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Publié par YVAN BALCHOY

 






Léon Legrand, mon grand père,  l'auteur de ce récit



SOUVENIRS DE GUERRE

 
Le neuf mai (1940), après quelques jours d'alerte, on venait d'apprendre que les congés étaient rétablis en Belgique. Il semble donc que l'on se trouvait devant une accalmie et, à l'inquiétude, avait succédé un sentiment de tranquillité relative. Ce soir-là, mon fils Paul (1) logeait chez moi et dormait dans ma chambre.

Le matin, vers quatre heures et quart, quatre heure et demie, je fus brusquement réveillé par des sonneries répétées de téléphone. Mon premier sentiment fut qu'il était arrivé un malheur dans la famille, et je descendis quatre à quatre sans même m'habiller. Au téléphone, je reconnus la voix de Mademoiselle Deg. qui me dit qu'il se passait quelque chose d'anormal, qu'il y avait un grand branle-bas à Saint-Médard  (2) et des bruits anormaux dans l'air.

M'étant rendu au petit balcon, je ne me fis plus d'illusions, il y avait dans l'air un bruit assourdissant de moteurs d'avions, tel que je n'en n'avais jamais entendu de pareils jusque là.

Il n'y avait pas de doute, c'était la guerre, c'était l'invasion par surprise. Ayant ouvert la T.S.F., j'appris les mauvaise nouvelles de minute en minute ; d'abord le bombardement de la gare de Jemelles, le bombardement de l'aéroport de Nivelles, l'invasion par Bastogne, puis successivement toutes les nouvelles aussi désolantes les unes que les autres.

Ayant prévenu Paul, celui-ci après s'être habillé hâtivement, alla vers le pont et la gare et revint en me disant qu'il avait pu compter jusque quarante-cinq avions en l'air. Il fallait donc se rendre à l'évidence. Une nouvelle fois, nous étions envahis, et c'était la guerre avec ses horreurs. Dès les neuf ou dix heures, peut-être un peu plus tard, arrivait une troupe française, traversant le pont, et se dirigeant vers le Rivage. (2)

Je fus assez ahuri en voyant passer une troupe de cavalerie armée comme en quatorze, et sans être expert en matière militaire, je me demandais si l'on envoyait délibérément ces malheureux à la mort. Le matin se passe en va-et-vient.

Madame Aug. me remît un papier que lui avait confié mon fils Georges (1) et où il indiquait les mesures à prendre. Le choc avait été si rude que j'étais momentanément sans grande volonté. J'allai cependant prendre dans mon bureau l'argent de Georges que je parvins à découvrir ainsi que quelques papiers tandis que Madame Aug. emballait hâtivement l'argenterie avec les albums de photographie que je fis descendre provisoirement dans la cave à vins, avec l'appareil photographique de Georges, me réservant de prendre d'autres dispositions par la suite.

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(1) Mon grand Père Léon Legrand  était sénateur au sein du pari catholique.
Paul, c'était mon papa alors agé de 36 ans.
Quant à moi, j'avais alors quatre  ans ;  un des plus anciens souvenirs de ma prime jeunesse est lié aux avions allemands envahissant
 dans un bruit terrible le ciel au dessus de notre domicile .
Georges, magistrat était son frère et donc mon oncle.
(2) Quartier de la ville de Dinant.

Sachant en effet la distance qui nous séparait de la frontière, je m'imaginais qu'il ne pouvais y avoir de péril immédiat d'occupation avant huit ou quinze jours. L'après-midi, il y eut des alertes, et l'on se réfugia dans les abris.

Vers quatre ou cinq heures, me semble-t-il, sur les instances de Paul, de Léon (1) et de Madame Aug., je me décidai à gagner Sommières avec Anne, Loulou et les enfants (2)  et les servantes, pour aller passer la nuit chez Madame Gouv. où nous sommes reçus de grand coeur.

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(1) Mon oncle Léon, père de ma cousine Brigitte. Anne était son épouse.
(2)  les enfants en question à ce moment là : Jacqueline, Beaudoin, Brigitte et moi, Jean-Pierre
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Jacqueline et Jean-Pierre à l'époque de l'époque de l'exode.


 
Paul et Léon, faisant partie de la défense civile, revinrent en ville pour la nuit. A Sommières, étaient déjà arrivées des troupes française d'artillerie, et vers le matin, il y eut un combat d'avions entre un appareil français et deux appareils allemands qui furent descendus.

Partis avec quelques bagages réunis hâtivement, Paul et Léon vinrent nous voir dans la matinée, puis ils redescendirent à Dinant, pour prendre certaines dispositions. Ils vinrent dans l'après-midi me reprendre pour redescendre à Dinant. A ce moment, je ne pensais nullement m'en aller et je m'imaginais sûrement que j'avais encore devant moi le temps nécessaire pour prendre les mesures qui pouvaient s'indiquer.

Jugez de ma stupéfaction à mon arrivée au quartier Sant-Médart d'y trouver la population dans le plus grand émoi. Toute la rive droite avait évacué cette rive et était passé sur la rive gauche. J'y rencontrai notamment Monsieur Sasser. et Monsieur G. Mon. Tout le monde était dans l'affolement et déjà des convois de fugitifs s'en allaient dans la direction de Namur ou de Philippeville.

Je me présentai cependant à l'officier français qui stationnait au coin de l'Hôtel des Postes en lui disant que je désirais passer sur la rive droite.


Dinant avant la guerre : au premier plan la maison de mon grand père



Le pont était désert. Il me fit observer que c'était à mes risques et périls, que les Allemands se trouvaient déjà à Marche et que dans un quart d'heure le pont pouvait sauter. En même temps, je voyais des soldats descendre du corps de garde avec les caisses d'explosifs.

Passé le pont, j'étais exposé à être coupé du reste de la famille. C'était l'entrée dans une ville déserte, et tout  cela se passait dans une ambiance de fuite et d'affolement. Ayant avec nous les deux autos sur la rive gauche, nous décidâmes de regagner Sommières où nous étions seuls dans la maison de Madame Gouv., celle-ci nous ayant quitté le matin pour aller rejoindre sa famille.

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