26-01-24- REARMEMENT CIVIL ET MORAL DE LA FRANCE : QU'EN PENSER ? (ALAIN REFALO- INVESTIG'ACTION- MICHEL COLLON)
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Investig’action
French police officers stand by a promotional campaign village for the Universal National Service, or SNU (Service National Universel), in Nantes, Western France, on April 19, 2023. (Photo by Sebastien SALOM-GOMIS / AFP)AFP
Un climat de guerre s’installe en France
ALAIN REFALO17 JANVIER 2024
Emmanuel Macron appelle au « réarmement civil et moral » de la jeunesse alors que la France s’est engagée dans une «économie de guerre », augmentant considérablement ses dépenses pour l’armée. Ce ne sont pas les seuls symptômes d’un inquiétant tournant. Alain Refalo analyse les ressorts de cette militarisation et explique comment y résister.
Au mois de juillet dernier, le Parlement adoptait la loi de programmation militaire 2024-2030, pour un montant de 413 milliards d’euros. Elle consacrait une hausse du budget militaire de 3 milliards d’euros par an jusqu’en 2027, puis de 4,3 milliards d’euros jusqu’en 2030, ce qui portera le budget de la défense nationale à 69 milliards d’euros en 2030, alors qu’il était de 32 milliards en 2017. Il est clairement affirmé dans cette loi de programmation militaire que la France s’engage désormais dans une « économie de guerre » afin d’augmenter significativement la production d’armement, pour le plus grand bonheur du complexe militaro-industriel. C’était le premier signal attestant que la France se préparait à la guerre.
Les dernières déclarations du Président de la République s’inscrivent dans la continuité de ce qu’il faut bien nommer la militarisation croissante du pays. En appelant au « réarmement civique et moral » de la jeunesse, après avoir au mois d’août annoncé sa volonté de la « re-civiliser » (après les émeutes), Macron-Jupiter veut aller encore plus loin dans son embrigadement idéologique afin de la préparer au climat de guerre qu’il cherche à imposer à la nation. La jeunesse, future chair à canon disponible, doit être prête, préparée, par l’école, par le SNU et sans doute bientôt par le service militaire qui effectue un retour en grâce chez de nombreux politiques et militaires.
Tous les discours officiels convergent en effet pour préparer la population française à l’idée que la « paix » est sans doute derrière nous ; ce qui signifie que, forcément, la guerre est devant nous. La guerre en Ukraine, le conflit israélo-palestinien, à la suite des attentats islamistes, sont désormais utilisés à des fins de propagande militariste. La perspective d’un conflit majeur sur notre sol ou/et d’une guerre en Europe dont la France serait partie prenante incitent le pouvoir politique à anticiper cette échéance. Pour que cette guerre soit acceptée par la population, il faut que les esprits soient prêts et qu’ils la considèrent comme une échéance inéluctable.
Tout ce qui peut contrarier cet objectif est réprimé. Depuis plusieurs années, le pouvoir lepénisé cherche à contenir et à vaincre les résistances civiques, sociales, écologiques qui se développent contre les inégalités et les discriminations, contre le dérèglement climatique, contre les lois iniques comme la loi immigration. Pour atteindre cet objectif, et justifier des mesures ultra-sécuritaires et militaristes, il agite des chiffons rouges qui détournent l’attention et il instiller de la peur. Parce que l’ennemi pour l’État, de tout temps, avant d’être extérieur, est d’abord intérieur. C’est pourquoi les libertés sont aujourd’hui attaquées, que le droit de manifester, de s’exprimer, de contester est réprimé, souvent avec une brutalité inouïe par une police largement gangrenée par les idées de l’extrême droite. Il s’agit de faire taire les voix dissidentes qui font obstacle à l’édification d’une pseudo unité nationale autour de son chef qui trouve dans la perspective d’une guerre à venir un moyen de sauver son deuxième quinquennat.
Pour tenter de mâter la jeunesse et de la remettre dans « le droit chemin », Macron a sorti de son chapeau en 2017 le Service National Universel (SNU). Dans une vision très paternaliste de la jeunesse, le SNU, dans son principe comme dans ses méthodes, ainsi que l’ont montré les phases test, n’est qu’une école de la soumission inconditionnelle à l’autorité, tout particulièrement à l’autorité militaire. Il s’agit d’inculquer à la jeunesse les valeurs et les méthodes militaires, mais aussi de lui faire accepter « les enjeux de la défense et de la sécurité nationale ». Le « réarmement civique et moral » de la jeunesse voulu par Macron trouve déjà dans le SNU un terrain d’application édifiant : garde à vous, lever du drapeau, Marseillaise, uniforme, discipline stricte, encadrement militaire, participation aux cérémonies militaires…
Lorsqu’il était secrétaire d’État en charge de la jeunesse, Gabriel Attal, avait annoncé la généralisation du Service national universel à tous les jeunes de 16 ans dès 2024. Cette idée n’a pas été abandonnée. Le 5 janvier dernier, Prisca Thevenot, secrétaire d’État à la jeunesse et au Service national universel, a fait savoir qu’elle souhaitait également sa généralisation afin qu’il « devienne un passage républicain pour chaque jeune de notre nation ». Le SNU obligatoire pour chaque génération sera d’ailleurs l’aboutissement d’un processus d’endoctrinement commencé dès l’école primaire (éducation civique et morale) et prolongé tout au long du secondaire avec les fameux « parcours citoyens ».
Les enseignants doivent se faire le relais de la propagande militaire au sein de leurs classes, ce qui implique aussi de mettre en valeur le rôle de l’armée dans les interventions militaires extérieures.
Dans ces « parcours », bien balisés dans les programmes, l’éducation à la défense nationale, aux valeurs patriotiques, au respect de l’armée et de ses missions, tient déjà une place non négligeable. Il n’est pas inutile de rappeler que le dernier protocole Défense – Éducation nationale, de juin 2016, valorise à l’école la place de l’armée dans la vie de la nation. Il est y écrit que « l‘enseignement de défense vise à améliorer la connaissance des missions des militaires et de la Défense par les élèves les plus jeunes. Il vise à leur faire comprendre que les militaires servent la Nation ». Autrement dit, les enseignants doivent se faire le relais de la propagande militaire au sein de leurs classes, ce qui implique aussi de mettre en valeur le rôle de l’armée dans les interventions militaires extérieures. On se saurait dévoyer davantage la mission émancipatrice de l’école et des enseignants que de la mettre au service d’une institution qui incarne des valeurs aussi contraires à celles de l’éducation.
Mais cela ne suffit encore pas. Gabriel Attal, lors de son passage éclair à l’Éducation nationale, a annoncé, au mois de décembre dernier, l’expérimentation du port de l’uniforme à l’école, au collège et au lycée dans les collectivités locales volontaires. Outre le caractère rétrograde de cette mesure anti-éducative, elle flatte les relents autoritaristes dominants. Uniforme à l’école, uniforme pendant le SNU, l’uniforme devient un autre symbole de cette volonté de mettre la France au garde à vous, de gommer les différences et de marcher au pas.
Ainsi, tout converge pour davantage caporaliser, uniformiser et endoctriner la jeunesse.Il est fort probable, au rythme où vont les annonces militaristes, que dans les mois à venir la question du service militaire redevienne d’actualité. Déjà, le 5 novembre dernier, l’ancien premier ministre Edouard Philippe s’interrogeait sur un retour prochain du service militaire en France. « Est-ce qu’un jour, indique-t-il, pour préserver les intérêts de la France, sa sécurité, il ne faudra pas former – et former militairement, sinon ça n’a aucun sens – une partie de la jeunesse, voire toute la jeunesse, c’est une question qui sera peut-être posée ? » Il ajoutait que « comme nous vivons dans un monde dangereux, j’ai tendance à penser qu’elle sera posée bientôt». Il y a fort à parier que le retour du service militaire sera à l’ordre du jour de la prochaine présidentielle, à moins que les événements s’accélèrent. Car certains aimeraient aller plus vite.
Pour lire l'article intégral, d'Alain REFALO, référez-vous à l'excellent site "INVESTIG'action" de Michel Collon