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Publié par YVAN BALCHOY

CONSIDERER COMME UN DELIT DE PRIVER UN HABITANT DE LA FRANCE D'UN TOIT (FAÏZA ZEROUALA-MEDIAPART)

La saturation de l’hébergement d’urgence est avérée et les personnes prioritaires comme les familles ne le sont plus. Alors l’avocat de Médecins du Monde et Utopia 56, Me Djemaoun, systématise le dépôt de recours devant la justice administrative pour contraindre l’État à héberger les personnes sans logement.

Faïza Zerouala

8 janvier 2023 à 18h53

 
   
ÀÀ13 ans, Salim* souffre d’une maladie congénitale rare. Elle lui occasionne des crises douloureuses, des épisodes de fièvre intense et des ganglions qui saignent. Alors le garçon doit prendre un cocktail de médicaments anti-inflammatoires pour se soigner et contrôler la douleur des récidives. Le 30 janvier, il doit même subir une opération chirurgicale.

Seulement, se soigner et avoir une convalescence dans de bonnes conditions est impossible lorsqu’on dort dehors. C’est en substance ce que Me Samy Djemaoun, avocat de Médecins du Monde et de l’association d’aide aux migrant·es Utopia 56, a défendu le 6 janvier lors d’une audience au Conseil d’État.

Parce que Salim, son frère de 15 ans, sa sœur de 10 ans et leur mère, reconnue handicapée, dorment dehors depuis quatre mois. Dans des gares ou sur des canapés par-ci par-là, à la faveur de la générosité de personnes émues par le sort de cette famille.

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Une famille dans un hébergement de l’association Un toit est un droit à Rennes, en mars 2020. © Photo Jean-Michel Delage / Hans Lucas via AFP

Depuis le début décembre, Me Samy Djemaoun affute ses arguments et saisit à tour de bras le tribunal administratif et le Conseil d’État, en appel, pour contraindre l’État à respecter ses obligations en matière d’hébergement d’urgence.

En pleine vague de froid, l’avocat a aussi saisi la justice au nom d’Utopia 56 et de Médecins du Monde, pour permettre l’accès aux non-Ukrainien·nes des places vacantes dans le centre d’accueil qui leur est réservé Porte de la Villette à Paris.

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Il a été débouté mais dès le lendemain, le 19 décembre, Olivier Klein, ministre du logement, créait la surprise et annonçait avoir réquisitionné ce même centre la veille, pour permettre la mise à l’abri de familles repérées en maraude. « Le gouvernement s’était engagé à ce qu’il y ait zéro enfant à la rue, cette promesse est tenue ! »

De fait, Me Djemaoun a décidé de systématiser le recours à la justice administrative, un levier peu mobilisé par les associations jusque alors....

 

La Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) a fait appel des décisions de justice dans sept affaires. Cinq ordonnances ont été annulées, avec une remise à la rue potentielle, et deux ont été confirmées par le Conseil d'État.

Ce vendredi, au Conseil d’État, avant l’audience, Mariame, 42 ans, semble à la fois accablée et déterminée à se battre pour obtenir un toit, même temporaire. Cette réfugiée ivoirienne attend beaucoup de ce recours après quatre mois de rue. La mère de famille veut simplement être logée. Pour ne plus se tracasser pour ses enfants, pour pouvoir s’occuper des soins de Salim et s’assurer qu’il prend bien son traitement, pour ne plus avoir froid également. Elle garde un souvenir amer du jour où elle a dû avec les petits quitter leur hébergement, alors qu’ils étaient malades.

Bien couverte, même si les températures sont remontées, Mariame montre sa main, engourdie par le froid à force de passer des heures dehors. Ses enfants sont scolarisés dans des endroits opposés de la capitale. Sans compter que parfois, ils sont hébergés très loin. La mère reçoit souvent des appels du collège de Salim. Le dernier « avant-hier ». L’adolescent arrive parfois en retard et surtout s’endort en classe, faute de pouvoir trouver un sommeil réparateur. « Tant que je serai dehors, ma tête ne sera pas tranquille », répète Mariame.

L’enjeu pour Me Djemaoun est de démontrer la vulnérabilité de la famille, notamment à cause de l’état de santé de Salim. En première instance, l’avocat a été débouté pour son recours, faute d’avoir produit une attestation de suivi médical de l'enfant. Ce qui a été fait entre-temps.

Et la famille bascula dans la catégorie des vulnérables
Face au juge des référés, l’avocat insiste sur le fait que la pathologie de Salim le range dans la catégorie des plus vulnérables et qu’à ce titre, sa famille doit être hébergée. Notamment en vue d’une opération chirurgicale que l’adolescent doit subir à la fin du mois de janvier.

Le représentant de la Dihal ne l’entend pas de cette oreille. Il commence par vouloir rappeler la situation de tension en Île-de-France due à la forte demande d’hébergement. Le président le coupe et lui enjoint d’avancer : « Nous avons déjà eu ces chiffres. » Le premier ne se démonte pas et se livre à un numéro d’équilibriste. Il reconnaît que la pathologie de l’enfant est « grave » mais affirme aussi, « sans être médecin », que les poussées peuvent être traitées et soulagées par les médicaments. De fait, « nous contestons que cette pathologie mette la famille dans la catégorie de vulnérabilité. »

Le cas échéant, la famille pourrait se rendre à l’hôpital en cas d’aggravation, ajoute-t-il. Le représentant de la Dihal poursuit son exposé en arguant du fait que l’opération prévue ne semble pas invasive et peut se pratiquer sans incision ni anesthésie. Ce qui est faux, l'enfant sera bien sous anesthésie générale. Sans compter qu’elle se déroulera dans trois semaines, le caractère urgent de l’hébergement n’est donc pas caractérisé, selon lui. Le tout sans pouvoir établir toutes ces affirmations.

Me Djemaoun s’insurge. « On est en train de dire qu’il est atteint d’une maladie grave et rare mais pas assez pour caractériser la détresse ? » Plus tard, il poursuit : « Et même si on décorrèle l’état de santé de cet enfant de la situation, on parle toujours d’un enfant à la rue. »

Un retournement de situation se produit à la fin de l'audience. La Dihal explique que la famille est bien parmi les plus vulnérables, indique que finalement celle-ci « pourrait » être logée le soir même et admet même que ce référé a permis de faire remonter dans la pile cette situation de détresse.

En somme, l’État reconnaît que les référés sont utiles et permettent de rendre effective une priorisation du Samu social qui ne l’est pas et que la famille a, en l’espace d’une audience, basculé parmi les familles les plus vulnérables « par magie », décrypte Samy Djemaoun. « Sinon aucun hébergement d’urgence n’aurait été proposé – sauf à considérer que l’État loge en urgence des familles moins vulnérables et donc ne priorise pas. »

Au cours de l’audience, Me Djemaoun a confessé ressentir « une frustration juridique » de ne pas obtenir d’éléments plus précis concernant les critères de vulnérabilité retenus par l’État.

Il développe : « J’ai déjà du mal avec la hiérarchie de la détresse mais quand bien même ce serait un argument, c’est impératif qu’ils communiquent la liste précise des personnes qui seraient plus vulnérables. Jusqu’à présent, on ne nous l’a jamais apportée. On a des enfants de trois semaines dans la rue. Plus vulnérable, c’est quoi ? Un enfant pas né ? Cette défense commence à s’essouffler. »

De l’espoir, mais aussi de la fébrilité...

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Les audiences sont « violentes », explique encore Nikolaï Posner, avec « la préfecture de région et la Dihal, qui va vraiment essayer de déconstruire la vulnérabilité de ces familles alors qu’elle est évidente ».

Pour lui, c’est un signe de fébrilité de l’État, qui voit d’un mauvais œil cette manière de contourner les dispositifs d’évaluation habituels. « Ce que dit le ministère, c’est qu’il veut garder la main sur la sélection et, au-delà, sur le droit fondamental de ces familles d’avoir un hébergement. »

Paul Alauzy, chargé de projet à Médecins du monde, regrette ce « trou dans la raquette » car cet outil juridique n’a pas été mobilisé plus tôt. « L’hébergement est un droit en France mais il est malmené, mais heureusement que la justice peut le consacrer. Car un logement pour un enfant, c’est déterminant pour la santé. »

Il salue ces recours car ils sont « positifs ». Nikolaï Posner, d’Utopia 56, abonde en ce sens et rapporte que ces recours sont pourvoyeurs « d’espoir »  pour ces familles qui ne se sentent pas toujours légitimes à saisir la justice. « Elles ne sont plus seules, il y a une émulation collective. »

Mais Paul Alauzy, de son côté, craint que les autorités ne fassent en sorte que ces recours ne fonctionnent plus au bout d’un moment. « L’État fait déjà appel, on voit déjà que petit à petit ils vont créer un goulot d’étranglement, et nous allons gagner de moins en moins. » Mais il est question, pour « systématiser la méthode », de former d’autres avocat·es, qui pourront prendre le relais de Me Djemaoun.

Parce que, pour Me Djemaoun, il faut continuer de bousculer l’État, le contraindre à prendre ses responsabilités et à respecter la loi. Surtout que le gouvernement a su tout mettre en œuvre pour accueillir de manière « très digne et humaine » les réfugié·es venu·es d’Ukraine : « Ce n’est donc pas un problème de moyens mais de volonté politique. »

La preuve, il rappelle que le préfet chargé de leur accueil, Joseph Zimet, avait déclaré dans une interview au journal Le Monde, en juillet 2022 : « On ne peut pas courir le risque de retrouver des Ukrainiens qui dorment dans des jardins publics ou sur les plages. »

« Et, en effet, ce n’est pas arrivé car des moyens ont été mobilisés pour que l’accueil soit vraiment inconditionnel, ce qui a permis à la France d’être de nouveau le pays des droits de l’homme et non celui de la Déclaration des droits l’homme, pour reprendre les mots de Robert Badinter. »...

 

Cependant, l’hébergement proposé n’était pas adapté à la taille de la famille. Elle n'a pas pu y avoir accès pour cette raison et doit continuer de dormir dans la rue. 

Faïza Zerouala

Pour lire l'article intégral de Faïza Zerouala, veuillez vous référer à l'excellent site MEDIAPART

NOTE D'YVAN BALCHOY

La Constitution française garantit à chaque habitant de la France un toit. Celui qui le demande et en est privé a le droit et même le devoir de porter plainte et je serais d'avais que chaque fois un tribunal condamne l'institution la plus haute du pays, en l'occurrence, la présidence de la République à une peine d'un jour de prison avec sursis, ce sursis serait activé au terme d'un nombre de jours de condamnation  à déterminer à la fin de la présidence de l'individu condamné. (YB)

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