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Publié par YVAN BALCHOY

https://regards.fr/sondages-tendancieux-de-cnews-aussi-dangereux-que-les-contrefacons/

Sondages tendancieux de CNews : aussi dangereux que les contrefaçons ?
4 décembre 2023 | Éric Le Bourg | Extrême droite - Médias
sondages cnews

De l’art de poser des questions simplistes, d’éviter soigneusement toute réflexion des sondés, dans le but de distiller la peur et la haine.

Faire un bon sondage, c’est-à-dire essayer à partir d’un échantillon aléatoire d’une population ou d’un échantillon représentant au mieux les différentes catégories de cette même population — la méthode des quotas — de tirer des conclusions pour une population entière est un vrai métier reposant sur des méthodes éprouvées, même si elles sont imparfaites. En effet, de multiples problèmes se posent pour chaque sondage et ceux-ci sont décrits par les instituts de sondage, mais aussi par l’Insee qui produit des enquêtes allant bien au-delà des sondages d’opinion.


Un des problèmes les plus importants, une fois qu’on a sélectionné l’échantillon à utiliser, est d’éviter les questions mal posées ou biaisées. Une question mal posée risque d’être mal comprise ou d’empêcher une réponse pertinente, comme par exemple « Mangez-vous du pain aux repas ? » : que répondre si vous n’en mangez pas à chaque repas ? Les questions biaisées ou tendancieuses sont encore plus gênantes, car suggérant une réponse de l’enquêté. À la question « Seriez-vous inquiet si un délinquant récidiviste s’installait près de chez vous ? », sans autre précision, on peut être sûr que la réponse sera oui à près de 100%. Une telle question semble une caricature et — bien sûr — jamais aucun institut de sondage n’oserait la poser. Toutefois, il en est pour les sondages comme pour les publications scientifiques dont on sait que certaines rapportent des fraudes, en pleine connaissance des auteurs. Si se livrer à la fraude scientifique est le déshonneur d’un chercheur, réaliser des sondages ne visant qu’à présenter comme étant validée par l’opinion publique la thèse promue par le client de l’institut de sondage semble tout aussi contraire à l’éthique professionnelle. Cela existe-t-il en France ? Il semble bien que oui et, comme la pomme pourrie qui gâte tout le panier, cela pourrait jeter le discrédit sur l’ensemble des enquêtes d’opinion.

L’institut de sondage CSA, propriété du groupe Bolloré qui contrôle aussi la chaîne d’information CNews, produit régulièrement des sondages pour cette chaîne. Ces sondages pour CNews ont pour première caractéristique de poser des questions simplistes et tendancieuses, du genre de celle indiquée ci-dessus, faisant appel au niveau le plus bas de la réflexion et à des émotions comme la haine ou la peur. Voici des exemples de questions (il y en a d’autres), avec leur date de publication sur CNews et le pourcentage de réponses positives, en nous limitant au mois d’octobre et de novembre. 

11-10-23 : « Faut-il systématiquement interdire les partis et associations qui font l’apologie du terrorisme islamique ? », 86%.

18-10-23 : « Faut-il expulser tous les étrangers fichés S du territoire français ? », 87%.

08-11-23 : « Immigration : faut-il stopper le regroupement familial ? », 61%.

09-11-23 : « Immigration : faut-il durcir les critères de naturalisation ? », 76%.

11-11-23 : « Selon vous, y a-t-il trop d’étrangers extra-européens en France ? », 66%.

16-11-23 : « Faut-il arrêter de verser des minima sociaux aux étrangers ? », 67%.

18-11-23 : « Faut-il interdire la grève dans les transports en commun durant les vacances scolaires ? », 49%.

23-11-23 : « Pensez-vous que l’immigration extra-européenne peut être un danger pour la France ? », 66%.

Il aurait été souhaitable d’avoir à disposition les données et résultats pour au moins un de ces sondages, et la rédaction de Regards a donc demandé à l’institut CSA les informations pour celui du 16 novembre sur les minima sociaux : le CSA n’a pas répondu.

Il est en effet important de savoir si le CSA a prodigué aux enquêtés une information leur permettant un choix éclairé et réfléchi avant de répondre. Par exemple, en ce qui concerne le fait d' »expulser tous les étrangers fichés S du territoire français », le CSA a-t-il indiqué que la fiche S, qui est un outil de suivi des personnes, a une durée de validité d’un an et « peut être renouvelée si la poursuite de la surveillance paraît nécessaire », que les fichés S « peuvent également être de simples relations d’un terroriste connu », que « la fiche S n’est pas une preuve de culpabilité », et qu’on ne peut expulser les étrangers fichés S sans infraction commise à moins de supprimer la Constitution, puisqu’un rapport du Sénat indique que « le Conseil constitutionnel a, en effet, d’ores et déjà reconnu une portée constitutionnelle au principe d’impossibilité de fonder une décision administrative sur la seule inscription dans un fichier de police » ? Bien évidemment, le CSA sait tout cela, mais a-t-il communiqué ces informations aux enquêtés, informations qui auraient montré à ces enquêtés que la question posée n’avait aucun sens ? En somme, qui approuverait l’expulsion immédiate, illégale et anti-constitutionnelle, de « tous les étrangers fichés S », comme Monsieur X, Canadien établi en France depuis 20 ans n’ayant jamais eu maille à partir avec la justice, fiché S depuis la veille simplement parce qu’il connaît Madame Y, activiste écologiste française ayant dégradé une méga-bassine et surveillée par la police car soupçonnée de préparer d’autres actions ? D’après le CSA et CNews, 87% de la population.

Les sondages du CSA pour CNews sont à la technique des sondages ce qu’est une contrefaçon au produit d’origine : cela ressemble à l’original mais la qualité est bien moindre. Hélas, comme pour les contrefaçons de plaquettes de frein, les sondages tendancieux ne sont pas seulement de piètre qualité, ils peuvent aussi être dangereux.

 

Le CSA, visiblement pas par incompétence, mais peut-être par manque d’indépendance vis-à-vis du groupe Bolloré, produit donc des sondages pour CNews qui sont sans intérêt, car n’apportant en fait aucune information, tendancieux, et risquant de faire porter la suspicion sur la notion même de sondage et d’enquête d’opinion. On ne s’étonnera peut-être pas que Le Journal du Dimanche, lié au même groupe Bolloré, reprenne le sondage sur l’idée que « l’immigration extra-européenne peut être un danger pour la France » sans évoquer la moindre question sur sa pertinence. 

 

En somme, ces sondages du CSA pour CNews sont à la technique des sondages ce qu’est une contrefaçon au produit d’origine : cela ressemble à l’original mais la qualité est bien moindre. Hélas, comme pour les contrefaçons de plaquettes de frein, les sondages tendancieux ne sont pas seulement de piètre qualité, ils peuvent aussi être dangereux. En distillant la peur et la haine. 

Éric Le Bourg

Pour lire l'article intégral d'Eric Le Bourg référez-vous à l'adresse figurant au haut de cet article (YB)

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