17-01-23- POPULATION CIVILE VICTIME DES BOMBARDEMENTS DU RÉGIME DE KIEV DEPUIS 2014
Déjà depuis 2014 et jusqu'encore 2 jours avant l'intervention russe en Ukraine, le régime de Kiev a bombardé les populations civiles de la région russophone du Donbass. Christelle Néant, journaliste indépendante (persona non grata sur les plateaux de télévision, tout comme Anne-Laure Bonnel), donne les explications dans cet article publié sur le site Donbass Insider :
https://www.donbass-insider.com/fr/2017/05/25/dans-la-guerre-du-donbass-la-verite-et-les-civils-sont-les-plus-grandes-victimes-du-conflit/ (lien apparemment bloqué. Il suffit de le copier et le coller dans la barre URL de votre ordinateur)
Il y a maintenant un peu plus de trois ans, éclatait dans le Donbass, un conflit qui a fait officiellement environ 10 000 morts parmi les civils, mais qui en réalité, si on inclut les militaires des deux côtés, en est déjà à plus de 50 000 morts, sans compter les blessés, et les destructions d’habitations ou d’infrastructures (presque les 11 000 bâtiments détruits ou endommagés depuis le début de la guerre rien qu’en République Populaire de Donetsk).
Dès le début du conflit, et même avant, lors de la révolution du Maïdan qui est à l’origine de l’éclatement de la guerre, la vérité fut la première victime. La machine médiatique occidentale a tout fait dès le début de cette révolution colorée pour présenter les manifestants, puis les nouvelles autorités ukrainiennes sous un jour favorable. Les néo-nazis impliqués dans les violences et très probablement dans les meurtres qui ont eu lieu sur la place du Maïdan, et qui se sont ensuite retrouvés au sein des nouvelles autorités ont été pudiquement renommés « nationalistes ».
Il ne fallait surtout pas que les peuples occidentaux comprennent, comme le fera plus tard Paul Moreira dans son documentaire « Ukraine : les masques de la révolution », qu’ils se sont fait berner. Que le conte de fées de la révolte populaire qui leur a été vendu est en fait l’histoire sordide d’un mécontentement populaire légitime noyauté par des groupuscules néo-nazis financés par les États-Unis, les néo-conservateurs et les oligarques ukrainiens acquis à leur cause pour renverser un président démocratiquement élu qui ne faisait pas ce que les États-Unis voulaient.
Il ne fallait surtout pas que les peuples occidentaux sachent ce que ces groupuscules néo-nazis adeptes de Stepan Bandera (un collaborateur des nazis) ont fait en termes de crimes et d’atrocités contre les russophones de Crimée, puis ceux du Donbass. En quoi ces crimes ont eu une importance capitale pour expliquer la situation actuelle de ces deux régions.
Du Maïdan à la guerre dans le Donbass, les origines du conflit
Reprenons donc la chronologie depuis le Maïdan. Le 22 février 2014, à peine 24 h après un accord conclu entre le président ukrainien, Viktor Ianoukovytch et l’opposition, avec l’appui de l’UE, Ianoukovytch est destitué de manière totalement anticonstitutionnelle par la Rada, et remplacé par Oleksandr Tourtchynov. Un jour après la Rada vote l’abrogation de la loi sur les langues régionales, retirant au russe son statut de langue officielle dans 13 des 27 régions que compte l’Ukraine. Même si Tourtchynov expliquera par après ne pas vouloir faire entrer en vigueur cette loi immédiatement (ce qui sonne comme une excuse bidon pour faire croire qu’il n’y avait pas de raison pour le Sud-Est du pays de s’affoler), elle mettra le feu aux poudres.
Toute la partie Sud-Sud Est du pays est essentiellement russophone, et pas très adepte des idées pro-Bandera de l’Ouest de l’Ukraine. Avec les Criméens ils avaient d’ailleurs, pour certains, fait des manifestations anti-Maïdan pour dénoncer cette tentative de mainmise de l’Ouest de l’Ukraine sur la politique de l’ensemble du pays. Quand Ianoukovytch est destitué, puis cette loi votée, ils comprennent que c’est la composante la plus russophobe du pays qui vient de prendre le pouvoir. De manière logique, et légitime, la Crimée et le Donbass se soulèvent alors contre les nouvelles autorités ukrainiennes, qui sont totalement illégitimes au regard de la constitution.
Dans le Donbass, cela se manifestera tout d’abord par le fait d’empêcher les pro-Maïdan de déboulonner les statues de Lénine (car cela revient pour eux à effacer l’histoire du pays), puis par des affrontements entre les pro et les anti-Maïdan. Des manifestations pacifiques ont lieu aussi entre autre à Donetsk et Lougansk pour demander plus d’autonomie pour ces régions (en clair une fédéralisation de l’Ukraine), et la possibilité de garder leur langue, leur culture et leurs traditions.
Mais les nouvelles autorités ukrainiennes n’en ont cure. Devant le silence qui tient lieu de réponse à leurs demandes, les manifestants (des habitants du Donbass et non des agents russes comme l’a clamée la propagande ukrainienne) se radicalisent. À Donetsk, lassés du manque d’écoute de leurs revendications, ces derniers prennent d’assaut et occupent le 6 avril 2014 le bâtiment de l’administration régionale. Le lendemain c’est depuis ce bâtiment que la République Populaire de Donetsk (RPD) est proclamée. La République Populaire de Lougansk (RPL) sera proclamée un peu plus tard, le 27 avril 2014.
Les habitants de ces deux nouvelles républiques, décident alors d’organiser un référendum d’autodétermination le 11 mai 2014, afin de confirmer par les urnes la volonté populaire qui s’est exprimée lors des manifestations puis des prises de bâtiments officiels. Le résultat est sans appel avec 89,07 % à Donetsk et 96,2 % à Lougansk de personnes qui s’expriment pour l’indépendance.
Entre temps, le président ukrainien par intérim, Oleksandr Tourtchynov, a lancé une soi-disant « opération anti-terroriste » dans le Donbass. Mais il n’y a que la justice ukrainienne qui considère ces mouvements populaires comme des organisations terroristes. Et en réalité c’est contre sa propre population civile que l’armée ukrainienne est envoyée pour tirer.
L’armée régulière refusant en grande majorité d’appliquer les ordres du nouveau président ukrainien, car les soldats voient bien que c’est sur des civils innocents qu’on leur demande de tirer, Tourtchynov se tourne vers la Garde Nationale et les bataillons néo-nazis (pudiquement appelés bataillons de volontaires) pour faire le sale travail. À tous ceux qui sont prêts à se battre dans l’Est, Tourtchynov leur donnera une arme, sans poser de questions, sans même vérifier les casiers judiciaires (comme il l’a d’ailleurs avoué récemment dans une interview à la BBC). Voleurs, violeurs et assassins obtiennent ainsi une arme et un permis de tuer. La suite, ce sera un bain de sang, dont la population civile du Donbass va faire les frais.
La Russie partie prenante du conflit ?
Pour se défendre, la population prend les armes, et se constitue en milice populaire basée sur le volontariat. Les armes justement, venons y. D’où viennent-elles ? Pas de Russie, contrairement à ce qu’affirme la propagande ukrainienne, mais des stocks présents sur place. Il y a dans le Donbass des casernes militaires, mais aussi des stocks d’armes datant de l’URSS. Dans cette fameuse interview à la BBC, même Tourtchynov admet que lorsqu’ils ont pris par exemple le bâtiment du SBU à Lougansk, les manifestants du Donbass ont mis la main non seulement sur des armes légères, mais aussi sur des explosifs, mitrailleuses lourdes et lance-grenades. Après ses premières victoires, la milice populaire récupérera les armes des unités ukrainiennes vaincues, et l’usine de munitions de Lougansk après réparations a repris le travail et produit les munitions utilisées par les deux républiques.
Si au début l’armée ukrainienne progresse, l’été 2014 marque un tournant avec les premiers chaudrons dans lesquels elle va tomber, comme celui d’Ilovaïsk. L’armée ukrainienne s’y fait massacrer. Ensuite, la milice populaire enchaînera victoire sur victoire, libérant une partie des territoires des anciennes régions de Donetsk et de Lougansk, jusqu’aux accords de Minsk-1 puis Minsk-2 qui arrivera trop tard pour empêcher le chaudron de Debaltsevo de se refermer sur l’armée ukrainienne et les milliers de mercenaires étrangers engagés par l’Ukraine.
Ces fameux accords sont signés entre l’Ukraine et les Républiques Populaires de Donetsk et Lougansk, sous le patronage de la France, de l’Allemagne, de l’OSCE et de la Russie qui se portent garants de l’application de ces accords. Vous avez bien lu, la Russie n’est pas partie prenante des accords de Minsk, elle n’en est que l’un des garants, au même titre que la France ou l’Allemagne.
Car la Russie n’est pas impliquée militairement dans le conflit. Ce n’est pas un conflit russo-ukrainien, qui voit s’affronter l’armée russe et l’armée ukrainienne comme la presse ukrainienne et une partie de la presse occidentale aiment à le présenter, mais bien un conflit ukraino-ukrainien entre l’armée ukrainienne et la population du Donbass. La Russie vient en aide aux deux républiques populaires sur le plan humanitaire et diplomatique, afin d’éviter à sa porte un bain de sang encore pire. Si la Russie était intervenue militairement, comme elle l’a fait en Géorgie en 2008 pour protéger la population Sud Ossète, l’armée ukrainienne n’aurait pas tenu plus d’une semaine, et la guerre serait finie depuis trois ans. Lorsqu’on demande ici aux civils comme aux soldats des armées de la RPD et de la RPL si l’armée russe est ici, la réponse est toujours la même : « Malheureusement non elle n’est pas là. On aimerait bien qu’elle soit là. Si elle était là, la guerre serait finie depuis longtemps. »
J’ai parcouru la ligne de front du Sud de la RPD jusqu’en RPL, interrogé et filmé un certain nombre de soldats des deux armées, et comme tous mes collègues journalistes qui sont là depuis encore bien plus longtemps que moi, je n’ai pu que confirmer cette réponse. Il n’y a pas d’armée russe ici. Seulement des volontaires locaux en très grande majorité, et quelques volontaires étrangers, venant de Russie, de Serbie, d’Ossétie du Sud, d’Abkhazie, de France, d’Allemagne, d’Italie, d’Espagne, de Finlande, du Brésil, etc. Des gens qui sont venus prêter main forte à la population locale pour l’aider à se défendre contre l’armée de ce qui fut son propre pays.
L’avenir du Donbass s’écrira sans l’Ukraine
Car aujourd’hui, après trois ans de guerre, trop de sang, trop de larmes ont coulé. Il y a eu trop de souffrance. Le Donbass ne peut plus revenir au sein d’une Ukraine même fédéralisée. Comme le dit régulièrement Alexandre Zakhartchenko, le chef de la RPD, ce serait insulter ceux qui sont morts pour défendre le Donbass et les civils morts sous les bombardements ukrainiens.
Il faut aussi rajouter, qu’en plus du volet militaire, les autorités ukrainiennes ont soumis le Donbass a un blocus économique, puis commercial, et même enfin, énergétique. Les banques ukrainiennes (et donc les distributeurs de billets) ont cessé de fonctionner dans les deux républiques populaires, la hryvnia (la monnaie ukrainienne) a vite été en quantité insuffisante, obligeant les autorités des deux républiques à introduire d’autres monnaies, dont le rouble, qui a fini par s’imposer comme la monnaie légale à cause des liens commerciaux forts avec la Russie.
Le blocus commercial total imposé il y a quelques mois a poussé la RPD et la RPL à mettre sous tutelle de l’état les entreprises qui fonctionnaient encore selon le cadre législatif et fiscal ukrainien pour sauver les emplois. Et la RPL fait face à une coupure totale d’eau et d’électricité de la part de l’Ukraine depuis maintenant plusieurs semaines, l’obligeant à se tourner vers la Russie pour stabiliser son réseau électrique.
Depuis le début du conflit, les autorités ukrainiennes, au lieu de négocier comme des personnes civilisées, ont tout fait pour pousser le Donbass à fuir l’Ukraine et à se jeter dans les bras de la Russie. Un peu comme un mari qui bat sa femme et se plaint après qu’elle demande le divorce et parte avec un autre.
Si au tout départ la population était assez divisée entre une RPD et une RPL totalement indépendantes ou une intégration comme républiques autonomes au sein de la fédération de Russie, le deuxième scénario est désormais privilégié, avec le soutien d’une grande majorité de la population, qui a pu voir en trois ans, comment l’intégration de la Crimée s’est faite et les bienfaits qu’elle en a retirés.
Reflétant cette évolution de la volonté populaire, un comité d’intégration Russie-Donbass a été créé, et a déjà tenu ses deux premières réunions, en Crimée, puis à Donetsk. Les législations des deux républiques populaires vont être harmonisées avec celle de la Russie, et divers programmes d’intégration économique, culturelle et humanitaire sont d’ores et déjà lancés. Ce sera une intégration lente, à l’opposé de celle qu’a connue la Crimée, mais qui est nécessaire pour plusieurs raisons aussi bien économiques que géopolitiques.
Comme pour la Crimée, la vérité sur la situation dans le Donbass commence tout doucement et timidement à se révéler. Un jour les peuples occidentaux découvriront avec effarement ce qu’on leur a caché sur ce conflit, et combien leur aveuglement a coûté en termes de vies innocentes dans une région qui ne demandait qu’à parler sa langue, maintenir son histoire vivante et vivre en paix.
Christelle NéanT, journaliste indépendante