06-02-24- SALUT DAME FAUCHEUSE (YVAN BALCHOY)
Salut, Dame Faucheuse,
toi, qu'on appelle "la Mort",
alors que tu n'es que l'envers de la vie.
Je voudrais te dire, sans doute en crânant un peu,
que tu ne me fais pas peur ...
Lorsque l'heure sera venue pour moi
de passer sur l'autre rive, emporte-moi
comme un coup de foudre ou de grisou,
épargne-moi, je t'en prie, le long chemin à l'envers,
où souffrance rime avec inconscience.
Accorde-moi cependant,
avant que je ne ferme les yeux pour toujours,
un tout petit instant,
court comme l'éclair, plein comme l'éternité,
pour savourer une dernière fois
cette fleur de femme, cette femme en fleur,
qui a transformé mon automne en printemps.
Laisse-moi
plonger encore au fond de ses yeux de braise,
où je me trouve presque beau,
me perdre dans la forêt parfumée de sa chevelure,
où je hume le parfum de la vie,
goûter la douceur satinée de sa bouche,
source vivante de rire et de beauté ...
en partager la saveur et la ferveur,
avant de clore définitivement la mienne,
embrasser furtivement ses seins de nymphe,
symboles si merveilleux de sa gracilité et de sa fragilité,
m'enfoncer tout doucement
dans le champ fleuri de son ventre mordoré,
qui fleure la fécondité de la mer et la générosité de la terre,
enserré en ses jambes de gazelle,
lianes mouvantes qui me conduisent
au bout du monde, au bout de moi.
Oui, une dernière seconde pour m'ennivrer
de celle qui me donne tout à la fois
vie et raison de vivre.
Puis, fais vite ton devoir !
Je n'aurai plus peur ...
Tu ne pourras rien me prendre
car, soudé à mon Eve,
je m'en irai,
riche d'elle pour toujours.
A la demoiselle
si belle,
que je découvris au Bois de la Citadelle.
Yvan Balchoy