Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Archives

Publié par YVAN BALCHOY

22-01-23- COVID EN CHINE : LES FANTASMES ET LES FAITS  : RETOUR SUR TROIS ANNEES DE LUTTE ANTI-COVID EN CHINE
L’espérance de vie en Chine a dépassé celle des États-Unis pendant la pandémie.

L’espérance de vie en Chine a dépassé celle des États-Unis pendant la pandémie.

Les fantasmes et les faits : retour sur trois années de lutte anti-covid en Chine

    19 Jan 2023 Tings Chak    

La Chine a assoupli ses mesures contre le covid. Gouvernements et médias occidentaux se sont aussitôt rués sur Pékin pour prédire les plus grands désastres. On pronostique des millions de morts. On impose des contrôles pour les voyageurs chinois, des décisions politiques qui ne sont pas validées par la communauté scientifique. On annonce un marasme économique, entendez une croissance de 3% qui ferait de nombreux envieux ailleurs dans le monde. En fait, à chaque étape de la pandémie, la Chine a été sévèrement critiquée par l’Occident. D’abord parce que la moindre opportunité de diaboliser la Chine est bonne à prendre dans le contexte de la nouvelle guerre froide voulue par Washington. Ensuite parce que les erreurs supposées de la politique zéro covid en Chine sont l’occasion pour nos gouvernements de redorer le blason de leur propre gestion de la pandémie pourtant bien critiquable. Mais entre les fantasmes occidentaux et la réalité des faits, il y a de la marge. Démonstration avec la chercheuse Tings Chak qui a passé ces trois dernières années en Chine. (IGA)

 

Je suis arrivé à Shanghai, 36 heures après avoir quitté São Paulo et après avoir effectué une quasi-déportation en Afrique du Sud et subi l’annulation d’un vol de correspondance. C’était le 21 mars 2020. Dans les jours qui ont suivi, la Chine a mis en place sa quarantaine centralisée obligatoire pour tous les voyageurs internationaux. Exactement une semaine plus tard, le 28 mars, la Chine a instauré l’interdiction de voyager[1] pour empêcher la propagation d’un virus encore peu connu appelé Covid-19, un virus qui se frayait un chemin aux quatre coins de la planète.

Près de trois ans plus tard, le 8 janvier 2023[2], la Chine ouvrira officiellement ses frontières, supprimera la quarantaine et les tests d’acide nucléique obligatoires pour les personnes entrant dans le pays, et rétrogradera la gestion du Covid-19 de la classe A à la classe B[3]. Il ne s’agit pas de la fin d’une époque, mais plutôt de la poursuite d’un processus rigoureux de lutte contre une pandémie historique et mondiale ayant placé la science et les personnes au cœur des préoccupations. C’est une expérience incroyable de voir comment le gouvernement et le peuple chinois se sont attaqués à cette pandémie, alors que le monde a enregistré[4] 6,68 millions de décès et que plus de 650 millions de personnes ont été infectées. L’impact de ce virus est à inscrire dans les livres d’Histoire, ses effets durables seront étudiés pendant des années, et la lutte n’est pas encore terminée.

Les grands médias occidentaux se sont toutefois empressés de critiquer la Chine à chaque étape du processus, de la stratégie « draconienne »[5] du zéro-covid aux mesures « dystopiques »[6] visant à garantir la sécurité des Jeux olympiques d’hiver à Pékin, en passant par le « cauchemar »[7] de l’assouplissement des exigences du pays en matière de Covid-19. Au-delà de la rhétorique, comment s’est déroulée la lutte contre le virus en Chine, caractérisée par la stratégie du « zéro Covid », et pourquoi les mesures d’assouplissement interviennent-elles maintenant ? Il est important de revenir sur les trois dernières années pour comprendre comment nous en sommes arrivés là aujourd’hui. Ayant vécu en Chine tout au long des flux et reflux du virus Covid-19, je classerai la stratégie dynamique du pays en quatre phases clés.
Phase 1 : Intervention d’urgence (décembre 2019 à mai 2020)

Deux semaines et demie après mon arrivée en Chine, le 8 avril, le pays a célébré la fin du confinement historique de 76 jours à Wuhan, où la pandémie s’est déclarée en premier, coûtant la vie à 4 512 Chinois[8]. Ce fut une victoire émotionnelle et douce-amère pour le pays tout entier qui avait mobilisé son peuple et ses ressources afin de lutter contre un virus très mortel et jamais vu auparavant.

Le 26 décembre 2019, le Dr Zhang Jixian[9], directeur du département de médecine respiratoire et de soins intensifs de l’hôpital de médecine chinoise et occidentale intégrée de la province du Hubei, avait examiné un couple de personnes âgées qui avait une forte fièvre et une toux – des symptômes qui caractérisent la grippe. Mais des examens plus poussés avaient permis d’exclure la grippe A et B, les mycoplasmes, les chlamydias, les adénovirus et le SRAS. Elle et son équipe ont alors rapidement déterminé qu’un nouveau virus était en cause. Trois jours plus tard, les autorités provinciales étaient alertées, puis le Centre chinois de contrôle des maladies (CDC). Et le 31 décembre, l’OMS était informée[10]. Le jour de l’an, les responsables du CDC ont appelé[11] le Dr Robert Redfield, chef du Centre américain de contrôle et de prévention des maladies, alors qu’il était en vacances, pour l’informer de la gravité de leurs découvertes.

Le 3 janvier, le virus a été identifié et sa séquence génétique a ensuite été partagée[12] avec le monde entier une semaine plus tard. À ce moment-là, il y avait beaucoup d’inconnues – ce qu’était le virus, comment il était transmis et comment il pouvait être arrêté. Il n’y avait pas de vaccins, et le pays – et le monde – n’étaient pas préparés. Un confinement strict de la ville de 11 millions d’habitants a commencé le 23 janvier, et 41 000 travailleurs médicaux[13] venant de tout le pays ont été envoyés à Wuhan. Sauver des vies et étudier ce nouveau virus étaient les principales priorités de cette phase.
Phase 2 : Contrôle et élimination (juin 2020 à juillet 2021)

Après avoir réussi à contenir le Covid-19 à Wuhan, et pendant le reste de l’année 2020 et 2021, la Chine a mis en œuvre une stratégie Zéro-Covid caractérisée par des mesures étendues pour suivre, tester, isoler et traiter les personnes infectées. La Chine continentale a enregistré extrêmement peu de décès[14] au cours de cette période depuis l’épidémie de Wuhan, tout en réussissant à contenir 11 épidémies[15] du variant Delta qui est plus transmissible et qui est à l’origine d’infections plus graves. Entre-temps, le nombre de décès signalés dans le monde a atteint plus de 5,4 millions de personnes[16] à la fin de l’année 2021 et des millions d’autres ont été infectées.

Loin d’avoir « échoué »[17] comme le prétendent aujourd’hui les médias occidentaux, le programme Zéro-Covid a été extrêmement efficace. Depuis que la pandémie a éclaté, l’espérance de vie moyenne des Chinois est en fait passée de 77,3[18] à 78,2[19] ans (2019-2021), dépassant ainsi les États-Unis pour la première fois de l’histoire (graphique 1). Aux États-Unis cependant, la durée de vie moyenne a chuté de 78,8[20] à 76,4[21] ans au cours de cette même période, en grande partie en raison du nombre élevé de décès liés au Covid. Cette évolution est particulièrement frappante si l’on considère qu’en 1949, la Chine était le onzième[22] pays le plus pauvre du monde (mesuré par le PIB par habitant en PPA) et que son espérance de vie n’était que de 36[23] ans, contre 68[24] ans pour les États-Unis. Cela signifie que la durée de vie moyenne d’un Chinois a plus que doublé, alors qu’aux États-Unis, la durée de vie moyenne n’a augmenté que de huit ans en près de huit décennies.

L’espérance de vie en Chine a dépassé celle des États-Unis pendant la pandémie.

 

Les États-Unis ont enregistré 1,1 million de décès dus au Covid-19. Le taux de mortalité cumulé des États-Unis pour un million de personnes est actuellement 834[25] fois supérieur à celui de la Chine (3339 contre 4). Dans le cas des États-Unis et de la Chine, l’utilisation des chiffres de  » surmortalité  » – la différence entre les taux de mortalité observés et attendus – n’a que peu de valeur à des fins d’analyse, car les deux pays ont enregistré un nombre relativement faible de ces décès au cours des trois dernières années. Si la Chine avait suivi la voie imprudente des États-Unis, ces projections indiquent que la Chine aurait connu 4,8 millions de morts. Même un calcul rapide révèle que la stratégie de la Chine a effectivement sauvé des millions de vies.

Tout en contenant le virus, la Chine l’étudiait intensément et développait des réponses, inaugurant[26] son premier vaccin, Sinopharm, en décembre 2020. Il a ensuite été approuvé[27] par l’OMS pour une utilisation d’urgence le 7 mai 2021. En octobre de la même année, selon une étude de Nature[28], les vaccins chinois représentaient près de la moitié des 7,3 milliards de doses délivrées dans le monde. Depuis lors, la Chine a approuvé[29] huit vaccins et 35 autres font l’objet d’essais cliniques, elle a fait don[30] de 328 millions de doses, elle s’est engagée[31] à verser plus de 100 millions de dollars au programme mondial de distribution de vaccins Covax pour les pays du Sud, et elle a proposé[32] que les vaccins deviennent un bien public mondial.
Phase 3 : Adaptation et préparation (août 2021-octobre 2022)

En août 2021, en réponse à la propagation du variant Delta hautement transmissible, la Chine a adopté[33] une nouvelle stratégie appelée « Zéro-Covid dynamique ». Elle a été conçue pour équilibrer les besoins sanitaires, économiques et sociaux et pour minimiser l’impact de l’épidémie sur l’économie, la société, la production et la vie quotidienne de la population.

Il n’existe pas de mesure unique pour un pays de 1,4 milliard d’habitants. Au cours de cette troisième phase, guidé par la science, le pays a expérimenté ses pratiques de prévention et de mise en œuvre. Le dépistage de masse a été développé à un haut niveau d’efficacité : les 18 millions d’habitants de Guangzhou[34] ont pu être testés en trois jours seulement, tandis que le coût des tests PCR groupés (dix échantillons par tube à essai grâce aux faibles taux d’infection) a été réduit à seulement 3,5 yuans[35] (0,50 USD) par personne. Le pays a mis au point un code numérique de voyage à l’échelle nationale et des applications cellulaires « code vert » au niveau des villes[36] pour suivre les cas de Covid et les personnes qui ont visité des zones à haut risque. Pendant ce temps, le gouvernement s’est orienté vers des mesures plus ciblées pour limiter le recours aux confinements à grande échelle. Pendant l’épidémie de Shanghai, par exemple, les communautés résidentielles ont été classées[37] en « zones de confinement », « zones contrôlées » ou « zones de précaution » en fonction de leur niveau de risque pour tenter de minimiser l’interruption de la vie quotidienne et économique.

Entre janvier 2020 et la mi-avril 2022, la Chine avait dépensé[38] un montant estimé à 45,1 milliards de dollars US pour fournir gratuitement 11,5 milliards de tests PCR à ses résidents. Cependant, les coûts de cette stratégie de dépistage de masse étaient également de plus en plus élevés, les estimations atteignant 1,8 %[39] du PIB du pays et mettant particulièrement sous pression les budgets des gouvernements locaux. Malgré les pressions économiques, plutôt que de « paralyser[40] » l’économie chinoise, le PIB du pays a augmenté près de quatre fois plus vite que celui des États-Unis et cinq fois plus vite que celui de l’Union européenne, du début de la pandémie jusqu’au troisième trimestre 2022[41].

Bien qu’elle soit la deuxième plus grande économie, la Chine reste un pays en développement. La pandémie a mis à rude épreuve le système médical du pays qui présentait des lacunes dans plusieurs domaines clés. En conséquence, la Chine a utilisé les trois dernières années pour commencer à combler ces lacunes, principalement en augmentant la capacité de ses unités de soins intensifs (USI). En 2019, la Chine ne comptait que 3,6 USI pour 100 000 habitants[42], soit neuf fois moins que les États-Unis qui comptaient 34,7 unités. Depuis 2019, la Chine a multiplié[43] son offre de lits d’USI par 2,4, passant de 57 160 en décembre 2019 à 138 800 en décembre 2022. Au cours de la même période, le nombre de médecins et d’infirmiers d’USI[44] a respectivement augmenté d’un tiers et doublé.

Le 15 janvier 2022, la Chine a connu son premier cas d’infection Omicron transmis localement. Le 18 avril 2022, Shanghai a annoncé[45] ses trois premiers décès liés au Covid, tous des personnes âgées de plus de 89 ans non vaccinées. Au moment de l’épidémie de Shanghai, alors que 87 % du pays était déjà entièrement vacciné[46], ce chiffre n’était plus que de 62 %[47] pour les 3,6 millions de personnes âgées de plus de 60 ans de la ville, 38 % ayant reçu des rappels. Le pays savait qu’il fallait protéger ce secteur vulnérable de la population.

Des efforts considérables ont depuis été déployés pour accroître la vaccination des personnes âgées. Le rapport officiel de la Commission nationale de la santé[48] indique qu’au 30 novembre 2022, les taux de vaccination des personnes âgées de plus de 80 ans se répartissaient comme suit : 76,6 % au moins une injection, 65,8 % deux injections ou plus, et 40 % trois doses ou plus. Malgré les taux de mortalité plus faibles du variant Omicron, sa nature hautement contagieuse a posé de sérieux défis aux mesures de prévention et de contrôle existantes du pays, tout en mettant l’économie à rude épreuve. Même deux doses[49] de vaccins occidentaux à ARNm dits avancés, comme le vaccin de Pfizer/BioNTech ou le vaccin à ARNm similaire de Moderna, ne confèrent qu’une protection d’environ 30 % contre l’infection symptomatique par Omicron pendant environ quatre mois.
Phase 4 : Réduction de la gravité et assouplissement des contrôles (de novembre 2022 à aujourd’hui)

Alors qu’Omicron commençait à se répandre, des comparaisons[50] ont montré que le risque de décès en cas d’infection par Omicron BA.2 était inférieur de moitié à celui de Delta. Une étude scientifique chinoise[51] sur des souris a montré que les nouvelles souches Covid-19 avaient une charge virale 100 fois plus faible que l’original, mais qu’elles étaient hautement transmissibles. La Chine savait qu’elle devait adapter ses politiques à la nature changeante du virus, mais en tenant compte de certaines considérations importantes.

Le 11 novembre, le gouvernement central a publié ses « 20 mesures »[52] pour commencer à assouplir ses politiques de « zéro covid ». Il s’agissait notamment de réduire la durée de la quarantaine obligatoire pour les vols entrants, de diminuer les temps d’isolement, de promouvoir la vaccination des personnes âgées et d’éliminer le recours aux tests de masse. Pour un pays de cette taille, toute politique du gouvernement central nécessite du temps et une énorme capacité organisationnelle pour être mise en œuvre à l’échelle locale.

L’assouplissement a dans un premier temps créé une confusion, et certaines personnes étaient en colère contre les responsables des communautés locales pour ne pas avoir respecté les mesures d’assouplissement du gouvernement central. Cela a été fréquemment diffusé sur les plateformes de réseaux sociaux chinois. Bien qu’il y ait eu de la frustration et de l’épuisement, il serait erroné de croire que la phase de déclassement était une réponse à la série de petites « manifestations de papier blanc » qui ont eu lieu après l’incendie d’un appartement à Urumqi ayant coûté la vie à dix personnes le 24 novembre. Non seulement les protestations se sont produites deux semaines après que le gouvernement a commencé à assouplir ses mesures de lutte contre le covid, mais elles n’étaient pas non plus représentatives de l’opinion publique chinoise en général. L’assouplissement du gouvernement a également suscité une autre inquiétude, de nombreuses personnes craignant d’être infectées. Plusieurs utilisateurs des réseaux sociaux Weibo[53] ont ainsi exprimé leur colère et leurs critiques à l’égard des manifestants, les considérant comme de jeunes irresponsables de la classe moyenne qui voulaient leurs libertés personnelles au détriment du bien-être de la collectivité. Contrairement à ce que dépeignent les médias occidentaux, le peuple chinois n’a pas une voix unique.

Le lundi 26 décembre, la Chine a annoncé[54] qu’elle déclasserait la gestion du Covid-19 de la classe A à la classe B des maladies infectieuses le 8 janvier 2023. Les trois principales raisons de ce changement incluent le fait qu’Omicron n’est pas aussi virulent que Delta, qu’un grand pourcentage de la population a été vacciné et que le système de santé du pays est mieux préparé. La Chine utilise un système à trois niveaux pour classer les maladies infectieuses, chacun délimitant des mesures de réponse spécifiques. La classe A, la plus dangereuse, ne comprend que le choléra et la peste. La classe B comprend le SRAS, le sida et la tuberculose. La classe C comprend la grippe et les oreillons. Parallèlement à ce changement, les mesures Covid-19 seront encore assouplies.

Douze[55] contre-mesures principales ont été identifiées pour la nouvelle politique Covid-19 correspondant au contrôle de la classe B : 1) augmenter les taux de vaccination ; 2) préparer les médicaments et les réactifs de test pour les patients ; 3) augmenter les investissements dans la construction de ressources médicales, y compris les lits des unités de soins intensifs ; 4) abandonner les tests PCR de masse ; 5) traiter les patients en fonction de leur gravité ; 6) améliorer les enquêtes et les données sanitaires, y compris le statut vaccinal des personnes âgées de plus de 65 ans ; 7) contrôler les institutions des populations vulnérables, y compris les soins aux personnes âgées, les hôpitaux et les écoles ; 8) renforcer la prévention et le contrôle dans les zones rurales et pour les patients à haut risque ; 9) accroître la surveillance, la réponse et le contrôle des épidémies ; 10) promouvoir la protection individuelle et le principe de la responsabilité de chacun pour sa propre santé ; 11) faciliter l’accès à l’information et l’éducation ; et 12) optimiser les échanges internationaux de personnel.

Lors d’une conférence de presse[56] du Mécanisme conjoint de prévention et de contrôle du Conseil d’État, le Dr Yin Wenwu, médecin en chef de la Division de la prévention des infections des CDC, a abordé la conséquence de la classification de Covid-19 en classe B, à savoir une réduction de la fréquence des publications de données. Les nouvelles données, qui seront publiées chaque mois, comprendront le nombre de cas existants hospitalisés et de maladies graves, y compris les maladies critiques, ainsi que le nombre cumulé de décès.

Comme prévu, une diminution de la gravité de la gestion du virus signifierait également une augmentation du nombre d’infections et de décès associés. Cependant, aucun modèle de prédiction unique ne peut être facilement appliqué à la Chine. Les modèles existants de prédiction de l’infection et de la mortalité liées au virus Covid-19 présentent un large éventail de résultats. La précision des prévisions tend à diminuer au fur et à mesure que le temps de prédiction augmente, les modèles montrant une erreur jusqu’à cinq fois plus élevée[57] en comparant des horizons d’une semaine à 20 semaines. On a par ailleurs constaté que le même variant d’Omicron pouvait entraîner des taux de mortalité différents selon les pays. Au 21 décembre, le taux de mortalité sur sept jours consécutifs[58] aux États-Unis atteignait 437 personnes, soit un taux de 1,29 par million. Dans le même temps, le Japon affichait un taux comparable de 2,0 par million et la Nouvelle-Zélande de 0,85 par million.

Bien que la Chine ait désormais dépassé l’espérance de vie des États-Unis, elle compte relativement moins de personnes âgées de 75 ans et plus que les États-Unis (46 % de moins en pourcentage de la population totale pour chaque pays)[59]. L’impact d’Omicron a été tel qu’en septembre 2022, 69 % de tous les décès dus au Covid-19 aux États-Unis provenaient de cette tranche d’âge[60]. La différence démographique dans cette tranche, prise comme facteur autonome, impliquerait une réduction de plus de 30 pour cent des taux de mortalité probables pour la Chine.

Les médias occidentaux se sont empressés d’utiliser des histoires et des photographies sélectives pour créer une image plus large de situation « chaotique »[61] en Chine, notamment en prédisant des taux de mortalité très élevés. La Chine, avec une population de plus de 1,4 milliard d’habitants, comptait plus de 27 000[62] décès par jour avant la pandémie. L’utilisation des taux de mortalité Omicron existants dans d’autres pays permettrait de déduire une augmentation possible de 6 % des taux de mortalité. Il s’agirait de décès importants, de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers de personnes, mais aucune preuve n’a encore été fournie pour étayer les millions de décès que l’Occident avance.

Cette phase de déclassement est effectivement complexe et difficile, car les médecins font des heures supplémentaires en raison de l’augmentation du nombre de cas, certains hôpitaux sont à pleine capacité, les médicaments contre la fièvre ont fait l’objet de pénuries et les infections liées à l’hiver ajoutent des complications. Cependant, l’assouplissement des mesures signifie que la Chine a utilisé les trois dernières années pour essayer de se préparer du mieux qu’elle pouvait en vaccinant la population, en étudiant le virus, en construisant des infrastructures médicales, en formant les travailleurs et en attendant l’apparition d’une souche beaucoup moins mortelle. Elle a également acquis une expérience durement gagnée qui est essentielle pour gérer toute future pandémie.
Les mesures prises actuellement

Ce n’est pas par manque de vaccins, mais plusieurs raisons expliquent le taux de vaccination relativement lent des aînés chinois. Nombre d’entre eux[63] avaient des idées préconçues sur les vaccins ou craignaient des complications liées à des problèmes de santé sous-jacents, tandis que le succès de la lutte contre le virus a dissuadé les aînés de se faire vacciner. À titre de comparaison, aux États-Unis, seuls 36 % des personnes âgées de 65 ans et plus ont reçu l’injection actualisée, connue sous le nom de rappel bivalent[64], selon les données[65] des Centers for Disease Control and Prevention. La Chine, en revanche, n’a cessé de faire des efforts pour convaincre, et non contraindre, ce groupe vulnérable à se faire vacciner.

Le 29 novembre, le mécanisme conjoint de prévention et de contrôle du Conseil d’État a ajusté le protocole de vaccination de rappel et a demandé aux localités[66] de mener des enquêtes approfondies auprès des populations âgées et de renforcer les services et les campagnes de sensibilisation. Entre le 1er et le 13 décembre, 823 000[67] des personnes âgées de plus de 80 ans ont reçu un troisième vaccin. La Chine a créé le premier vaccin inhalé commercialisé au monde[68] pour le Covid-19 : Convidecia Air de CanSino Biologics, un vaccin à vecteur viral non répliqué. Ce rappel gagne déjà en popularité[69] auprès des personnes âgées.

En ce qui concerne l’approvisionnement en médicaments, certaines villes ont connu des pénuries de médicaments contre la fièvre au cours des premières semaines de décembre en raison de l’augmentation des cas. La thésaurisation, l’augmentation des prix et le pic de la demande sont parmi les facteurs qui ont contribué à cette pénurie. En réponse, les autorités locales ont commencé à distribuer[70] de l’ibuprofène gratuitement, et les habitants de Pékin, par exemple, peuvent désormais obtenir de l’ibuprofène et du paracétamol en une heure. La Chine a également adopté une réglementation[71] sur les fournisseurs de produits pharmaceutiques en ligne, qui prévoit des pénalités pouvant aller jusqu’à cinq millions de RMB (720 000 USD) pour les pharmacies qui augmentent les prix en fonction de comportements spéculatifs. La Chine a également[72] rendu disponible le traitement antiviral oral Paxlovid de Pfizer.

Grâce aux tests de masse effectués au cours de la troisième phase de la lutte contre la pandémie, le gouvernement a pu obtenir des données précises sur le virus afin de façonner ses réponses. Comme les tests de masse ont été progressivement abandonnés dans la phase actuelle, certaines données précises seront inévitablement perdues. Cependant, la résilience de la Chine se manifeste dans sa capacité à réagir à de nouvelles situations, en appliquant les technologies et la science pour faire évoluer son système de santé publique. Par exemple, au cours des deux dernières semaines, plus de dix centres de prévention et de contrôle des maladies (CDC) provinciaux, notamment dans le Sichuan, le Jiangsu et le Zhejiang, ont lancé des enquêtes[73] auxquelles ont participé des centaines de milliers de citoyens. Ces données, bien que limitées par la méthode d’échantillonnage, constituent une référence importante pour les autorités locales et centrales, qui peuvent ainsi suivre l’évolution de la maladie et recueillir des informations, notamment sur les hôpitaux importants, la disponibilité des médicaments contre la fièvre et la capacité de réaction des autorités locales.

Le 31 décembre, la province de Hainan a publié[74] les résultats de sa deuxième enquête en ligne (menée du 19 au 25 décembre) à laquelle ont répondu environ 3,4 % de la population de la province. Vous trouverez ci-dessous l’un des graphiques publiés (graphique 2).

Le CDC national continue de mener activement une surveillance dynamique en temps réel sur le Covid-19. Du 1er au 29 décembre, il a réalisé le séquençage génétique complet de 1 142[75] cas par le biais d’une enquête par échantillonnage. Il existe sept sous-variants Omicron en circulation, dont deux, BA.5.2 et BF.7, représentent plus de 80 % de tous les cas. Le BF.7 a une plus grande capacité d’échappement immunitaire, une période d’incubation plus courte et une transmission plus rapide. La ville de Guangzhou a signalé[76] que 96 % des personnes infectées et testées présentaient le variant BA5.2, dont les symptômes sont généralement considérés comme plus légers. Il n’y a pas eu de réémergence du variant Delta ou d’autres souches antérieures. Cependant, les États-Unis ont opportunément profité de ce moment pour cibler les visiteurs en provenance de Chine, en leur demandant de présenter des tests Covid-19 négatifs pour entrer dans le pays. Ironiquement, ce sont les États-Unis qui ont échoué[77] à donner la priorité à la surveillance des variants Covid-19 en 2020.

Plusieurs modèles de prédiction ont été publiés la semaine dernière, dont un de l’ancien responsable scientifique de l’épidémiologie des CDC, Zeng Guang[78]. Il affirme que le taux d’infection à Pékin pourrait avoir dépassé 80 %. Ces modèles prédisent également que la deuxième vague sera probablement beaucoup plus douce et mettent en évidence trois facteurs à l’origine de l’augmentation des hospitalisations dans la ville : l’hiver pékinois exacerbe les symptômes respiratoires chez les personnes âgées, Pékin est désormais répertorié comme une société modérément vieillissante (avec 20 pour cent[79] des résidents qui ont plus de 60 ans), et le sous-variant dominant[80] BF.7 semble plus virulent.

Le gouvernement est très attentif[81] à la disponibilité des ressources médicales, notamment dans les zones rurales, en prévision de la semaine du festival du printemps qui débutera le 21 janvier. La Chine a augmenté la production quotidienne[82] de tests antigéniques à 110 millions d’unités ainsi que 250 000 oxymètres par jour, et donne la priorité à l’approvisionnement des zones rurales. Les tests antigéniques rapides ne coûtent que 0,51 dollar chacun sur la plateforme de commerce électronique Pinduoduo. Dans les zones rurales où l’infrastructure médicale est moins développée, la gravité du virus n’est pas aussi grande qu’on le craignait à l’origine, selon des témoignages en ligne[83]. Les médecins aux pieds nus[84], héritage de l’ère Mao et parfois cloués au pilori par ceux qui cherchent à privatiser la santé en milieu rural, ont joué un rôle essentiel dans la fourniture de soins dans les zones rurales, malgré des ressources inférieures à celles des grands hôpitaux urbains.

Un regard sur les trois dernières années montre à quel point la pandémie a été difficile pour la Chine et le monde. La pandémie a mis à l’épreuve la capacité du gouvernement chinois à faire face à une crise de santé publique aussi imprévue, ainsi que la patience de la population. À Pékin où je vis, cependant, les gens sont de retour et entassés dans les rues, au travail et dans le métro, la circulation et les déplacements reprenant. Les gens attendent avec impatience le festival du printemps, la fête la plus importante de l’année. Alors que nous entrons dans une nouvelle année et une nouvelle ère de lutte contre le Covid-19 – tout en anticipant les nouveaux virus qui ne manqueront pas d’apparaître – nous espérons que le monde pourra tirer les leçons de ces dures épreuves, agir et coopérer en s’appuyant sur la science, et non sur des rumeurs, et incarner un esprit de solidarité internationale, et non de stigmatisation[85].

 

Tings Chak est chercheuse et directrice artistique de Tricontinental : Institute for Social Research et membre cofondateur du collectif Dongsheng. Elle poursuit actuellement un doctorat à l’université de Tsinghua et vit à Pékin.

 

Source originale: Monthly Review

Graphique numéro 2 cité dans le texte

Graphique numéro 2 cité dans le texte

NOTE D'YVAN BALCHOY

Nous vous recomandons de relire l'article dans sa version complète sur l'excellent site "INVESTIG'ACTION" de Michel Collon

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article