12-07-18- TROTTINETTE (COMME ELLE COURT) - HENRI BEAUCLAIR
Trottinette. (1883) Comme elle court! V. HUGO (Orientales) Elle trotte, voyez, le long des boulevards, Sa robe chiffonnée a des froufrous bavards. Elle s'arrête aux devantures, Donnant quelques regards aux bijoux, aux chapeaux, Elle est de celles qui cheminent, sans repos, A la recherche d'aventures. Oh! quand son oeil vous fixe, on est vite perdu! Pour résister, il faut avoir de la vertu Ou le vide en son escarcelle; L'oeil de Donato fait le contraire du sien, Elle réveillerait un académicien! Gare à celui qu'elle harcèle! Certes, le vieux Lévy, banquier juif du Marais, La rencontrant le soir quand il prenait le frais, A fait souvent le malhonnête. Bien vite, il oubliait sa folie? Hélas! non. Car il a fait ce rêve extravagant, sans nom, Avoir le coeur de Trottinette! Oui, ce juif, pour avoir, à lui, ce coeur, oh! tel Est son désir, il eût donné petit hôtel, Chevaux, voitures, écuries, Et laquais, et cochers, et grooms, et caetera, Avant-scène aux Français et loge à l'Opéra, Et des coffrets de pierreries! Il eût donné les clefs de tous ses coffres-forts. Et si, touchée enfin par de pareils efforts, Trottinette avait dit: Espère! S'il l'eût fallu, devant l'univers étonné, Oh! pour avoir ce coeur, il eût vendu, donné, Le prépuce de son grand'père! Ce n'est point un banquier, c'est un mec à l'oeil noir Qui tient ce coeur, et s'est fait payer pour l'avoir, Car il sait le prix des conquêtes! Un mec est un gaillard qui n'a rien des chapons, Au visage encadré d'une casquette à ponts, Et de soyeuses rouflaquettes! Août 1883. HENRI BEAUCLAIR
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