28-11-23- MICHEL VAUJOUR : "L'AMOUR M'A FAIT NAÎTRE A LA VIE, VIERGE DE TOUT"
Aujourd'hui, je vous propose un livre exceptionnel : "Ma plus belle évasion"de Michel Vaujour.
Je ne reviendrai pas aujourd'hui dans le détail sur les péripéties de l'histoire de cet homme qui se définit initialement comme faisant partie de" la France d'en bas": "La justice, pour moi, c'était une "fumisterie" ; ça n'existait pas, il y a des gens qui commandent et des gens sans pouvoir ; j'étais fils de rien."
Il explique, sans la justifier, sa délinquance qui à travers de nombreux braquages et cinq évasions mouvementées l'a conduit à vivre 27 ans en prison dont 17 ans en ces horribles quartiers de haute sécurité qu'on peut considérer comme une forme moderne de torture.
Dès lors ses nombreux braquages pouvaient lui apparaître comme tentatives de mettre un pied sur l'autre rive, celle des puissants.
L'histoire de Michel Vaujour, pour les média, c'est celle de ses nombreuses évasions et surtout de celles qui ont été organisées par deux femmes qui l'ont aimées jusqu'à partager la captivité en même temps que lui.
Au début de ses années de prison, la perspective d'évasion est le seul moyen pour lui de nier son absence de liberté. Il définirait bien la prison comme "un endroit dont il faut s'évader."
A ce propos, je me rappelle que certains psychologues considèrent que sans perspective même lointaine de libération, la condamnation à perpétuité crée des hommes-fauves et je ne crois pas que les gardiens de prison me démentiront à ce propos.
Mais l'essentiel de cet ouvrage qu'il n'est pas question pour moi de résumer ( je voudrais vous inciter à le lire et à regarder le film-documentaire qui sort ces temps-ci) c'est cette libération intérieure que Michel a réussi à trouver sûrement à travers l'amour mais aussi à travers cette intériorité qui l'a sauvé en ce quartier de haute sécurité qu'il décrit pourtant comme "un cube de béton où tu as autant de vie qu'une mouche dans un bocal fermé."
Michel Vaujour à la Radio a expliqué sa découverte d'une sorte de méditation intérieure apparentée au Yoga qu'il décrit ainsi: Dans sa cellule il lui arrivait de fixer très longuement un point en se déconnectant de tout ce qui n'était pas ce point. Ainsi il devenait capable de s'abstraire de sa condition de captif et parvenait à une forme de liberté intérieure que ses geoliers ne pouvaient lui ravir.
La lumière, dit-il, comme le silence s'écoutent de l'intérieur.
Michel Vaujour a appris à ne plus vivre que le présent . au diable le passé ou un avenir dont il ne sait rien !
On ne peut être heureux qu'en vivant intensément son présent;
Si sa vie en prison remplie de projets d'évasions a été longtemps une sorte de "fun" une fois en haute sécurité il a été obligé de changer d'attitude.
Il lui a fallu vivre "heure par heure, jour par jour, semaine par semaine, mois par mois, année par année" en pensant à cet après qui fut d'abord désir, évasion puis perspective de sortie.
Ainsi, Michel Vaujour a fini par renoncer à s'évader pour attendre sa lointaine libération animé d'une liberté intérieure et de l'amour de sa deuxième épouse. qui, comme la première, a vécu elle aussi en même temps que lui une captivité soeur.
Michel qui a beaucoup reçu des femmes, aime célébrer leur "capacité potentiellement plus puissante de moindre dispersion"
En liberté conditionnelle depuis 2003, il écrit en solitude "avec son chien" en nous narrant ce cheminement qui a abouti à ce qu'il est devenu aujourd'hui, un homme libre sans haine pour ceux qui l'ont fait souffrir.
En captivité , il a découvert peu à peu qu'on apprend surtout par ce qui nous manque : "Tu apprends à mieux connaître l'autre , tu le touches en apprenant ce qui te manque..."
En fait, comme il nous le dit le et le redit à travers son ouvrage ou ses témoignages, Michel Vaujour, à travers le dénuement tragique, et pour moi criminel des quartiers de hautes sécurité, nous conduit à redécouvrir le miraculeux de chacune de nos existences.
J'aimé son hymne à la vie quand il nous a crie "Quels que soient les difficultés rencontrées, vivre une seule journée de vie c'est prodigieux, rien n'est plus beau."
Merci, Michel, de nous ramener à l'essentiel.
[Biographie]
Editeur : Presses de la Renaissance
et aussi le film docu
«Ne me libérez pas, je m'en charge» - Documentaire de Fabienne Godet. Durée : 1 h 44.
Yvan Balchoy