POEME AMERICAIN EN FRANCAIS (ANI DIFRANCO)- REEDITION
Poème américain en français
Comme promis, voici la traduction du poème de Ani Difranco, une jeune américaine bourrée de dynamite. Voir ma note un peu plus bas, le message avant celui annonçant le slam au Playlounge.
Je disais donc que les Etats-Unis étaient remplis de personnages intriguants, détonnants, de gens aux idées vraiment hors-normes. Bref, ça fourmille de poètes géniaux, évidemment totalement inconnus des médias et même en dehors de leur propre pays. J'avais oublié de dire que ce texte, "Self Evident' est en partie lié au 11 septembre. Vision vraiment déroutante. (pas facile bien sûr de traduire de la poésie, encore moins quand celle-ci est tellement éclatée. Mais bon, on capte pas mal la personnalité et le talent de cette nana, je pense, à la lecture de sa prose).
Vous pouvez écouter Ani "slamer" ce texte en chargeant ce fichier.
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Oui,
Nous les gens, ne sommes que des poèmes
A 90 % des métaphores
En manque de sens
Approchant l'hyper distillation
Et une fois
Nous étions des rayons de lune
Arrachant la gorge d'une girafe
Oui, arrachant le long couloir
Malgré ce que dit la petite annonce,
Oui, arrachant les longs escaliers
Avec un whisky d’éternité
Fermenté et distillé
En 18 minutes
Incendiant nos gorges
En bas de l’entrée
En bas des escaliers
Dans un immeuble si grand
Qu’il restera toujours là
Oui, c’est une partie d’une paire,
Là, sur la proue de l’arche de Noé
Le plus prestigieux couple
Revenu frapper
Un ciel bleu parfait
Lors d’un matin béat
Dans sa brise d’un été indien
Le jour où l’Amérique
Est tombée à genoux
Après avoir erré pendant un siècle
Sans dire le moindre merci
Ou s’il vous plait
Et le choc fut dévastateur
Et la fumée fut assourdissante
Entre la manière et la ligne de combat
Parce que nous étions tous au boulot ce jour là
Nous avons tous embarqué à bord de cet avion pour voler
Et alors que les feux faisaient rage
Nous avons tous grimpé au dessus de la fenêtre
Et nous nous sommes alors tenu la main
Pour sauter dans le ciel
Et chaque faubourg leva les yeux quand retentit la première explosion
A ce moment toutes les actions de cinéma bidons furent alors surpassées
Et l’exode du centre ville commença, à pied et en bus
Je n’avais jamais vu quelque chose ressemblant autant à la guerre jusqu’à présent
Tellement sauvage et ingénieux
Un spectre poétique jusque là disparu
Qui mortifia et décima tous ces cons de diffuseurs d’informations
Au fil de leurs « Oh mon Dieu » et « C’est incroyable » etc, etc
Et je vais te dire un truc, pendant que nous y sommes,
Tu peux te garder ton Pentagone
Ta propagande,
Toutes les télés
Qui ont essayé de me convaincre
De participer
A quelques plans débiles d’écoles prépa afin de perpétuer les châtiments
A perpétuer les châtiments
Même lorsque la fumée toxique bleue de notre leçon de châtiment
Est encore dans l’air
Et il y a des cendres sur nos chaussures
Et il y a de des cendres dans nos cheveux
Et il y a un chouette dépôt sur tous les manteaux
De la cuisine de l’enfer à Brooklyn
Et les rues sont pleines d’histoires
Soudain coups de théâtre et proches oublis (*pas sûr de la trad de ce "near misses")
Et bientôt tous les bars ouverts sont bourrés de chevrons
Avec des contes remplis de proches désastres annoncés
Et le whisky coule
Comme jamais
Dans tout le pays
Les gars dodelinent de la tête
Et coulent à flot
Levons notre verre à tous ceux qui vivent en Palestine
Afghanistan
Irak
El Salvador
Levons notre verre à tous ceux qui vivent au faîte d’une réserve de pins
Sous le regard froid comme la pierre du Mont Rushmore
Levons notre verre à toutes ces infirmières et docteurs
Qui permettent aux femmes de choisir
Qui se retirent d’une menace de la taille de Oklahoma City
Juste pour écouter la voix d’une jeune femme
Levons notre verre à tous ceux qui sont en ce moment dans le couloir de la mort
Attendant leur exécution par guillotine
Qui sont ligotés, effrayés, et ne peuvent que s’échapper dans leurs têtes
Afin de trouver un peu de paix sous la forme d’un rêve
Parce que nous emportons nos playstation
Et nous sommes une nation du tiers-monde
Placée sous le bon vouloir d’un fils de roi au sang bleu
Qui vola le bureau ovale et cette élection factice
Je veux dire
On n’a pas besoin d’un type de la météo
Pour jeter un œil et voir le temps qu’il fait
Jeb dit qu’il a délivré la Floride, les gars
Et mec, il l’a bien fait
Et nous tenons ces vérités qui s’avèrent évidentes
#1 George W. Bush n’est pas président
#2 L’Amérique n’est pas une vraie démocratie
#3 Les médias ne me trompent pas
Parce que je suis un poème qui fait attention à l’hyperdistillation
Je n’ai pas de place pour un mensonge si verbeux
Je contemple tout l’ensemble de la famille humaine
Et je lève mon verre pour faire un toast
Nous voici au dernier verre de nos combustibles
Faisons le vœu de sortir de cette sauce
Fuyons ces essaims d’avions de banlieue
Et retrouvons ce ticket de train que nous avons perdu
Parce qu’il était une fois une ligne qui suivait la rivière
Et jeta un coup d’œil à tous les jardins
Et la laverie faisait des vagues
Le graffiti se payait notre tête
Des murs en briques aux ponts
Nous retournions les crêtes
A travers les vallées
Sous les étoiles
Je rêve de partir en tournée comme Duke Ellington
Dans ma propre locomotive
Je rêve d’attendre sur de grands bancs blonds
Dans une grande station resplendissant avec grâce
Et puis ressortant sur la plateforme
Pour sentir l’air sur mon visage
Rends à la nuit son sifflet distant
Rends aux ténèbres leur âme
Fais un doigt aux compagnies pétrolières
Et réapprends à tout faire péter
Oui, les leçons sont toutes autour de nous et un changement attend là
Il est temps de sortir des décombres, de nettoyer les rues
Et de rendre l’air pur
Aide le gouvernement à sortir sa grosse bite du sable du désert d’une autre personne
Et remets la dans son pantalon
Et abandonne une fois pour toute les chants hypocrites de la liberté pour toujours
Parce que, quand un dernier appel sonna
En 2001
A 9 h 10
Le 9-1-1
Le numéro que nous avons tous appelés
Quand le dernier appel sonna hors du mur
Hors de notre bureau et en bas du grand hall
En bas des longs escaliers
Dans un immeuble si grand
Que le monde entier s’est retourné pour le regarder s’effondrer
Et pendant que nous y sommes
Tu te souviens de cette première fois ?
La bombe ?
Le camion ?
Le parking ?
Tu te souviens quand nous déconnions dans notre appartement de l’avenue D ?
Peux-tu imaginer combien de serviettes de tasses à café devront changer leur logo
Suite au fantastique bouleversement de l’horizon new-yorkais ?!
C’était une blague bien sûr
C’était une blague
Sur le moment
C’était il y a seulement quelques années
Que l’histoire montre
Que le FBI contrôlait toute cette affaire
Que le complot était évident et dans les visages de chacun
Revisionnant religieusement cette scène
La CIA
Ou bien le KGB ?
Auteurs d’innombrables crimes contre l’humanité
Avec ce genre de possibilité
Servi comme une excuse
Pour injures après d’autres coûteuses injures
Et il n’y avait pas l’ombre d’un indice
Regarde, une autre lucarne dans laquelle regarder
Remontons
Au 104ième étage
Regarde
Une autre clé
Une autre porte
10 % littérale
90 % métaphore
3 000 sortes de poèmes déguisés en personnes
Un jour presque trop parfait
Devraient être plus que de simples pions
Dans ce passionnant jeu d’enfoirés
Maintenant c’est ton job
Et c’est le mien
De faire avec
De s’assurer qu’ils ne sont pas morts pour rien
Chhhuuuutttt
Bébé, écoute
T’entends le train ?
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Un 11 sept que tout le monde a oublié : c'était au Chili, en 1973.