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Publié par YVAN BALCHOY

LA NOUVELLE CLEMENTINE




LETTRE I
Henriette à Emilie. que sont devenus, mon Emilie, ces jours heureux que nous 
avons passés au couvent? Où sont les jeux de notre enfance, nos plaisirs purs, 
notre joie franche, et le charme qui accompagnoit ces premieres jouissances? Mon 
amie! J'ai tout perdu. L'âge du bonheur est déja fini pour moi. J'entre dans une 
carriere douloureuse, dont les bornes s'étendront peut-être aussi loin que ma 
vie. En sortant du cloître, je crus renaître un instant. L'air si doux de la 
liberté que je commençois à respirer, le tableau d'un monde enchanteur, des 
amusements nouveaux, tout conspiroit à me séduire. Mon ivresse dura peu, tu le 
sais: je reconnus bientôt l'illusion de ces plaisirs. La campagne sembloit me 
promettre des objets plus faits pour mon coeur: j'ai trouvé par-tout le même 
vuide, le même dégoût. Que vois-je autour de moi? Une nature muette: d'ennuyeux 
déserts. Rien n'y parle à mon ame. Je ne sais quelle sourde inquiétude me suit 
au milieu de nos fêtes villageoises et de nos cercles bourgeois. J'ai vu le 
temps où le paysage que j'habite m'auroit charmée: mais les goûts changent, et 
je commence à m'appercevoir que j'y suis seule. D'où vient donc ce malaise, qui 
me fait fuir le monde, et soupirer loin de lui: chercher la solitude, et m'y 
déplaire: rêver sans objet: m'attrister sans cause: qui me rend distraite, 
indifférente, et me met sans cesse en contradiction avec moi-même? ô ma chere! 
Que cet état me pese! Que n'es-tu près de moi! Combien nos coeurs se plairoient 
à s'épancher! Viens consoler ton Henriette! Laisseras-tu passer la belle saison 
sans revoir les bosquets de Trénel? Les pluies du printemps sont écoulées: il 
regne maintenant dans nos campagnes une fraîcheur délicieuse, et la verdure est 
dans tout son éclat: viens! J'ai besoin d'une amie: oui, d'une amie: c'est le 
mot, n'est-ce pas? Nous parlerons de notre premier âge: et je jouirai du moins 
de ma félicité passée, puisqu'il ne m'en reste plus d'autre.

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