18-11-22-JEAN PESTIEAU, UNE VIE ENGAGEE EXEMPLAIRE POUR PLUS DE JUSTICE DANS L'HUMANITE
André Crespin - 15 novembre 2022
Jean Pestieau nous a quittés ce 14 novembre 2022 à l’âge de 80 ans. L’engagement de ce pionnier du PTB, sa confiance en la jeunesse, son optimisme inébranlable, sa curiosité, sa chaleur humaine et sa grande modestie ont marqué des générations de militantes et militants. Hommage à un homme tout d’une pièce, qui a vécu sa vie entière fidèle à ses principes.
Jean est né en 1942 à Froidchapelle, dans la province du Hainaut, dans une famille paysanne de 10 enfants. Il aimait rappeler qu’étudiant à l’université de Louvain, il passait les trois mois d’été à travailler dur dans la ferme de ses parents. De quoi garder les deux pieds bien ancrés sur terre, même quand on se passionne pour la physique des particules.
En 1964, il rencontre Maria, le grand amour de sa vie, avec qui il s’est marié et a eu trois enfants : Patrick, David et Benjamin. Il s’amusait à dire aux jeunes parents : « Vous verrez, ce n'est pas vous qui aller éduquer votre enfant, c’est lui qui vous éduquera ». Et au vu du parcours qu’il a eu, force est de constater que ses fils l’ont bien élevé. Jean était heureux et fier de ses enfants, de ses sept petits-enfants et de ses belles-filles. Il était heureux de voir les jeunes continuer, à leur façon, l’œuvre que sa génération avait entreprise.
De 1968 à 1970, jeune diplômé, Jean part aux États-Unis et travaille en tant que chercheur à l’université. Davantage que ses travaux en physique théorique, c’est surtout l’ébullition dans la société américaine qu’il aimait évoquer : les protestations massives contre la guerre au Vietnam, le mouvement des Black Panthers... Après son séjour aux États-Unis, il se rend au Mexique, où il enseigne durant deux années. Cette période l’a marqué à vie et forgé ses profondes convictions anti-impérialistes, dans une Amérique latine qui battait tout entière au rythme de l’Unité populaire du Chili. C’est là qu’il apprend à parler l’espagnol, bien que, comme le disait un de ses camarades, « Jean parlait français dans toutes les langues. Mais il le parlait avec tellement de conviction, de fougue et de cœur, que tous le comprenaient. »
Jean était un scientifique brillant, mais ne s’en vantait pas. Il voulait, dans la tradition de grands scientifiques communistes, partager son savoir avec des travailleurs, dont beaucoup n’avait pas eu la chance de pouvoir étudier, mais qui étaient assoiffés de connaissance. Il donna d’ailleurs d’innombrables conférences sur les sciences et le matérialisme dialectique, au cours desquelles il s’efforçait de vulgariser des concepts compliqués. Nombre de camarades lui en sont aujourd’hui très reconnaissants.
En 1972, il revient en Belgique et devient professeur de physique à l’Université de Louvain-la-Neuve, un poste qu’il conserve jusqu’à sa pension en 2002. Il se fait appeler « camarade Jean » par ses étudiants et parle avec plaisir de celles et ceux parmi eux à qui il a pu ouvrir les yeux sur la réalité sociale et aiguiller vers un engagement au service du peuple.
Jean est devenu membre du PTB en 1976. Une affiliation déterminante pour le reste de sa vie. Comme d’autres d’universitaires brillants, Jean aurait pu vivre une vie tranquille et confortable, en poursuivant une carrière académique à l’international. Mais il a fait le choix conscient de s’engager, d’être un militant communiste parmi tant d’autres qui construisent leur parti au jour le jour et renforcent ses luttes sans ménager leurs efforts. Ayant un généreux salaire de professeur universitaire, il n’a pas hésité à en donner une partie pour aider au financement de son parti : « Qu’aurais-je fait de tout cet argent dont je n’avais pas besoin ?» disait-il.
Jean a toujours été au service de toutes les luttes. Son militantisme au sein de la CSC, pendant plus de 20 ans, l’a même conduit à étudier les encycliques papales. Il s’en remémorait encore il y a quelques jours avec beaucoup d’humour.
Il a aussi travaillé au département des relations internationales du PTB pendant 22 années. Il y a côtoyé de nombreux communistes du monde entier, en organisant notamment des rencontres internationales.
Jean était fier de ce que le parti accomplit et confiant en la nouvelle génération qui le dirige, mais gardait un œil critique sur son action. Militant infatigable, on pouvait compter sur lui en toute circonstance : visites de piquets de grève, manifestations (les services de police de Bruxelles-Ville le connaissent bien), vente militante du journal Solidaire, campagne pour la pétition « Objectif 479.917 » qui récolta un million de signatures contre le racisme après la percée du Vlaams Blok en 1991...
« Il m’a toujours semblé sincèrement intéressé de connaître le point de vue de l’autre, il encourage la réflexion et n’impose pas sa vision. Je pense souvent à sa façon d’enseigner dans mon rôle de maître de stage pour nos assistants » témoigne une médecin de Médecine pour le Peuple qui l’a bien connu. « Ce que je trouve impressionnant chez Jean, c’est son énorme confiance dans le collectif et spécialement dans la jeunesse ». Dans les dernières années de sa vie, Jean a en effet accordé une attention croissante à accompagner les jeunes. Toujours présent aux « Boost days » de RedFox ou formateur pour les jeunes de Comac, Jean aimait échanger avec eux, souvent avec humour, et leur partager son optimisme légendaire. C’était aussi un militant féministe convaincu. Lors du décès de Maria, il a dit à une jeune responsable du parti : « Maintenant c'est à toi, et à ta génération, de reprendre le flambeau. Le parti a besoin de plus de femmes pour le diriger, c'est aussi ta responsabilité. »
Outre son engagement pour le PTB, Jean était actif depuis 2017 au sein du GAMP (Groupe d'Action qui dénonce le Manque de Places pour personnes handicapées de grande dépendance), engagement lié à ce qu’il vivait avec son petit-fils autiste Arthur. Depuis 2018, il militait également au sein du Gang des Vieux en Colère, qui défend les droits des pensionnés. Une de ses complices « gangsters » lui témoignait récemment: « Tu es une des plus belles personnes que j'aie rencontrée : un roc, un ami attentif, un grand penseur et un lutteur acharné contre les injustices de ce monde. Tu m'as donné beaucoup d'espoir. Si la lutte me décourage un jour, je penserai à toi pour retrouver l'optimisme. »
Notre camarade Jean est parti. Mais il nous laisse en héritage son optimisme en acier trempé, sa foi inébranlable en la classe travailleuse et en son parti, le PTB, son internationalisme, sa profonde confiance en la jeunesse, et son esprit de lutte pour le socialisme.
Hasta siempre, camarada !