26-06-24- COMMENT LES MEDIAS FRANCAIS PREPARENT LA VIOLENCE DE L'EXTREME DROITE AU VENEZUELA (THIERRY DERONNE-LE GRAND SOIR)
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Thierry DERONNE
Un matin, parce que c’est la seule qui ne passe pas de pub, on écoute une radio publique parler des présidentielles de juillet au Venezuela : « Nicolas Maduro apparaît treize fois sur le bulletin électoral » ; « Le Venezuela refuse les observateurs internationaux ». Avant de passer à l’antenne, le pigiste du service public a sans doute allumé son ordinateur pour « s’informer » via les agences et médias du monde entier : « Nicolas Maduro apparaît treize fois sur le bulletin électoral », « Le Venezuela refuse les observateurs internationaux ».
« Nicolas Maduro apparait treize fois sur le bulletin électoral ». Logique, puisque 13 partis de gauche appuient sa candidature. Les 25 partis d’opposition – soit le double de ceux qui appuient Maduro – occupent la majorité du bulletin. On pourrait donc saluer le pluralisme d’élections où se présentent 38 organisations politiques qui vont de l’extrême gauche à l’extrême droite (1). Priver l’audience de ce contexte et répéter que « Maduro apparaît treize fois » ne sert qu’à réactiver les 24 ans de désinformation qui ont transformé en « dictature » la révolution bolivarienne.
Dans l’isoloir, ce bulletin s’affiche sur un écran numérique. L’électeur/trice choisit et vote de manière tactile pour le parti de son choix, lance l’impression de son vote sur papier, le vérifie et le dépose dans l’urne proche. Tous les délégués de partis ou observateurs internationaux peuvent ainsi comparer les votes électroniques avec les votes imprimés, partout où ils le souhaitent. Ce double système de vote a fait dire dès 2012 à Jimmy Carter qu’« en le comparant aux 92 processus électoraux que j’ai observés dans le monde entier, le système vénézuélien est le meilleur du monde ».
« Le Venezuela refuse les observateurs internationaux ». Bien au contraire, le Centre National Électoral vénézuélien (CNE) a invité de nombreux experts électoraux comme celles et ceux du Groupe d’experts électoraux de l’ONU (déjà sur place), du Centre Carter (qui arrivera le 29 juin), du Conseil des Experts Électoraux d’Amérique Latine (CEELA) – déjà présent, et qui regroupe des président(e)s de tribunaux électoraux de pays de tous signes politiques, de l’Union Interaméricaine des Organismes Électoraux (UNIORE), déjà présente, ou encore de l’Observatoire de Réflexion Stratégique pour l’Intégration Régionale (OPEIR). En plus de l’ONU, le CNE a invité la Communauté des États d’Amérique Latine et des Caraïbes (CELAC), la Communauté des Caraïbes (CARICOM), l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), les BRICS, d’autres pays en particulier et près de 250 personnalités du monde entier, journalistes, délégué(e)s de mouvements sociaux, activistes des droits humains. Les élections les plus récentes (2021) ont été validées comme « transparentes, démocratiques » par la grande majorité des observateurs internationaux. (2)
Invitée elle aussi, l’Union Européenne a ensuite décidé de reconduire (en mai, peu après Joe Biden) ses sanctions contre la révolution bolivarienne. Dénoncées par les expert(e)s de l’ONU, ces mesures coercitives génèrent de grandes souffrances sociales. Le Center for Economic and Policy Research (CEPR, Washington) estime qu’elles ont entrainé la mort de 100.000 patients, privés de médicaments. La reconduction par l’Union Européenne de ces sanctions inhumaines, qui visent à influencer les électeurs, la disqualifie comme « observatrice impartiale ». C’est pourquoi le Centre National Électoral a annulé son invitation (celle de l’UE seulement), suscitant la protestation immédiate de Washington : « Le peuple vénézuélien devrait pouvoir choisir son prochain président dans des élections crédibles, transparentes et compétitives, soutenues par l’observation internationale ». Voilà pourquoi votre télé, radio ou journal affirme que le Venezuela « refuse les observateurs étrangers ».
Photo : mobilisation des travailleurs avec Nicolas Maduro, le 1er mai 2024 à Caracas.
Les médias français ne sont que l’ombre portée d’une campagne mondiale bien huilée. En moins d’une semaine, le New York Times a publié trois articles traitant le président élu du Venezuela d’autoritaire : « Rencontrez le candidat qui défie le président autoritaire du Venezuela » (5/6/24) ; « Les candidats d’une émission de téléréalité se disputent le jingle de campagne d’un président autoritaire » (24/5/09) ; « Les élections peuvent-elles forcer le dirigeant autoritaire du Venezuela à quitter le pouvoir ? » (5/11/24) (3).
Pourquoi cette nouvelle campagne contre la démocratie au Venezuela ? D’abord parce que la droite, qui a demandé et appuyé les sanctions occidentales contre le Venezuela, reste impopulaire. Depuis plusieurs mois, les sondages les plus sérieux donnent au candidat de gauche Nicolas Maduro une avance de près de 30% sur le candidat ultra-libéral Edmundo Gonzalez. Une marge semblable à celle qui a permis à la progressiste Claudia Sheinbaum de remporter le 2 juin la présidentielle au Mexique face à la candidate de l’ultra-libéralisme. Bien sûr, avec ses nombreux instituts, médias, réseaux sociaux et ONGs, la droite vénézuélienne a de quoi mener la guerre des sondages. Reste qu’un des instituts privés les plus fiables – Hinterlaces – qui a déjà prédit avec exactitude le résultat des scrutins antérieurs – confirme l’avance de Maduro.