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Publié par BALCHOY

Leur erreur, pense-t-il, est d'avoir recherché dans la culture occidentale la Beauté idéale, alors que celle-ci est encore loin d'y être élaborée. D'ailleurs, il est inutile d'attendre du présent ou du futur un idéal qui nous a été donné une fois pour toutes dans la figure de Jésus, la seule qui soit absolument belle. Il n'entre pas dans les projets de l'écrivain, pour l'instant du moins, de mettre en scène l'Homme-Dieu (1)  Son but concret est seulement de décrire
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(1) Dostoïevski le fera plus tard dans "Les frères Karamazov" :"La Légende du Grand Inquisiteur". Nous savons de plus qu'il projetait d'écrire un livre sur Jésus-Christ. Cf. Th. Dostoïevski dans les souvenirs de ses contemporains, dans ses lettres et notes, édités par Tch. VETRINSKY et TCHESNIKIN, Moscou 1912, page 335 : "Moments pour toute la vie : 1° écrire un Candide russe - 2° écrire un livre sur Jésus-Christ."
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ce personnage parfait  "positivement beau et bon" que la littérature chrétienne a toujours cherché à représenter et dont la figure la plus élevée est celle de Don Quichotte (2)

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(2) Correspondance de Dostoïevski, tome III, lettre 275 à S.A. Ivaniva, page 174.
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Mais, remarque-t-il; la beauté du héros de Cervantes, en raison de son caractère comique, n'est que relative. La sympathie que le lecteur éprouve pour Don Quichotte découle d'un sentiment de commisération en faveur de l'homme de valeur ridiculisé. Rien de tel dans le roman projeté; Aussi Dostoïevski appréhende-t-il son sujet. On comprend aisément pourquoi. Seul le Christ correspond parfaitement à ses desseins. Or il a en vue de décrire un homme exceptionnel certes mais qui partage la condition commune. La solution à laquelle il se rallia, n'est pas explicitement formulée par lui ; mais des prémisses établies, le lecteur peut dégager les idées forces de son projet. Impossible de représenter un homme parfait qui n'ait point de ressemblances profondes avec l'Homme idéal, le Christ. Son héros sera donc un homme tellement imprégné de l'esprit évangélique que dans la trame de sa vie apparaîtra plus ou moins clairement la figure parfaite de Nazaréen. C'est le problème de la sainteté qui est ainsi posé. Précisons qu'il ne s'agit pas tant d'imitation morale que d'imprégnation ontologique de l'idéal. Une telle hypothèse respecte bien les exigences formulées par Fédor Mikhaïlovitch. Encore faut-il la vérifier pour Mychkine, en recherchant dans l'Idiot des indices de la conformité au Christ. (3)

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(3) Nous utiliserons parfois le terme de "Christo-conformité" pour désigner cette imprégnation ontologique de l'image du Christ en l'homme.
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Nous nous contenterons ici des principaux. Romano Guardini a précisé à ce propos que Mychkine n'a rien d'un second Christ. Il est simplement l'homme qui a pour nom, prince Léon, Nicolas, Mychkine ; son existence se compose d'éléments purement humains : chaque évènement de sa vie a d'abord son sens propre et le symbolisme direct n'apparaît nulle part. (4) Cela dit en de

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(4) Cf Romano Guardini : "L'univers religieux de Dostoïevski", Paris 1947, page 257
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nombreux endroits, le prince, par son caractère, ses démarches ou ses paroles, oriente notre esprit vers la personne de Jésus. (5)

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(5) "Sans équivoque, Mychkine nous ramène à celui vers qui, selon Dostoïevski, tous les problèmes de ce livre veulent orienter notre pensée, Jésus-Christ. Cf. E. THURNEYSEN :  Dostoïevski ou les confins de l'homme, page 87.
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Les Carnets divers utilisés par l'auteur dans sa composition sont explicites à cet égard. Sans doute, découvre-t-on initialement bien des hésitations sur la figure à donner au futur héros ; mais au fur et à mesure que la rédaction progresse, le portrait définitif se dégage avec plus de force. Sous le titre : "Les principaux traits de caractère du prince", l'auteur note : "Écrasement, soumission, humilité ; il est toujours prêt à s'accuser mais lorsque le coeur et la conscience lui disent : "Non, ce n'est pas ainsi", il agit contre l'opinion de tous... Il aime les enfants de tout coeur... pardonne tout... trouve des raisons à tout, ne connaît pas de péché impardonnable et excuse tout. Il se considère inférieur aux autres et pire qu'eux. Il voit clairement la pensée de ceux qui l'entourent." (6)

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(6) Cet extrait des "Carnets de l'Idiot" ne fait-il pas écho au célèbre hymne à la charité de Saint Paul ?
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Plus on avance dans la lecture des carnets, plus se fait évidente la concordance entre les brouillons et la version définitive.


yvan Balchoy
balchoyyvan13@hotmail.com
http://poete-action.ultim-blog.com


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