13-06-23-LE LOURD CV DE MOHAMED SIFAOUI, LA CAUTION SCIENTIFIQUE DU FONDS MARIANE (ANTON ROUGET ET ELLEN SALVI- MEDIAPART)
Perquisitions dans l’affaire du fonds Marianne
Les enquêteurs anticorruption procèdent depuis mardi matin à plusieurs perquisitions dans le cadre de l’affaire du fonds Marianne. Les domiciles du préfet Christian Gravel et du journaliste Mohamed Sifaoui, principal bénéficiaire du programme de financement lancé par Marlène Schiappa, sont notamment concernés.
Antton Rouget et Ellen Salvi
13 juin 2023 à 10h19
L’annonceL’annonce a été faite par le président de la commission d’enquête sénatoriale, Claude Raynal, qui devait auditionner mardi matin Mohamed Sifaoui, expert autoproclamé de la lutte contre l’islamisme, aujourd’hui au cœur de l’affaire du fonds Marianne. Face à une chaise vide, le sénateur socialiste a lu un texte transmis par l’avocat de l’intéressé quelques minutes plus tôt : « Malheureusement, il s’avère que [mon client] fait l’objet d’une perquisition à son domicile depuis 6 heures du matin en présence du juge d’instruction en charge du dossier. »
Contacté par Mediapart, Me Bernard Benaiem, l’avocat de Mohamed Sifaoui, a indiqué « regretter la concomitance » de cette perquisition avec l’audition de son client prévue devant la commission d’enquête parlementaire. « Le juge d’instruction ne pouvait pas ignorer que cela l’empêcherait de venir s’expliquer devant les sénateurs », a-t-il ajouté, alors que la perquisition était toujours en cours.
Selon nos informations, d’autres lieux ont aussi reçu, ce matin, la visite des enquêteurs de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF). C’est notamment le cas, d’après une première information de M6 et RTL, du domicile du préfet Christian Gravel, qui dirigeait jusqu’à récemment le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), chargé du pilotage du programme de financement lancé par Marlène Schiappa après l’assassinat du professeur Samuel Paty. Ou encore de celui du bras droit de Mohamed Sifaoui, Cyril Karunagaran, d’après Politico.
Le domicile d’Ahlam Menouni, la présidente de Reconstruire le commun, l’autre association problématique bénéficiaire du fonds Marianne, a également été perquisitionné, selon l’hebdomadaire Marianne. Ces perquisitions ont été réalisées dans le cadre de l’information judiciaire ouverte, le 3 mai, par le Parquet national financier (PNF) des chefs de « détournement de fonds publics », « détournement de fonds publics par négligence », « abus de confiance » et « prise illégale d’intérêts ».
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© Photo Sébastien Calvet / Mediapart
Cette enquête avait été ouverte à la suite d’un signalement au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale – obligeant tout fonctionnaire à alerter sur les délits dont il a connaissance dans le cadre de ses fonctions – réalisé le 31 mars par Christian Gravel.
Ce signalement a été complété par une plainte de la maire de Paris, Anne Hidalgo, ancienne candidate socialiste à l’élection présidentielle ciblée par des contenus subventionnés par le fonds Marianne. Mais aussi par un nouveau signalement de l’Inspection générale de l’administration (IGA), soupçonnant des faits d’« abus de faiblesse » ou de « travail dissimulé » au sein de l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), l’association de Mohamed Sifaoui.
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Ce premier rapport d’inspection – un second, au périmètre plus large, doit être rendu fin juin – a également débouché sur la démission du préfet Christian Gravel, lourdement mis en cause. Au terme de sa mission, l’IGA a considéré que « l’appel à projets [du fonds Marianne] n’a été ni transparent ni équitable ».
S’agissant de l’USEPPM, « le dossier de candidature de l’association a été transmis, pour être initialement financé dans un autre cadre, dix jours avant l’appel à projets » et ce, alors même que la structure « n’était pas éligible au bénéfice d’un financement, tant du fait de son objet que des manquements dans ses obligations déclaratives ». Enfin, les inspecteurs ont estimé que « l’utilisation faite de la subvention reçue par l’USEPPM n’a pas été conforme aux objectifs fixés ».
La commission d’enquête sénatoriale doit reprendre ses travaux mercredi matin, avec l’audition de l’actuelle secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative, Marlène Schiappa. C’est elle qui avait lancé le fonds Marianne, après l’assassinat du professeur Samuel Paty, du temps où elle était ministre déléguée chargée de la citoyenneté. Elle devra notamment s’expliquer sur son implication personnelle dans le processus de sélection des associations bénéficiaires, contrairement à ce qu’elle a affirmé depuis le début de l’affaire.
Sollicité sur les perquisitions, son cabinet n’a pas souhaité faire de commentaire.
Antton Rouget et Ellen Salvi