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Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit Le Caravage (1571-1610), Les Sept Œuvres de miséricorde (1607, huile sur toile, 390 x 260 cm), Pio Monte della Misericordia (église et musée), Naples (Italie). Domaine public.
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Du texte biblique au tableau du Caravage
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Aujourd’hui, pour illustrer ce passage biblique, découvrons comment les quelques versets de ce texte ont conduit au célèbre tableau du Caravage daté de 1607 : Les Sept Œuvres de miséricorde.
Le titre du tableau reprend en effet l'appellation donnée par la tradition chrétienne à ce texte de l'évangile de Matthieu. Il évoque « les œuvres de miséricorde » qui sont au nombre de sept. Aider son prochain en lui donnant de quoi manger, de quoi boire, de quoi se vêtir, en lui rendant visite quand il est malade ou en prison et l'accueillir quand il est étranger, c’est faire œuvre de miséricorde envers lui.
Le Caravage, peintre de génie et maître italien du clair-obscur, a pourtant mené une vie de bandit ! En effet, il réalise cette œuvre une fois arrivé à Naples en 1607, alors qu’il fuit Rome depuis plusieurs mois. Il est pourchassé par les autorités romaines, et pour cause ! Il a un meurtre sur la conscience… Peut-être retrouverons-nous d'ailleurs cette situation dans le tableau.
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L'analyse des Sept œuvres de miséricorde du Caravage
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Allez, on vous propose un petit parcours pictural avant d'entrer dans le dur de l'analyse. Observons tout d'abord chacun des personnages dépeints dans ce tableau.
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Détail du tableau : ensevelir les morts, nourrir les affamés et visiter les prisonniers (Mt 25, 35)
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1) À l'arrière-plan, deux hommes portent un mort dont on ne voit que les pieds, ils vont probablement l’enterrer. Pour l'anecdote, l'action d'ensevelir les morts n'apparaît pas dans l'évangile de saint Matthieu. Elle fut ajoutée à la liste des œuvres de miséricorde au XIIe siècle par Saint Raymond de Peñafort, Maître général de l'Ordre dominicain.
2) et 3) Sur la droite, une femme se distingue au premier plan : elle donne le sein à un vieillard en prison (référence à la Charité Romaine, figure légendaire : la fille d’un prisonnier vient nourrir son père au sein, en secret). Ici, d'une pierre deux coups : visiter les prisonniers et nourrir les affamés.
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Détail du tableau : vêtir ceux qui sont nus et visiter les malades (Mt 25, 36)
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4) En suivant la ligne de force et l’appel des couleurs, les yeux tombent sur le dos d’un homme dénudé, qu’un noble va recouvrir de son manteau. Il s'agit ici de vêtir ceux qui sont nus.
5) Juste à côté d'eux, tout à gauche (à peine visible sur la photo du tableau juste au-dessus), un mendiant paralysé assis sur le sol sombre a les mains jointes en signe de supplication. Des notables sont autour de lui à l'image de ceux qui viennent visiter les malades.
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Détail du tableau : donner à boire aux assoiffés et accueillir l'étranger (Mt 25, 36)
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6) À gauche toujours, en remontant, si l'on regarde au second plan, un homme boit de l'eau à la corne. On peut imaginer qu'elle lui fut remise illustrant l'action de donner à boire à ceux qui ont soif.
7) Enfin, à droite de cet homme, un pèlerin de Saint-Jacques-de-Compostelle, reconnaissable à la coquille sur son chapeau, est invité par l’homme en face de lui. De son doigt tendu, il lui indique sa maison pour passer la nuit, ce qui illustre le fait d'accueillir les étrangers.
Ainsi retrouve-t-on bien toutes les œuvres évoquées dans le texte évangélique. Le Caravage est carrément bon élève sur ce coup-là ! Mais son tableau va plus loin.
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Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit Le Caravage (1571-1610), Les Sept Œuvres de miséricorde (1607, huile sur toile, 390 x 260 cm), Pio Monte della Misericordia (église et musée), Naples (Italie). Domaine public.
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La lumière comme le flash d’une photo
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Analysons maintenant la composition générale du tableau.
Immédiatement, on est frappé par la concentration de tant de personnages, dans un espace aussi étroit qu’une ruelle ! On a une petite impression des couloirs du métro aux heures de pointe... En effet, le peintre choisit un cadrage vertical, plutôt qu’horizontal, sans doute pour suggérer que les œuvres de miséricorde réalisées ici-bas sont des moyens de s’élever vers Dieu.
La lumière très vive et si propre au Caravage semble arrêter les mouvements des personnages tenus en arrêt, comme si on venait de les photographier. En effet, les deux sources de lumière de la peinture, celle de l'homme au flambeau, et celle blanche qui vient d'au-dessus des anges, permettent de créer des contrastes. Ils provoquent ici une atmosphère inquiétante de rue maldans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez faitfamée.
On dirait que les œuvres de miséricorde sont faites dans le secret. La femme qui visite un prisonnier et qui en même temps le nourrit, a le regard ouvert vers la gauche, comme si la police allait débarquer à tout moment. Rappelons qu’au moment où Le Caravage peint ce tableau, il fuit lui-même la police romaine en partant pour Naples.
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Détail du tableau : cette femme donnant le sein aux vieil homme en prison a le regard tourné vers la gauche, comme happé par une vigilance totale dont on ne sait rien.
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De Dieu à l'homme, ou de l’homme à Dieu...
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Le tableau propose une théâtralisation très forte de la scène. Le baroque est bien là avec une surcharge d’éléments visuels et une omniprésence du mouvement. Pourtant, cette peinture exprime quelque chose du quotidien. Pour les spectateurs de l’époque, l’identification à la scène est très nette. Pourquoi ?
- d’une part, les vêtements des protagonistes sont ceux à la mode de l’époque. Autrement dit, Le Caravage situe cette scène biblique, non pas dans un hors-temps fictif, mais dans le temps présent. L’identification pour le public est immédiate puisqu'il est très concrètement question de leur quotidien.
- d’autre part, les œuvres de miséricorde réalisées sont à la portée de tous (exception faite pour la figure de la Charité Romaine qui donne le sein), comme par exemple, donner une veste à un mendiant. Cette idée est essentielle dans la mesure où ce tableau est une commande religieuse pour décorer une église. Le tableau du Caravage met les textes bibliques à portée des fidèles, et surtout, il leur rappelle la présence de Dieu dans leur vie quotidienne, en dehors du lieu de culte, en prenant la rue pour décor.
Le tableau exprime ici une vérité théologique très profonde : le texte biblique a une actualité. Ce que vient suggérer Le Caravage est donc immense : la scène que décrit Jésus n’est pas réduite à un cadre historique situé. Elle est d’actualité pour chaque époque.
Dès lors, le tableau devient une invitation non pas à contempler les œuvres de miséricorde, mais à les vivre hic et nunc.
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Détail du tableau : les anges et une mère tenant son fils dans les bras.
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Enfin, on comprend mieux la seconde figure féminine dans l'œuvre. Vous pensiez qu’on l’avait oubliée – ou peut-être ne l’aviez-vous pas remarquée ?
Derrière les anges, on aperçoit Marie, tenant l'enfant Jésus dans les bras. Cela fait tout droit référence à cette phrase du texte :
« Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25,40)
Jésus est aussi ce « petit » enfant, qui désigne « le plus petit des frères ». Autrement dit : lui qui était de condition divine, il se fit homme, embrassant toute la condition humaine. Aider tout homme revient à aider le Christ.
Jésus semble ici indiquer quelque chose de révolutionnaire : on peut voir Dieu de manière très concrète. Comment ? En agissant au service d’autrui.
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C'est un détail du tableau et ce n'est certainement pas celui qui attire l'œil en premier. Mais voici un éclatant visage d'enfant : il est la fine illustration du texte biblique. Le Caravage travaille cette scène en évoquant ainsi « le plus petit des frères ».
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