24-05-23- LA RELIGION DE PEGUY (CAMILLE RIQUIER)
MICHEL PEYRET
« On m’a rapporté un jour, indique Camille Riquier, d’un vieux péguyste qu’il disait n’avoir pas de religion, à moins, ajoutait-il, qu’on ne l’entende au sens de la religion de Péguy ! Péguy s’est converti d’abord au socialisme et baigna dans un climat familial et culturel qui favorisait la libre-pensée. La maison Baudouin/Péguy avait accueilli l’anarchiste féministe Louise Michel comme l’une des leurs et vivait encore du souvenir de la Commune. Parce qu’il rejetait l’Église et son autorité, Péguy pensait devoir rejeter le christianisme et la foi, sans s’apercevoir encore combien le combat qu’il mena avec les dreyfusards et plus généralement combien ses convictions de jeunesse étaient portés par un élan d’enthousiasme qui le rapprochait bien plus de la religion que de la politique... »
Politique, religion, serait-ce incompatible ? Michel Peyret Lire Péguy aujourd'hui : trois questions au philosophe Camille Riquier
Il y a cent ans mourait Charles Péguy (1873-1914). Camille Riquier, agrégé de philosophie, docteur en philosophie et maître de conférences à l’Institut Catholique de Paris, oriente actuellement ses recherches sur la figure de l’écrivain, socialiste sincère et catholique passionné. Dans le cadre des nombreuses manifestations qui entourent ce centenaire, Camille Riquier a notamment dirigé un dossier spécial dans la revue Nunc, le Cahier Charles Péguy aux éditions du Cerf et il a également co-organisé un grand colloque intitulé « Pensée de Péguy » qui s’est tenu à l’École Normale Supérieure et à l’Institut Catholique de Paris les 14 et 15 mai derniers. Il travaille actuellement à un ouvrage sur La Philosophie de Péguy.
Nous l’avons rencontré…. Comment caractériser en quelques mots les rapports de Péguy à la foi et à la religion ?
On le présente souvent comme un écrivain « catholique ». Peut-on dire qu’il était un mystique ? Ces rapports sont complexes comme le reste ; et en lisant l’œuvre de Péguy, l’athée comme le croyant trouveront de quoi ébranler leurs siennes convictions plus encore que celles de leur adversaire.
On m’a rapporté un jour d’un vieux péguyste qu’il disait n’avoir pas de religion, à moins, ajoutait-il, qu’on ne l’entende au sens de la religion de Péguy ! Péguy s’est converti d’abord au socialisme et baigna dans un climat familial et culturel qui favorisait la libre-pensée. La maison Baudouin/Péguy avait accueilli l’anarchiste féministe Louise Michel comme l’une des leurs et vivait encore du souvenir de la Commune.
Parce qu’il rejetait l’Église et son autorité, Péguy pensait devoir rejeter le christianisme et la foi, sans s’apercevoir encore combien le combat qu’il mena avec les dreyfusards et plus généralement combien ses convictions de jeunesse étaient portés par un élan d’enthousiasme qui le rapprochait bien plus de la religion que de la politique.
Le socialisme était alors un mouvement d’idées et de sentiments si intenses que Péguy investissait spontanément un vocabulaire religieux pour s’exprimer.
Par la suite, après avoir trouvé la foi, entre 1905 et 1909, il dira de son socialisme et de son dreyfusisme qu’ils étaient déjà une mystique, et que ce ne fut qu’au bout du socialisme qu’il avait trouvé le christianisme – par « voie d’approfondissement », – non pas en rebroussant chemin.