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Publié par YVAN BALCHOY

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PARIS 2024 : LES JEUX OLYMPIQUES SOUS ENQUÊTES 

Illustration 1

 

 

QR code sur un smartphone devant la carte des zones réglementées pour le jour de la cérémonie d’ouverture. © Jean-Marc Barrère / Hans Lucas via AFP

 Déjà, il faut comprendre le zonage mis en place par le Comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo) et la préfecture, sur une carte interactive consultable en ligne : périmètres gris, rouge, bleu, voie olympique… Et à chaque zone sa réglementation : circulation automobile interdite sur certains horaires ou restreinte, avec présentation d’un QR code ou simplement d’un justificatif de domicile. Ensuite, il faut obtenir le précieux sésame pour circuler en voiture dans les périmètres rouges. Il en faut même deux en réalité. Un QR code pour le véhicule et un autre, « individuel », pour chaque conducteur. 

La procédure se révèle être un véritable casse-tête. « On a fait notre première demande le 8 juin. Mon mari a obtenu son Pass Jeux le 21 juin, mais le mien a été refusé. Je n’ai toujours pas réussi à obtenir gain de cause à quelques jours du début des contrôles », s’exaspère Michèle*, qui habite juste derrière le groupe scolaire Anatole-France. « J’ai reçu une notification me disant : “Nous sommes au regret de vous dire que la demande est incomplète.” Pourtant, j’ai fourni le titre de propriété, l’attestation de résidence, ma pièce d’identité, enfin, tous les documents demandés », égrène-t-elle, avant d’ajouter : « Que quelqu’un vienne chez moi me montrer comment faire. Comment font ceux qui ne parlent pas français ou qui n’ont pas Internet ? »

Une inquiétude partagée par la conseillère municipale de l’opposition Sofia Boutrih, qui se montre pessimiste à quelques jours de l’entrée en vigueur de ces mesures. « Pour les QR codes, les gens laissent très vite tomber, surtout avec la fracture numérique dans le département. La plateforme est trop rigide, regrette-t-elle. Ça ne peut pas se gérer dans la quotidienneté quand les Jeux auront commencé. » La cheffe de file du Parti communiste de la ville pointe la responsabilité de la mairie : « J’en veux à l’équipe municipale et au maire actuel. Même s’ils subissent un peu les ordres de la préfecture, c’est à eux de s’assurer que chacun traverse au mieux la période olympique. » En l’état, il est évident qu’un certain nombre d’habitant·es n’auront pas leur Pass Jeux dans les temps.

Contactée par Mediapart, la préfecture de police de Paris indique par ailleurs qu’au 12 juillet, 422 000 Pass ont déjà été délivrés, dont 220 000 Pass « piétons » qui permettront d’accéder au périmètre de protection de la cérémonie d’ouverture et aux abords directs des lieux de compétitions. « Trois quarts des refus sont la conséquence d’une demande formulée pour une adresse n'étant pas concernée par un périmètre (l’obtention d’un pass jeux n’est donc pas requise). La seconde cause de rejet est la demande incomplète (absence ou mauvaise qualité des pièces justificatives) », explique la préfecture, sans préciser le nombre de refus, mais elle assure avoir « mis en place depuis mercredi une cellule d’assistance, de renseignement et d’information au public, joignable au 3430 ».

La mairie assure faire le nécessaire

Côté mairie de Saint-Denis, le discours se veut rassurant. Shems El Khalfaoui reconnaît les contraintes induites par la présence du Village des athlètes au cœur de la ville (lors des olympiades précédentes, les villages olympiques étaient habituellement placés en périphérie des grandes villes), qui a déjà bouleversé la vie du quartier depuis plusieurs années. « On vient de passer cinq ans en étant le plus grand chantier d’Europe », rappelle l’élu. 

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Aujourd’hui, la mairie doit composer avec l’urgence, en essayant de collaborer au mieux avec le Cojo et la préfecture. « Pour une fois, l’État ne s’est pas caché, le préfet de police de Paris est venu quatre fois en personne aux réunions publiques pour répondre à toutes les questions des habitants », dit l’adjoint du maire PS Mathieu Hanotin, qui se félicite également de la réussite de la municipalité à faire réduire le périmètre des zones rouges initialement prévues. 

Mais lui aussi est conscient des difficultés rencontrées par les habitant·es, dues à la complexité des démarches d’une part et à la fracture numérique de l’autre. « À partir de lundi, tous les jours de 10 heures à midi, on va ouvrir une permanence numérique. En réalité, même certaines personnes qui ont une bonne condition sociale et accès facilement à Internet ont du mal », relate Shems El Khalfaoui.

Une des principales difficultés rencontrées lors des demandes réside dans la non-prise en compte des cas particuliers. « Par exemple, si vous habitez en zone rouge mais que votre parking est en zone bleue, vous ne pourrez pas obtenir de Pass », détaille-t-il. Alors les habitant·es doivent s’en remettre aux services de la ville pour trouver des solutions. L’élu affirme ainsi avoir déjà transmis plus de quarante dossiers à la préfecture de Seine-Saint-Denis pour validation.

En plus des difficultés rencontrées pour l’obtention du Pass Jeux, les périmètres de sécurité viennent perturber la mobilité dans la ville. Certaines routes et accès d’autoroutes sont fermés à la circulation à partir du 15 juillet. Les transports publics aussi vont être impactés.

Côté La Plaine et Stade de France, les lignes de bus 239 et 353 sont modifiées depuis la fin du mois de juin et seront en partie interrompues à compter du 24 juillet. Côté Pleyel et Village des athlètes, les bus ne circuleront pas dans la zone rouge. « Là-dessus, la mairie n’a pas obtenu gain de cause, déplore Shems El Khalfaoui. Pour certains habitants du quartier, il va falloir marcher trente minutes pour se rendre à un arrêt de bus. » D’autant plus que la seule station de métro du quartier, de la ligne 13, n’a pas d’accès pour les personnes à mobilité réduite. 

La mairie assure se plier en quatre pour mettre en place des solutions au cas par cas. « On va mettre des rustines pour assurer l’essentiel, faire des livraisons de repas, de courses à domicile, promet l’élu. Ce sont des nuisances qui ne sont pas dramatiques. Mais ça va compliquer la vie des gens pendant deux mois. »

Des habitants estiment ne pas avoir été entendus

La communication de la mairie peine à rassurer pleinement la population. Karima et Franck Llorente habitent un immeuble de briques rouges coincé entre le Stade de France et l’autoroute A1. Un périmètre rouge traversé par une voie olympique. 

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« On nous a demandé d’aller garer nos voitures ailleurs, explique Karima. C’est vraiment un problème, dans la résidence il y a des personnes très âgées et des personnes malades. Avec en plus les bus qui vont être détournés jusqu’au 8 septembre, ça va être très compliqué, ça empiète même sur la rentrée scolaire », déplore la mère de trois enfants.

Le couple s’est rendu à plusieurs réunions publiques de la ville mais estime ne pas avoir été entendu. « Des voisins travaillent dans le 95, dans le 77. Il y a même une éducatrice de l’aide sociale à l’enfance qui ne va peut-être pas pouvoir accéder à sa voiture. On nous dit qu’il va falloir prendre vos vacances pendant cette période. Mais on ne peut pas imposer à un salarié de prendre un mois ou quarante-cinq jours de congés à cause des JO. »

Karima et Franck disent ne pas savoir sur quel pied danser et expliquent avoir eu un flot d’informations contradictoires depuis l’ouverture de la plateforme Anticiper les Jeux. « En mai, on s’est tous mis sur le site pour avoir notre QR code piéton, on a mis notre quittance de loyer, même une photo d’identité, et ça a été refusé. Puis on apprend dans une autre réunion qu’il n’y a plus de Pass piéton », retrace Karima, qui craint de devoir se balader tout le temps avec une quittance de loyer pour accéder à sa résidence.

Sujet d’inquiétude supplémentaire pour la Dionysienne : elle est dialysée à domicile. « J’ai beaucoup de matériel à me faire livrer pour ma dialyse. Franchement, je ne sais pas comment ça va se passer. J’avais programmé une livraison que j’ai dû finalement annuler puisque le transporteur ne pourra pas passer ce jour-là », retrace-t-elle. 

On a beaucoup parlé des JO aux patients et on a essayé de rendre autonomes ceux qui peuvent l’être. Mais ce n’est pas possible avec tout le monde, notamment les enfants sous perfusion.

Sarah, infirmière

La difficulté d’accès au cœur de Saint-Denis inquiète aussi les professionnel·les de santé. Sarah est infirmière libérale, spécialisée dans les perfusions. Sa tournée quotidienne l’amène dans plusieurs villes olympiques : Saint-Denis, Saint-Ouen, Aubervilliers, La Courneuve… Difficile pour elle d’obtenir son QR code pour exercer sereinement, étant donné qu’elle peut être amenée à travailler dans plusieurs périmètres de sécurité différents.

Et même si la démarche a finalement abouti, les premiers soucis n’ont pas tardé à arriver, avant même le début de l’événement. « On ne nous a pas laissé aller voir un patient situé entre La Plaine et Saint-Ouen, collé au Village olympique. Pourtant, j’ai montré mon QR code et ma pièce d’identité, mais je n’ai pas été autorisée à passer par des agents de sécurité. Cette fois-ci, j’ai pu me débrouiller en faisant un grand détour, mais pendant les JO, je ne sais pas si ce sera possible. »

Sarah s’est organisée en amont pour anticiper les difficultés. « On a beaucoup parlé des JO aux patients et on a essayé de rendre autonomes ceux qui peuvent l’être. Mais ce n’est pas possible avec tout le monde, notamment les enfants sous perfusion », décrit l’infirmière, qui explique que ses tournées sont déjà fortement perturbées par les embouteillages induits par les travaux des JOP et qu’elle s’attend à ce que la situation aille de mal en pis. Elle décrit l’angoisse de ne pas pouvoir arriver à temps pour une urgence.

À Saint-Denis, les JOP sont attendus par certains avec un mélange d’appréhension et de résignation. « On déprime. Ici, ceux qui peuvent partent en vacances avant que ça ne commence, affirme Karima Llorente. Et le pire dans tout ça, c’est qu’on ne cesse de nous répéter qu’on devrait être contents d’avoir les Jeux olympiques chez nous. »

Névil Gagnepain

NOTE D'YVAN BALCHOY

Parle-t-on d'exercices de gendarmerie ou d'armée, les jeux Olympiques justifient-ils l'abrogation de droits civiques, il y a me semble-t-il une inversion des valeurs qui ne me poussera pas  devant les radios ou poste de télévision devant ce que je considère comme une soumission inacceptable au dieu de la non démocratie, sécurité.

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