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Publié par YVAN BALCHOY

 
EGLISE D'AUVERS SUR OISE

EGLISE D'AUVERS SUR OISE

 

Quelle merveille le reécit de la vie de Van Gogh par Henri Perruchot. Au-delà de l’époque et des lieux où vécut le grand peintre,  à vrai dire c'est l'homme, le peintre maudit en son temps, adulé aujourd’hui qui me fascine.

 

 Van Gogh a tout d'un raté pour sa famille, les gens des villages successifs où son père, pasteur, officiait aux Pays-Bas. Il en est conscient mais dans chacune des missions où il s'implique totalement sans se soucier du qu’en-dira-t-on.

 C’est un enfant taciturne, colérique qu’ont peine à comprendre et à accepter ses parents. Assez sauvage, il aime parcourir en solitaire la campagne passionné de nature.

 Il aime déjà dessiner ce qu’il découvre au long de ses pérégrinations dans les champs et les bois.

 Vincent associe parfois son frère Théo à ses balades et c’est le début d’une amitié entre les deux frères qui durera toute sa vie.

 Le jeune homme débute sa vie professionnelle comme  employé modèle dans une entreprise artistique mais au fil du temps il décroche peu à peu du style bourgeois de cette profession et se fait remercier. De plus il s’éprend d’une jeune fille qui accepte volontiers sa compagnie comme ami mais se moque de lui quand il lui propose de devenir son épouse. Il  en est fort choqué.

De retour chez ses parents, il se retrouve en porte à faux avec les siens ;  mal à l’aise au sein de la société, Il me fait étrangement penser à ce moment de son évolution spirituelle à "l 'Idiot" de Dostoïevski.

Un peu plus tard à Londres il découvre en même temps que Dickens la misère des bas fonds, la souffrance des petites gens et à l’image des évangélistes qu’il a côtoyés il a pitié d’eux. Les mots de Jésus « Les publicains et les prostituées entreront avant vous dans le Royaume de Dieu." le touchent profondément.  Il décide de devenir missionnaire pour rendre à tous ces hommes et ces femmes abîmés par la société toute leur dignité d’enfants de Dieu.

 Plus tard, pasteur dans le Borinage, presque contre la volonté de son église évangélique qui le laisse partir à contre cœur, il y vit comme un François d'Assise partageant, abandonnant même tous les signes extérieurs de richesse propres à sa fonction pour vivre comme un va-nu pied vêtu de haillon ou de carton fréquentant assidument les travailleurs et réussissant ainsi à en réconcilier beaucoup avec l'évangile. Bien entendu il heurte ses collègues pasteurs  par sa volonté effective de se faire pauvre avec les pauvres, vivant dans une petite cabane. En revanche il est bien accepté par les mineurs et leur famille à qui il prêche inlassablement la Parole de Dieu 

 Mais à découvrir les injustices dont ils sont victimes dans cette société industrielle qui les broie, il  éprouve peu à peu des doutes sur l’efficacité de son ministère. S’il est encore prédicateur il dessine de plus en plus le triste univers qui l’entoure. Une grève survient et Van Gogh  suit le parti de ces miséreux qui luttent pour leur dignité. Hier sosie du Poverello d’Assise il prend le parti de ces  ouvriers qui se révoltent contre la misère. En ce moment il pourrait devenir un dangereux agitateur politique inspiré par Marx. Il n’en sera rien.  

 Rejeté par son église, miné physiquement par les privations de toutes sortes il se résigne à retourner chez les siens persuadé plus que jamais qu’il a raté sa vie. Heureusement, petit à petit il trouve dans la peinture qu'il pratique sporadiquement depuis son enfance une sorte de salut qui va l'entraîner sans qu'il en soit conscient ni reconnu dans le milieu artistique au sommet de l'art ; la recherche du beau prend la suite logique de la recherche et de la proclamation de l'évangile. de Dieu.

Cette quête douloureuse et rarement triomphante, je voudrais vous l'esquisser en laissant la parole à Vincent cité fréquemment dans l'ouvrage que je commente ici. Si vous voulez en savoir plus, je vous recommande vivement les lettres de Vincent à Théo, son frère, écrites pour la plupart en un français excellent qui sont un matériau de premier choix pour comprendre tout à la fois l'homme et son oeuvre qu'il commente lui-même abondamment.

Au terme de sa période boraine, Van Gogh est toujours croyant mais le Dieu de sa foi est de plus en plus éloigné de celui de son église."Je suis toujours porté à croire que le meilleur moyen pour connaître Dieu, c'est aimer beaucoup....Je suis une espèce de fidèle dans mon infirmité, et quoique étant changé, je reste le même"

 

 En 1880 Vincent s'installe à Bruxelles au 72 boulevard du Midi. Dans la capitale belge il fréquente musées et quelques artistes avec lesquels il a des relations  où il accepte parfois de joue le rôle d'apprenti  tout en incapable toutefois de renoncer à son impétuosité et à sa singularité qui  choque souvent ses pairs.

De retour à Etten il connaît des relations difficiles avec sa famille et s'installe à son compte. Le terme est mal choisi, car il dépend encore, comme il le sera toute sa vie des subsides de son frère Théo qui fait ce qu'il peut pour l'aider. Mais la peinture coûte cher et Vincent pour exercer son art rogne sur sa nourriture, son logement etc..?

"Je préfère ne pas manger à midi pendant six mois et réaliser ainsi des économies...Il est enthousiaste en lisant à propos du peintre des paysans, Millet : "L'art, c'est un combat, il faut y mettre sa peau". A mon avis, dans cette phrase, bien plus sans doute que dans la vie de Millet se profile toute la vie à venir de Vincent. (p. 161)

 

 Mais si Vincent est de plus en plus dévoré par la peinture, l'évangéliste philanthrope du Borinage brûle toujours en lui. Découvrant un jour une prostituée, alcoolique et enceinte. Tout le monde la trouve laide mais pour Vincent « elle rayonne de vérité humaine », elle personnifie le peuple. Il veut l’arracher à sa misère et il en fait son modèle. Il se sacrifie pour son bien-être lui qui manque déjà de tout. Bien entendu sa démarche déplait profondément à sa famille.

Vincent est bien conscient qu’elle comme lui est marquée par le malheur. « Nous sommes, elle et moi, deux malheureux qui se tiennent compagnie… c’est cela qui change le malheur en bonheur.168)

 Vincent à cette époque peint  énormément mais surtout il découvre le sens de la peinture : « C’est un puissant moyen d’expression , il ya dans la peinture quelque chose d’infini » (p. 178).

 Un moment, Vincent pense avoir réussi comme tout et chacun à fonder un foyer où il sera bon époux et bon père.  Mais Christine sombre à nouveau  dans la déchéance et Vincent se rend compte qu’il lui faudra choisir entre assumer cette caricature de famille et la peinture. Le cœur brisé, il finit par rompre.

Sa vie est désormais tout tendue vers la peinture dans les terres désolées de la Drenthe au nord des Pays-bas d’où il revient dans sa famille qui réside désormais à Nuenen. Il ne s’y sent pas bien.

C’est à cette époque qu’il peint en plusieurs fois son célèbre tableau « les mangeurs de pommes de terre » où il n’hésite pas à déformer le réel dans ses strictes apparences pour mieux en exprimer la substance. » (p.226)

La peinture est devenue sa seule vraie raison d’être  et le restera jusque sa mort.


Pour mieux apprendre l’art de peindre Vincent va voyager d’abord il se rend à Antwerpen où il admire particulièrement l’œuvre et l’utilisation des couleurs par Rubens. Dans les académies qu’il fréquente, et dont il déteste l’académisme, il est souvent critiqué pour son originalité.

Il rejoint un peu plus tard Théo à Paris où il découvre l’impressionnisme qui le heurte car il ne veut pas devenir peintre des apparences mais celui de la substance, de la vérité des choses (p.267)

Il réussit à exposer ses toiles dans un restaurant populaire de l’avenue de Clichy mais non seulement il ne vend aucune toile mais le public populaire se moque d’une œuvre qu’il ne comprend pas ce qui met en colère Vincent ;

Nous Sommes en 1888, Vincent en a marre du climat gris de Paris, il veut peindre du soleil, des paysages lumineux et décide de descendre à Arles « pour mesurer son pinceau au soleil. » (p. 291)

 l  y dresse son chevalet dans les vergers, au bord du canal et trouve enfin un réel bonheur dans son art. Il découvre même qu’à peindre vite, il atteint mieux son but. Il se sent capable de peindre  à l’huile un paysan en une seule séance.

l n’hésite pas à « exagérer » les couleurs, il veut peindre rien de moins que l’infini (p.325).

 l est tellement content de ce qu’il fait qu’il a envie de créer un atelier de peinture, de travailler avec des confrères et il pense en premier à Gauguin qu’il croit connaître et qui, après bien des hésitations accepte de le rejoindre.

Mais cette collaboration tournera vite court. Gauguin veut imposer à son collègue ses conceptions artistiques plus statiques et classiques, au début Vincent tente de le suivre mais son naturel heureusement revient vite au galop. Gauguin se lasse de la ville d’Arles où tout est petit et mesquin et il décide de retourner à Paris.

Au jour de son départ, Vincent s’approche menaçant de Gauguin armé d’un rasoir qui fuit se réfugier dans un hôtel. Vincent le soir même peut-être pour se punir de son intention meurtrière se coupe l’oreille gauche. C’en est fait pour les gens d’Arles, Vincent est devenu fou !

C’est d’ailleurs le cri que les enfants d’Arles crient en lui lançant des pierres après lui quand, la blessure se cicatrisant très bien, il reprend sa peinture. Théo qui entre-temps est rentré au pays pour se marier a du aider son frère  pour payer ses nombreuses dettes

l a perdu son atelier.  De plus une pétition exige son internement et Vincent, pendant un certain temps est  interné. Son atelier est fermé. Il est d’autant plus seul que Théo est retourné en Hollande pour se marier. Vincent reprend courageusement ses pinceaux, il est faible et travaille modérément ce qui n’est pas dans sa nature habituelle.

Un pasteur le persuade de continuer sa convalescence dans une maison de santé à Arles.  C’est un vrai asile d’aliénés situé dans un ancien monastère et  le peintre se sent seul avec ses compagnons d’infortunes qu’il plaint sans comparer son sort au leur.

Au début on ne lui permet de peindre que de l’asile mais devant sa stabilité psychologique le directeur lui permet d’aller peindre dans la campagne accompagné par un infirmier.

Il peint des cyprès des oliviers ; oubliant les leçons qu’on lui inculquait dans les académies il revient à sa nature, » il exagère, dramatise les formes, leur imprime mouvement et rythme. Les lignes serpentent, ondulent se soulèvent, animées d’une vie fascinante et mystérieuse. » p. 402) Psychologiquement il remonte en sa peinture  vers le nord vers le Brabant de sa jeunesse. Des barreaux de la fenêtre de sa chambre il peint dans son évolution saisonnière un champ de blé.

Mais un jour qu’il peint une carrière tout près de l’asile il est terrassé par une crise qui le prive de sa raison de nombreuses semaines.  Quand il en sort, il sait qu’il est en sursis d’une autre crise et se précipite dans le travail en acceptant d’être diminué, un petit peintre mais qui ne sait rien faire d’autre pour vivre que de jeter le réel qui l’entour sur ses toiles.

Son premier tableau après sa première crise est un autoportrait où il ne se fait aucune concession en peignant un homme ravagé, volontaire, têtu un paysan de la peinture, écrit-il à sa mère, ajoutant lucide : « Les paysans sont d’une plus grande utilité que moi en ce monde. « Piqué de poils roussâtres, le visage exprime l’horreur, la crainte atroce mais aussi une détermination farouche. C’est un homme qui revient de l’enfer qui s’est peint là, un homme qui a vaincu l’enfer mais qui sait que demain, dès ce soir peut-être l’abîme se rouvrira sous ses pas. » (p. 414)

Il travaille d’arrache pied persuadé que le travail est son « meilleur paratonnerre » contre la maladie. Après les oliviers en hiver il s’attaque aux cyprès et aux montagnes. Des crises moins graves que la première fois le terrassent régulièrement mais dès qu’il se sent mieux il se remet à peindre persuadé que c’est pour lui la voie du salut.

Théo lui envoie un article qui lui est consacré dans le « Mercure de France. » Il y est dit que ce qui caractérise l’ensemble de son œuvre, c’est l’excès. L’auteur de l’article le décrit »comme un robuste et vrai artiste aux mains brutales de géant, aux nervosités de femme hystérique au milieu de notre piteux art d’aujourd’hui. » (p. 429)

 Vincent est étonné mais ; il pense que l’article le décrit pas comme il peint mais comme il devrait peintre et trouve dans son humilité que Gauguin et d’autres mériteraient plus que lui ces éloges.

Malheureusement, lors d’un déplacement à Arles il est terrassé par une crise plus terrible encore que les précédentes. Quand il en ressort, il  convainc son frère de lui permettre de retourner dans le nord et le revoici bientôt à Pigalle où il découvre son neveu né entre temps qui s’appelle Vincent un peu contre sa volonté car  il aurait préféré que Théo l’appelle du nom de son père. Il retrouve chez son frères ses toiles anciennes entassées puisque jamais vendues dont les « mangeurs de pommes de terre »

 Assez rapidement il se rend à Auvers-sur Oise- chez le docteur Gachet où il est bien décidé de recommencer à peindre. Beaucoup de peintres ont travaillé en cette bourgade au flanc d’un coteau qui domine le cours de l’Oise. Il aime le pays qui sous certains aspects lui rappelle son Brabant natal.

 Il multiplie les toiles, peignant les champs, les vignes, les arbres, les routes, les maisons les collines qui se tordent sous son pinceau.

 Cependant il reste sauvage et irascible comme en sa jeunesse. Quand il se regarde ainsi que sa vie passée, il est découragé, pense qu’il a tout raté. Il écrit à sa mère : « Pour le moment, je suis calme, presque trop calme ». (p.462)

 Il monte vers des champ de blé sur un plateau hanté par des corbeaux avec une toile d’un mètre de long. C’est son dernier tableau peint Sur sa toile à travers le fauve des blés il trace des chemins qui ne mènent nulle part comme si au-delà, écrit Perruchot, il n’y avait plus que l’abîme.

 Effectivement deux jours plus tard, Vincent se tire une balle de révolver dans la poitrine. S ’est-il raté, il réussit à rentrer en marchant rapidement. Il affirme au médecin qu’il a voulu se tuer. Toute la nuit, Vincent immobile, le visage fermé fume en silence (p.454) Théo accourt à son chevet. « Ne pleure pas, je l’ai fait, dit Vincent à son frère pour le bien de tous. » Un moment donné il cesse de tirer sur sa pipe et s’écrire « C’est inutile, la tristesse durera toute la vie »

 On trouve sur lui une lettre inachevée : « Et bien ! mon travail à moi, j’y risque ma vie et ma raison y a fondu à moitié. »..

 Le 29 à une heure et demi du matin, il s’affaisse sur son lit. Il est mort. Il pensait sans doute avoir raté sa vie et peut-être sa peinture. Son œuvre est évalue globalement à 2000 florins.

 Certaines de ses toiles ont été grattées pour repeindre par-dessus, un de ses tableau servait à boucher un trou dans un poulallier.

 Aujourd’hui il est un des plus grands parmi les plus grands et certains s’enrichissent  à vendreet revendre les toiles de ce génial artiste qui ne réussit qu’à une seule toile de sa vie pour 400 francs.

AU terme de ce récit, je repense au prince Mychkine dont Dostoïevski avait écrit dans ses carnets (KHRISTOS) pour rapprocher la figure morale de ce prince russe considéré comme un « idiot » du Christ se disant fils de Dieu et mourant comme le dernier des criminels crucifié sur une croix. Il y a des hommes dont toute la vie est célébration, François d’Assise vécut la joie parfaite à travers la Pauvreté, Le prince Mychkine imaginé par Dostoïevski célébrait la bonté par toute son existence et Vincent van Gogh fut à travers ses mains et ses couleurs un chantre de la beauté qu’il chercha passionnément en ne la dissociant jamais de la vérité telle qu’il la voyait avec ses yeux émerveillés.

 Un petit texte qui en dit long à ce sujet : «  voilà, je m’étais pourtant juré de ne pas travailler. Mais c’est tous les jours comme cela, en passant je trouve des choses parfois si belles qu’enfin il faut pourtant chercher à les FAIRE »

 Pour faire la beauté des choses, Vincent se contentait souvent pour toute nourriture d’un morceau de pain et de quelques cafés. Nul doute qu’un tableau où il retrouvait le cyprès de ses yeux le récompensait largement des petites privations du corps. C’est vrai qu’il en est sans doute mort comme ce grain dont un prophète à parlé qui doit mourir pour que la vie continue. Je trouve que Vincent vit merveilleusement parmi nous à travers ses tableaux qui  en recréant la beauté d’un cyprès, d’un champ de blé, comme il les voyait, comme il les sentait nous en révèle la vérité ultime qui figée sur ces toiles est devenue éternelle.

 

 

Yvan Balchoy

yvanbalchoy13@gmail.com

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