02-02-24- CORRECTIF-A PROPOS DE GAZA, LE GENOCIDE PAE ISRAËL RESTE UNE SOLUTION PLAUSIBLE (MURRAY-INVESTIG'ACTION- MICHEL COLLON
En concluant à l’existence d’un dossier plausible contre Israël, la Cour internationale de Justice a traité avec mépris l’argument d’Israël selon lequel l’affaire devait être classée car il exerçait son droit à la légitime défense. Cet argument a constitué plus de la moitié des plaidoiries d’Israël. Non seulement la Cour a conclu qu’il y avait un cas plausible de génocide, mais elle n’a mentionné la légitime défense qu’une seule fois dans sa décision provisoire – seulement pour noter qu’Israël l’avait revendiquée (paragraphe 41) :
[…] étant donné que l’objet de mesures conservatoires est de sauvegarder les droits de chacune des parties, la Cour doit, dans la présente affaire, prendre en considération et « concilier » les droits de l’Afrique du Sud et ceux d’Israël. Le défendeur souligne qu’il a la responsabilité de protéger ses citoyens, notamment ceux qui ont été enlevés et pris en otages pendant l’attaque menée le 7 octobre 2023. En conséquence, il soutient que son droit à la légitime défense est un élément essentiel aux fins de toute appréciation de la présente situation.
Que la CIJ n’ait pas affirmé le droit d’Israël à la légitime défense est peut-être le point le plus important de cette ordonnance provisoire. Contre toute attente, l’argument utilisé par tous les dirigeants occidentaux n’a pas été évoqué par la CIJ.
Or, la CIJ n’a pas répété qu’une puissance occupante n’a pas le droit de se défendre. Ce n’était pas nécessaire. Elle a simplement ignoré l’affirmation spécieuse d’Israël.
Elle a pu le faire parce que ce qu’elle a répété va bien au-delà de toute affirmation plausible de légitime défense. Ce qui m’a le plus frappé dans la décision de la CIJ, c’est que l’ordonnance est allée beaucoup plus loin dans le détail des preuves de génocide qu’il était nécessaire. Sa description est rigoureuse.
À cet égard, le paragraphe 46 est crucial
46.- La Cour note que l’opération militaire conduite par Israël à la suite de l’attaque du 7 octobre 2023 a fait de très nombreux morts et blessés et causé la destruction massive d’habitations, le déplacement forcé de l’écrasante majorité de la population et des dommages considérables aux infrastructures civiles. Même si les chiffres relatifs à la bande de Gaza ne peuvent faire l’objet d’une vérification indépendante, des informations récentes font état de 25 700 Palestiniens tués, de plus de 63 000 autres blessés, de plus de 360 000 logements détruits ou partiellement endommagés et d’environ 1,7 million de personnes déplacées à l’intérieur de Gaza (voir Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’Organisation des Nations Unies (OCHA), Hostilities in the Gaza Strip and Israel – reported impact, Day 109 (24 Jan. 2024)).
La raison pour laquelle ce point est si important, c’est que la Cour ne dit pas que l’Afrique du Sud affirme cela. Elle dit que ce sont là les faits. Il s’agit d’une constatation de faits de la part de la Cour. Je ne saurais trop insister sur l’importance de cette description par la Cour de la situation à Gaza.
La Cour poursuit en détaillant les comptes rendus des Nations Unies sur la situation factuelle, citant longuement trois hauts fonctionnaires différents, dont Philippe Lazzarini, Commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) :
49.- La Cour prend également note de la déclaration faite par le commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), M. Philippe Lazzarini, le 13 janvier 2024 :
« Cela fait 100 jours que cette guerre dévastatrice a commencé, tuant et déplaçant les habitants de Gaza, à la suite des attaques effroyables que le Hamas et d’autres groupes ont menées contre des habitants d’Israël. 100 jours de supplice et d’angoisse pour les otages et pour leurs familles.
Ces 100 derniers jours, le bombardement sans interruption de la bande de Gaza a provoqué le déplacement massif d’une population toujours sur le départ, constamment déracinée et forcée de partir du jour au lendemain, pour se rendre dans des endroits qui sont tout aussi dangereux. C’est le plus grand déplacement du peuple palestinien depuis 1948.
Cette guerre a touché plus de 2 millions de personnes, soit la totalité de la population de Gaza. Nombreux sont ceux qui en garderont toute la vie des séquelles, tant physiques que psychologiques. L’écrasante majorité, notamment les enfants, est profondément traumatisée.
Les abris surpeuplés et insalubres de l’UNRWA sont devenus le “foyer” de plus de 1,4 million de personnes qui sont privées de toute nourriture comme de produits d’hygiène, et de toute intimité. Les gens vivent dans des conditions inhumaines où les maladies se propagent, y compris chez les enfants. Ils vivent dans l’invivable, et la famine s’approche inexorablement.
Le sort des enfants de Gaza est particulièrement déchirant. Une génération entière d’enfants est traumatisée et il lui faudra des années pour guérir. Des milliers d’entre eux ont été tués, mutilés ou rendus orphelins. Des centaines de milliers n’ont plus accès à l’éducation. Leur avenir est menacé, et les conséquences seront profondes et durables. » (UNRWA, « The Gaza Strip: 100 days of death, destruction and displacement », Statement by Philippe Lazzarini, Commissioner-General of UNRWA, 13 Jan. 2024.)
50.- Le commissaire général de l’UNRWA a aussi affirmé que la crise à Gaza était « aggravée par la tenue de propos déshumanisants » (UNRWA, « The Gaza Strip: 100 days of death, destruction and displacement », Statement by Philippe Lazzarini, Commissioner-General of UNRWA, 13 Jan. 2024).
Bien sûr, cela explique pourquoi la réponse immédiate à la décision de la CIJ a été une attaque coordonnée d’Israël et des puissances impérialistes contre l’UNRWA, conçue pour accélérer le génocide en stoppant l’aide, pour fournir un contre-récit de propagande à l’arrêt de la CIJ et pour réduire la crédibilité des preuves apportées par l’UNRWA devant la Cour.
La Cour travaille en étroite collaboration avec l’ONU et fait partie intégrante du système onusien. Elle entretient des relations particulièrement suivies avec l’Assemblée générale des Nations Unies – de nombreuses affaires de la Cour se fondent sur des demandes de l’Assemblée générale des Nations Unies. Dans une quinzaine de jours, la Cour entamera ses audiences de fond sur la situation juridique dans les territoires occupés de Palestine, à la demande de l’Assemblée générale des Nations Unies. L’ordonnance comporte cinq références spécifiques à l’AG des Nations Unies.
La Cour a passé beaucoup de temps à exposer les faits du génocide en cours dans la bande de Gaza. Elle n’avait pas besoin de le faire avec autant de détails, et bien trop peu d’attention a été accordée à cela. J’ai également été surpris par la quantité de détails donnés par la Cour sur les preuves de l’intention génocidaire d’Israël.
Il est particulièrement humiliant pour Israël que la Cour ait cité le chef de l’État, le président d’Israël lui-même, comme preuve évidente d’une intention génocidaire, ainsi que deux autres ministres du gouvernement.
Vous pouvez loire l'article intégral sur l'excellent site du Grand Soir