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Publié par YVAN BALCHOY

 
 
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Alors que la contestation nourrie par le mouvement des gilets jaunes grandit, alors qu’enflent les rumeurs d’une possible censure du mouvement par Facebook1, livrons-nous à un peu de politique-fiction : comment la future loi de censure antiterroriste que la France cherche à imposer à l’Union européenne s’appliquerait-elle à des mouvement sociaux tels que celui des gilets jaunes ?

C’est un texte dont personne ne parle ou presque, et il est pourtant fondamental pour l’avenir des libertés publiques à l’échelle de l’Europe entière. Présenté au mois de septembre, il s’agit du règlement européen dédié à « la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne ».

L’article 4 du règlement permet aux autorités publiques de demander directement à n’importe quel hébergeur le retrait d’un contenu relevant de l’apologie du terrorisme. En pratique, cela entérine la situation qui prévaut dans tous les pays réprimant l’apologie ou la provocation au terrorisme. Ainsi en France, depuis 2015, le ministère de l’Intérieur est compétent pour censurer la provocation ou l’apologie du terrorisme sur Internet (si l’hébergeur n’empêche pas l’accès au contenu visé sous 24 heures, alors le blocage de l’ensemble du site peut être mis en place par les fournisseurs d’accès à Internet français). Le tout sans aucun contrôle judiciaire préalable, dans le cadre d’une procédure secrète. Ainsi, en 2015, la France est devenue (devant l’Inde et la Turquie) le pays qui a obtenu le plus grand nombre de suppressions de pages Facebook (38 000 suppressions en un an, pendant que l’Allemagne ou Israël n’en obtenaient que 500).

Là où le règlement européen « innove » radicalement, c’est qu’il impose qu’un tel retrait par les hébergeurs intervienne en un délai record de une heure, sous peine de sanctions financières. Il prévoit aussi de passer par une voie encore plus discrète pour censurer ces contenus : les « mesures proactives », ces outils de censure automatique déjà développés par les grandes plateformes comme Facebook ou YouTube et qui pourront être paramétrés en concertation avec les autorités (article 6 du règlement). Comme nous l’avons déjà expliqué (lire notre analyse plus complète), le futur règlement européen prévoit de généraliser ces outils à l’ensemble des acteurs du Web (non seulement Facebook et YouTube mais aussi OVH, Gandi, NextCloud, Mastodon, etc.), voire même aux outils de messagerie (WhatsApp, Signal, Télégram, Protonmail, etc.)2. Concrètement, tous les acteurs du numérique devront développer des « mesures proactives pour protéger leurs services contre la diffusion de contenus à caractère terroriste ».

Mais du coup, c’est quoi, un « contenu à caractère terroriste » ?

L’article 2 du règlement explique que les contenus auxquels le texte s’appliquera sont des textes, images ou vidéos qui « provoquent à la commission », « font l’apologie », « encouragent la participation » ou « fournissent des instructions sur des méthodes ou techniques en vue de la commission d’infractions terroristes ». Tout repose donc sur ces « infractions terroristes », définies par le droit de l’Union à l’article 3 de la directive 2017/541.

La liste est longue. On y retrouve évidemment les meurtres visant à terroriser la population. Mais aussi des actes plus éloignés et moins attendus, tels que le fait de « provoquer une perturbation grave ou une interruption » d’un système informatique (un ordinateur, un site Web…) ou de « causer des destructions massives […] à un lieu public ou une propriété privée, susceptible […] de produire des pertes économiques considérables ». Pour être qualifiés d’infractions terroristes, ces actes doivent être commis dans le but de « contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque » (retirer un projet de loi, par exemple) ou dans le but de « gravement déstabiliser […] les structures politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales fondamentales d’un pays ». La simple menace de commettre de tels actes entre aussi dans la définition.

Bref, en droit européen, le piratage ou la destruction massive de biens, ou la menace de le faire, sont des « infractions terroristes » dès lors qu’il s’agit d’influencer une décision politique ou de déstabiliser des institutions.

Vous pouvez lire la suite de cet article sur l'excellent site "INVESTIG'ACTION" de Michel Collon

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