LA LIBERTE DANS L'OEUVRE DE DOSTOÏEVSKI : ÊTRE LIBRE, CE N'EST PAS CHOISIR A TOUT VENT, C'EST ÊTRE SOI-MÊME. (398)
Cependant les nombreux échecs personnels et idéologiques qu’il a surmontés ont conduit Dostoïevski de plus en plus à relier le don de la liberté à la foi chrétienne.
Cette liberté, qui a été chantée sans doute mieux que partout ailleurs dans « Les Frères Karamazov » est, semble-t-il, le point de vue le plus unifiant de toute son œuvre.
« Liberté » et « Christ » sont deux termes clefs des écrits qui mettent en évidence la convergence entre le divin et l’humain en son esprit.
La liberté chrétienne est à la fois la grandeur de l’homme et ce que Dieu en estime le plus parce qu’il s’y reconnaît le mieux.
Jésus est venu non pour nous en priver mais l’accroître et surtout lui donner l’occasion de mieux s’exprimer.
A « Légende du grand Inquisiteur » s’attelle à concilier la liberté initiale avec la liberté finale.
Ce problème ne trouve de solution que dans l’Homme-Dieu en qui se réalise l’union de la nature humaine et de la nature divine ; le Christ rend possible en effet cette synergie des libertés divine et humaine.
En réalisant la liberté divine au plan humain, le Christ permet l’orientation vers Dieu qui fonde une liberté nouvelle pour l’ensemble du genre humain dont il est l’archétype.
La liberté du nouvel Adam est transmise à l’homme par le don gratuit grâce auquel l’énergie divine et l’énergie humaine agissent de concert.
Ce don ne contraint pas en effet la liberté irrationnelle ; il l’irrationnelle ; il l’illumine intérieurement grâce à cette double action.
C’est par la médiation du don de Dieu que la liberté humaine parvient à la liberté suprême dans le Christ.
Nous sommes habitués à qualifier en termes de « nature » et de « surnature » cette valorisation de notre existence opérée par l’Homme-Dieu.
Dostoïevski préfère d’emblée une terminologie plus existentielle basée sur le dualisme entre « terrestre » et « spirituel » ou libre volonté et liberté authentique, qui ne se situent pas au même niveau.
>En effet, le premier terme de chacun de ces couples ne désigne qu’une partie inférieure et subordonnée de ce composé humain tandis que le second s’applique à la personne totale comme telle.
Vouloir mettre le « terrestre » ou la « libre volonté » en avant, c’est donc dire « non » à l’esprit et à la liberté, c’est détruire la dignité personnelle.