le cadre d’une enquête sous couverture visant un utilisateur de Telegram accusé de crimes sexuels.
Durant celle-ci, le suspect aurait affirmé avoir manipulé des mineures afin de les pousser à lui envoyer « de la pornographie infantile produite par elles-mêmes » puis les avoir menacées de diffuser ces images sur les réseaux sociaux. Les documents obtenus par Politico indiquent également que le suspect aurait confessé aux policiers sous couverture avoir violé un enfant.
C’est dans le cadre de cette enquête que la justice a demandé à Telegram d’identifier cet utilisateur, ce que la société a visiblement refusé de faire. Le document consulté par Politico se plaint en effet d’une « coopération quasiment non existante de Telegram ».
Politico précise que rien ne suggère, dans le document que le site a pu consulter, que « les frères Durov aient été directement impliqués dans une quelconque activité illégale identifiée par l’enquête ».
Accusé de complicité de pédocriminalité, de trafic de drogue et d’escroquerie
De nombreuses zones d’ombre demeurent pourtant encore aux faits exacts visés par l’enquête. S'il valide la liste des douze chefs d’inculpation, qui font état de faits d’une particulière gravité et d’une implication directe de Pavel Durov, le nouveau communiqué ne donne de détails supplémentaires sur les faits.
Cinq d’entre eux accusent l’homme d’affaires de « complicité » dans des faits de détention et de diffusion d’images pédopornographiques, de trafic de drogue, de fourniture de matériel de piratage informatique et d’escroquerie en bande organisée.
Des charges relevant du droit pénal, et nécessitant de pouvoir être directement imputées à son auteur. « Il y a en droit pénal un principe de responsabilité du fait personnel », explique Yoann Nabat, enseignant-chercheur en droit privé et sciences criminelles à l’université de Bordeaux interrogé avant l’annonce de la mise en examen.
Par ailleurs, « la complicité nécessite une intention. Il faut avoir voulu aider à commettre l’infraction », poursuit le juriste. Pavel Durov aurait ainsi personnellement et en connaissance de cause aidé à la commission des faits reprochés.
L’homme d’affaires est également poursuivi pour « association de malfaiteurs ». « C’est également l’infraction fourre-tout par excellence », avertit Yoann Nabat. Mais elle doit normalement impliquer « la participation à un groupement avec un minimum d’organisation. Il faut qu’il y ait une entente entre les personnes ».
Soutenu par Elon Musk et Edward Snowden
L’arrestation de Pavel Durov avait suscité de nombreuses réactions dénonçant une attaque contre la liberté d’expression et la confidentialité des échanges sur les messageries sécurisées telles que Telegram. Ces critiques ont pu être émises par le patron de X Elon Musk ou le lanceur d’alerte Edward Snowden.
La réalité se révèle plus complexe. Telegram offre en effet deux types de services relevant de deux régimes juridiques différents, brouillant toute analyse des accusations tant que les faits précis ne sont pas connus.
D’un côté, l’application permet de créer des « boucles » que les autres utilisateurs peuvent consulter et relevant du régime des réseaux sociaux auxquels s’impose un devoir de modération. De l’autre, elle permet aux utilisateurs d’échanger des messages en partie chiffrés entre deux utilisateurs.
« Telegram est à la fois un réseau social et une messagerie interpersonnelle », résume Bastien Le Querrec, juriste à l’association de défense des libertés La Quadrature du Net, également interrogé avant l’annonce de la mise en examen. Ainsi, si les contenus illicites ont été mis en ligne sur une boucle, c’est la législation d’hébergement de contenus et de modération qui s’applique.
Or, celle-ci « pose un principe d’irresponsabilité pénale des hébergeurs, sauf en cas de signalement d’un contenu illicite, explique Bastien Le Querrec. Si le parquet accuse Pavel Durov de complicité, c’est qu’il a dû garder en ligne des contenus manifestement illicites. Or, le parquet évoque des faits relativement graves, en tout cas assez pour le placer en garde à vue ».
« La Quadrature du Net s’est toujours opposée à la censure administrative sans juge judiciaire ainsi que contre tous les abus en la matière, rappelle le juriste. Mais nous ne sommes pas contre le principe d’un contrôle de la modération. Un intermédiaire technique mettant, en connaissance de cause, ses services à disposition de personnes y menant des activités criminelles a une responsabilité pénale. »
En revanche, si les contenus illicites ont été échangés via le système de messagerie, l’analyse juridique n’est pas la même. « Il y a normalement une interdiction de surveiller les messages privés, explique Bastien Le Querrec. Il ne faudrait pas que le parquet soit en train d’attaquer une absence de modération des messages privés. »
Telegram dans le viseur de la justice et des autorités depuis plusieurs années
L’arrestation de Pavel Durov s’inscrit en outre dans un conflit latent entre responsables politiques, policiers et magistrats d’un côté, et les entreprises proposant des messageries sécurisées de l’autre.
Cela fait en effet de nombreuses années que les premiers accusent les seconds de protéger terroristes et criminels en exigeant un renforçant de leurs obligations légales, un affaiblissement de leurs algorithmes de chiffrement ou encore l’introduction de « backdoors », des « portes d’entrée » cachées permettant d’accéder aux communications.
Ainsi Telegram, qui n’est pourtant pas la messagerie offrant le meilleur niveau de chiffrement, était déjà en 2016 directement visé par le ministère de l’intérieur Bernard Cazeneuve. « Les échanges de plus en plus systématiques opérés via certaines applications, telles que Telegram, doivent pouvoir, dans le cadre des procédures judiciaires – j’insiste sur ce point –, être identifiés et utilisés comme éléments de preuve par les services d’investigation et les magistrats », affirmait-il alors.
« On constate une remise en cause du chiffrement et du droit à communiquer de manière sécurisée, affirme l’avocat Alexis Fitzjean Ó Cobhthaigh, interrogé mercredi matin. S’installe même une logique consistant à considérer que l’utilisation du chiffrement est un élément à charge à l’encontre de personnes car cela signifierait qu’elles ont quelque chose à cacher », poursuit l’avocat en référence à « l’affaire du 8 décembre ».
Dans ce dossier, sept militants, accusés d’association de malfaiteurs terroriste, s’étaient notamment vu reprocher par les enquêteurs comme élément à charge l’usage d’une messagerie chiffrée. Ils ont été condamnés au mois de décembre 2023.
Cela fait plusieurs années que le droit à avoir une conversation secrète est menacé.
Yoann Nabat
« En trame de fond, il y a une mise sous pression des messageries privées, qui s’inscrit dans une rhétorique déployée depuis plusieurs années déjà, complète Bastien Le Querrec. Alors que le chiffrement est essentiel pour la vie de tous les jours. Il est fondamental pour Internet, pour la sécurité des informations. »
« Cela fait plusieurs années que le droit à avoir une conversation secrète est menacé, abonde Yoann Nabat. Et cela correspond également à une dynamique visant à aller le plus en amont possible des actes préparatoires des infractions pour agir de manière préventive. »
Au-delà de la question du chiffrement, « il ne faut pas oublier qu’il y a également une mise sous pression des réseaux sociaux », rappelle encore Bastien Le Querrec. « Il y a une défiance des pouvoirs publics à l’encontre des réseaux sociaux qui sont accusés d’être à l’origine d’à peu près tous les maux qui frappent nos sociétés, complète Fitzjean Ó Cobhthaigh. Ils ont par exemple été mis en cause lors des révoltes urbaines de l’été 2023 qui avaient suivi la mort de Nahel ou, plus récemment, lors des violences en Nouvelle-Calédonie où TikTok avait été interdit. »
Le cas du fondateur de Telegram est en tout cas d’ores et déjà un message envoyé par la France aux responsables de services de communication. Et la question est désormais de savoir si d’autres pourraient connaître le même sort.
Comme l’a relevé, sur le réseau social X, le chercheur en sécurité informatique Baptiste Robert, le secrétaire général de l’office central de la police judiciaire spécialisé dans la violence faite aux mineurs (Ofmin) a publié peu après l’arrestation de Pavel Durov sur LinkedIn un message envoyant vers un documentaire permettant selon lui de « mieux comprendre les enjeux de ce dossier ».
Le film en question était un documentaire d’Arte sur « les failles d’Instagram » en matière de lutte contre la pédocriminalité. Le message en question a été supprimé le lendemain sans explication.
Toujours ce mercredi, l’Ofmin a par ailleurs annoncé que Pavel Durov était visé par une autre enquête pour violences sur un de ses fils ouverte après une plainte déposée en Suisse en 2023 par la mère de l’enfant. Les faits auraient été commis en 2017 alors que le garçon était scolarisé à Paris.
Jérôme Hourdeaux
NOTE D'YVAN BALCHOY
Je me demande si les mauvais résultats des dernières élections en France ne sont imputables a Pavel Durov. Peut-être que le juge d'instruction a manqué de zèle sur sa mission secrète très proche de celle qui a broyé Monsieur Assange.
Que vaut le site Politico et ou en est le secret de l'INSTRUCTION SOUS LE REGNE DE MACRON LE PREMIER ?