23-05-24- POURQUOI LA FRANCE FAIT FACE A LA TENSION DANS LES OUTRE-MER (JOËLLE MESKENS -LE SOIR.BE)
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Pourquoi la France fait face à la tension dans les Outre-mer
Après Mayotte, la situation se tend en Nouvelle-Calédonie. Une loi constitutionnelle, qualifiée par les indépendantistes de « loi de recolonisation », suscite de vives tensions. Emmanuel Macron appelle les acteurs de l’archipel à un dialogue à Paris.
Poussée de fièvre en Nouvelle-Calédonie.
Joëlle Meskens
Envoyée permanente à Paris
Par Joëlle Meskens
Envoyée permanente à Paris
Des voitures incendiées, des magasins pillés, des barricades érigées sur les routes, des heurts entre manifestants indépendantistes et forces de l’ordre. Après plusieurs jours de tension en Nouvelle-Calédonie, un couvre-feu a été décrété sur ce territoire du Pacifique Sud. L’aéroport de Nouméa a été fermé, de même que les écoles. Les 270.000 habitants ont été invités à rester chez eux en attendant des renforts des unités d’élite de la police et de la gendarmerie de la métropole.
La cause de cette poussée de fièvre ? Un projet de loi actuellement débattu à Paris, qui met les indépendantistes kanaks en ébullition. Le texte, déjà voté au Sénat, prévoit d’élargir le corps électoral. Aujourd’hui, un cinquième des électeurs qui peuvent voter pour la présidentielle ou pour les législatives, ne peut pas se prononcer lors des élections provinciales, déterminantes dans l’archipel. C’est la conséquence des accords de Nouméa de 1998 qui avaient apporté de la stabilité pendant vingt-cinq ans mais qui arrivent aujourd’hui à leur terme.
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« Un risque de recolonisation »
A l’époque, Jacques Chirac est à l’Elysée et Lionel Jospin, Premier ministre de cohabitation, gère le dossier à Matignon. L’exécutif promet aux Kanaks de figer le corps électoral pour que la population locale puisse être maître de son destin. Ainsi, les habitants nés après 1998 ou arrivés sur place après cette date n’ont pas voix au chapitre pour les élections provinciales. La mesure, dès le départ, est prévue pour être transitoire. Au bout de trois référendums sur l’autodétermination, elle devient caduque. Ces trois référendums ont eu lieu. A chaque fois, le non à l’indépendance l’a emporté. En 2018, cette perspective a été écartée à 56,7 %. En 2020, à 53,3 %. En décembre 2021, un vote ultime s’est soldé par un résultat encore plus tranché : 96,50 %. Mais c’était alors parce que les indépendantistes avaient boycotté ce scrutin après l’épidémie de covid, affirment aujourd’hui les détracteurs de la réforme.
Pour ses partisans, il convient désormais de mettre fin au gel du corps électoral. « Il n’est plus conforme à la démocratie », explique le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Il suffirait désormais de justifier de dix ans de résidence pour pouvoir voter. Inacceptable, tonnent les indépendantistes, selon lesquels la réforme conduirait à « minoriser » le peuple autochtone kanak. Ils dénoncent le risque d’une « recolonisation » de l’archipel.
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Place au dialogue
Théoriquement, une fois voté par les deux chambres, ce projet de loi constitutionnel devrait faire l’objet d’un passage au Congrès, le Parlement réuni à Versailles. Mais alors que ce congrès pourrait être convoqué dès les prochaines semaines, l’Elysée a choisi de temporiser.
Emmanuel Macron a indiqué qu’il ne le saisirait pas dans l’immédiat, pour laisser encore le temps au dialogue. Il a demandé au gouvernement de convier à Paris tous les acteurs politiques de l’île.
Ce n’est pas la première fois que la majorité est confrontée à l’épineuse question des Outre-mer. A Mayotte, la situation sécuritaire et même humanitaire est devenue critique, avec l’apparition du choléra. Mais ni l’opération « Wuambushu » (visant à expulser les clandestins et détruire les bidonvilles illégaux) du ministère de l’Intérieur, ni les opérations « place nette » (contre les trafics de drogue) ni la réforme annoncée du droit du sol n’ont ramené le calme.