LA LIBERTE DANS L'OEUVRE DE DOSTOÏEVSKI (14)
Devant la mort, Dostoïevski aurait pu relire sans regret la lettre de ses dix-huit ans, où il se donnait comme but ultime de sonder le mystère du destin humain. On peut partiellement attribuer au caractère influençable de sa psychologie la multiplicité de ses adhésions successives, mais on n’en comprendra le sens profond qu’en les rattachant à sa résolution de jeunesse. C’est sous cette impulsion qu’il se tourna d’abord vers l’idéalisme qui le séduisit par la place importante qu’il reconnaissait à l’homme dans le cosmos. Mais c’est elle aussi qui l’en détournera lorsqu’il constatera que la personne humaine n’y est tout de même qu’un jouet ballotté entre toutes sortes de pressions contradictoires qu’il ne peut dominer. En adhérant ensuite au socialisme ; il y recherchait un système social qui défendait les droits de la personne en luttant pour un monde meilleur pour tous. Mais il le rejeta le jour où il s’aperçut du prix à payer : L’unification par la force du genre humain sous la forme grégaire d’une énorme fourmilière. Il prit alors conscience qu’il avait enfin trouvé la solution cherchée depuis si longtemps. Le christianisme lui parut respecter pleinement la dignité personnelle en rappelant à l’homme qu’étant le fruit d’un amour libre, il avait à retourner librement à Celui dont il procédait, guidé et fortifié par l’idéal incarné par le Christ.
Au terme de sa vie agitée, le vieux lutteur pouvait être fier. Il avait tenu parole !
Yvan Balchoy