06-04-24- HARCELEMENT ET VIOLENCES INQUALIFIABLES CONTRE UNE COLLEGIENNE SAMARA (MEDIAPART)
https://www.mediapart.fr/journal/france/050424/collegienne-agressee-montpellier-reseaux-sociaux-rumeurs-et-montages-l-issue-tragique
Devant une vingtaine de collégiens et de collégiennes qui ont assisté à la scène, Samara est alors rouée de coups jusqu’à perdre conscience. Placée en coma artificiel au CHU de Montpellier, la jeune fille souffre d’une hémorragie cérébrale. Elle se réveillera le lendemain, traumatisée malgré une amnésie partielle.
Rapidement, sur BFM et Europe 1, la mère de la victime évoque un harcèlement ancien, et la possibilité d’une pression religieuse. « Elle se maquille un peu. Et cette jeune fille [qui a participé à l’agression Samara – ndlr] est voilée. Toute la journée, elle la traitait de kouffar, qui veut dire “mécréante” en arabe. Ma fille s’habille à l’européenne. […] Ce n’était plus vivable physiquement et psychologiquement », détaille Hassiba Radjoul, qui affirme aussi que sa fille avait accumulé les bagarres et les heures de colle, à tort selon elle.
L’emballement médiatique
Aussitôt, l’affaire prend une dimension nationale et s’embourbe dans un emballement politique aussi rapide que peu fondé. Dans la journée de jeudi, l’historien spécialiste de la laïcité Patrick Weil et le député PS Jérôme Guedj s’en mêlent. Sur X, ce dernier affirme avoir saisi le procureur de Montpellier au titre de l’article 31 de la loi de 1905, punissant d’amende ou de prison toute pression religieuse entre personnes.
Et Marine Le Pen de surenchérir sur le même réseau : « L’État doit ouvrir les yeux. L’objectif des islamistes n’est pas de se séparer, mais de changer notre société, nos us et coutumes, notre façon de nous habiller, de manger, de nous divertir. » « Il est temps de déclarer la guerre à ce totalitarisme qui s’en prend à nos enfants », a-t-elle poursuivi.
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Selon une source proche du dossier contactée par Mediapart, les enquêteurs n’ont en réalité aucun élément qui pourrait aller dans le sens d’une « pression religieuse ». Au bout de 48 heures d’investigation, les mots « kouffar » ou « mécréante » n’apparaissent nulle part. Ni dans les pièces examinées, ni dans les premières auditions.
Invitée sur le plateau de Cyril Hanouna jeudi soir, Hassiba Radjoul a tenté d’éteindre l’incendie en dénonçant à son tour « l’instrumentalisation de l’extrême droite ». « J’incrimine la fille qui a harcelé ma fille, pas une communauté, il faut bien le préciser », a-t-elle insisté. Un interlude qui n’a pas empêché les chroniqueurs en plateau de dérouler un résumé de l’histoire unilatéral jalonné de raccourcis.
« Ici, tout le monde a des photos de tout le monde »
Dans l’établissement, la plupart des élèves étaient au courant des tensions autour de la jeune fille. Mais parmi les collégiens et les collégiennes rencontré·es jeudi après-midi, personne ne se souvient d’avoir entendu le mot « mécréante ». « C’était gratuit, ça n’avait rien à voir avec la religion », lâche une fille.
Présent au moment de l’agression, un élève de troisième s’avoue encore bouleversé par les événements. « Samara, c’est mon amie. J’ai essayé de l’aider… J’ai essayé de les séparer, mais ça ne voulait pas, ça me tenait », raconte le garçon en soulevant la manche de son T-shirt pour dévoiler des bleus et des traces de griffures. Lui non plus n’a jamais entendu parler de motifs religieux. Pas plus que Karim*, un camarade de classe de Samara, qui décrit une fille joyeuse et drôle. « Dans la classe, c’est un peu comme une mascotte. Elle fait rire tout le monde », lâche-t-il.
Depuis plusieurs mois, l’animosité entre Samara et F., la collégienne impliquée dans le guet-apens, s’était notamment cristallisée sur les réseaux sociaux, que l’ensemble des collégien·nes utilisent sans retenue. « Le problème, ici, c’est que tout le monde a des photos de tout le monde », remarque Karim. En parallèle, plusieurs faux comptes ouverts sur TikTok, Snapchat et Instagram ont mis le feu aux poudres, affectant considérablement les relations entre élèves.
Leur but : « afficher » les élèves, publier des photos où ils ne sont pas à leur avantage, et faire circuler des photomontages dégradants. Sur TikTok, d’après plusieurs collégiennes, l’un des faux comptes en cause avait été baptisé en référence aux « Keh de Rimbaud » (pour kehba, l’équivalent du mot « pute » en arabe). Ici, Samara a été victime de plusieurs mises en scène destinées à entacher sa réputation. Sur Instagram, la jeune F. a quant à elle été « affichée » sans son voile via une photo personnelle.
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