25-09-23- L'ISLAMOPHOBIE, PARAVENT DE LA CRITIQUE DES RELIGIONS (ALAIN INDEPENDANT)
A l'indépendant !
« L’islamophobie, conclut Mona Chollet, traduit un malaise profond, un désarroi face à sa propre perte d’identité, au point que Liogier parle du « musulman métaphysique ». « A travers les corps multiples des musulmans, écrit-il, à travers les moindres signes de leur foi, forcément ostentatoires et insultants, les Européens semblent lire leur propre manque de foi et l’angoisse qui en résulte, qu’ils convertissent aussitôt en haine du musulman essentiel, source de tous leurs déboires mais avant tout de leur frustration existentielle. » Peut-être serait-il judicieux de regarder enfin ce malaise en face, de l’explorer honnêtement, et de réfléchir à un horizon et à un projet de société, au lieu de s’acharner à gommer du paysage ceux dont on veut croire qu’ils sont le seul obstacle à la réactivation d’un passé mythifié. » Sa démonstration mérite, c'est du moins mon opinion, d'être connue et prise en considération.
Michel Peyret
Périphéries, [11/08/13]
« Oui mais quand même, la religion, c’est mal »
Montée de l’islamophobie et banalisation du fémonationalisme
Relayer l’information de la énième agression d’une femme voilée, ou les propos haineux tenus sur l’islam par la représentante d’une organisation pseudo-féministe, revient immanquablement à emboucher l’appeau à trolls religiophobes. Que des femmes soient insultées et tabassées, que le féminisme serve de leurre pour répandre et banaliser le racisme le plus crasse, tout cela, le/la religiophobe s’en moque : dans un pays où médias et politiques, de façon plus ou moins insidieuse, désignent à longueur de temps les musulmans comme la cause de tous les maux de la société, son seul sujet d’anxiété est que son droit à « critiquer la religion » soit garanti. Pour l’exprimer, il usera de subtiles gradations dans la virulence, de la simple protestation à l’éructation scatologique probablement censée traduire la hauteur à laquelle il plane dans l’éther philosophique inaccessible aux benêts qui voient du racisme partout : « Moi, je chie sur toutes les religions. »
Notez bien la perle argumentative que recèle cet étron déclaratif : il a dit« toutes les religions ». Ha, ha ! Vas-y, accuse-le de racisme maintenant ! Quand il défend les Femen ou les dessinateurs de Charlie Hebdo, le religiophobe fait valoir qu’ils ne peuvent pas être racistes, puisqu’ils s’en prennent autant aux cathos ou aux orthodoxes qu’aux musulmans : CQFD. Inutile d’aller lui expliquer que les religions ne sont pas de simples systèmes métaphysiques flottant dans la stratosphère, et qu’elles sont indissociables des populations qui s’en réclament ou qu’on y associe, de la culture, de la politique, de l’histoire, des rapports de domination entre groupes sociaux. Inutile de lui expliquer que s’en prendre à l’islam, religion pratiquée par des gens qu’il connaît mal, dont les ancêtres ont été colonisés par ses propres ancêtres, et qui sont discriminés dans la société française, ce n’est pas exactement la même chose que de critiquer la religion catholique, depuis toujours liée au pouvoir en France, et dont il a pu expérimenter à ce titre la nocivité dans sa propre histoire (idem pour la religion orthodoxe en Ukraine, patrie des Femen).
Ne dites pas « existence persistante
de gens qui ne nous ressemblent pas »,
dites « montée
des revendications identitaires »
Inutile de lui expliquer que, croyant faire œuvre de progressisme, il risque surtout de relayer toutes les généralisations, tous les préjugés et les stéréotypes méprisants qui circulent depuis des siècles sur les musulmans — « musulmans » : une dénomination qui, à l’époque coloniale, était « plus ethnique ou culturelle que religieuse », rappelle Anne-Marie Thiesse, directrice de recherche au CNRS (1). Et d’étaler non pas sa sagesse supérieure, mais plutôt son nombrilisme culturel, sa paresse intellectuelle, son ignorance satisfaite et son arrogance de « cul de plomb », pour reprendre une expression de l’ethnopsychiatre Marie Rose Moro. A l’époque où je travaillais à Charlie Hebdo, autour de 2000, un dessinateur un peu plus malin que les autres m’avait un jour glissé : « Cette façon qu’on a de se moquer des Afghans parce qu’ils portent des chapeaux qui ressemblent à des galettes, ça fait quand même un peu les types qui ne sont jamais sortis de chez eux, non ? »
Heureusement, quand le minimum d’ouverture à d’autres façons de vivre vous fait défaut, il est toujours possible de le dénigrer sous l’appellation de « relativisme culturel » (bouh !), et de baptiser « universalisme » votre propre complexe de supériorité, ce qui est tout de même nettement plus flatteur. De même, « existence persistante de gens qui ne vous ressemblent pas » = « montée des revendications identitaires », « communautarisme ». Fastoche, non ?
Inutile enfin de faire remarquer au religiophobe qu’il vit dans un pays où on devrait se rappeler à quoi peut mener la stigmatisation d’individus sur des bases ethnico-religieuses, et de lui suggérer que la possibilité de se trouver à nouveau dans un processus de constitution d’un bouc émissaire à l’échelle nationale et internationale pourrait peut-être mériter cinq minutes de réflexion sur ce qu’il dit et la façon dont il le dit : non, il ne veut pas réfléchir à ce qu’il dit. Car ce danger est tout à fait dérisoire par rapport à la défense de son droit à CRITIQUER LES RELIGIONS. Et puis, il estime que c’est ridicule, ces points Godwinpermanents. Quoi ? On retrouve des têtes de porc dans des mosquées, une tête de sanglier dans une poussette ? Des enfants subissent des brimades à la cantine ? Des croix gammées sont taguées sur la façade des salles de prière ? Des gens se font insulter et tabasser ? Bon, peut-être, mais ce sont des gens qui n’existent que dans un recoin extrêmement reculé de sa conscience. Tellement reculé qu’ils existent à peine, en fait ; et donc, ce qui leur arrive ne saurait être très grave. D’ailleurs, pour ce qu’il entrevoit d’eux, ce ne sont pas des gens tout à fait nets, il faut bien le dire. Ils sont religieux, c’est-à-dire qu’ils entraînent la patrie des Lumières vers les gouffres d’irrationalité dont elle a eu tant de peine à s’extraire : il ne manquerait plus qu’on se fatigue à les défendre.
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