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Publié par YVAN BALCHOY

 
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Felipe Van Keirsbilck est Secrétaire général de la CNE depuis près de 10 ans.  La CNE représente une exception relative dans le syndicalisme belge : sur le plan organisationnel, c’est la seule centrale (avec la CSC Enseignement, et récemment les métallos wallons de la FGTB) à s’être organisée sur une base francophone, et ce depuis plus de 80 ans.  Sur le plan de l’engagement dans un « syndicalisme de mouvement social », elle se distingue souvent par des positions plus radicales, ce qui surprend certains observateurs, le syndicalisme « employé » ou « des services » étant souvent, dans la majorité des pays ou des confédérations, plus conservateur ou « moins à gauche ». Des représentants de la CNE avancent  deux explications à ce fait : l’homogénéité linguistique qui facilite les débats internes sur les questions politiques, et l’importance attachée depuis toujours par la CNE à son service d’étude et de formation, avec un effort important d’éducation permanente de la classe ouvrière , des employés et cadres. Le DR se réjouit de l’accueillir dans ses pages.

 

 

Le Drapeau Rouge.- Le mouvement contre l’inaction du gouvernement face au dérèglement climatique a amené les jeunes dans les rues. Depuis peu, ce problème commence à susciter l’attention des syndicats (particulièrement la CNE).   Comment lier cette lutte avec celles syndicales dans lesquelles l’emploi tient une position centrale ?  N’estimez-vous pas qu’il faudrait associer ces luttes au refus d’un système fondé sur un productivisme exacerbé et dont le but central, sinon unique, est la recherche du profit ?

Felipe Van Keirsbilck.-

Le fait que les opposants à une transition climatique radicale et juste soient précisément les défenseurs du grand capital saute aux yeux.  Lors d’un l’épisode dramatisé fin mars 2019, l’article 7bis de la Constitution belge aurait pu être modifié sans délai et permettre à la Belgique de sortir du blocage institutionnel qui empêche toute initiative écologique majeure. Qui a torpillé cette modification ?  Les partis de droite flamands et le MR longtemps (jusqu’à ce que la pression de l’opinion francophone l’oblige à retourner sa veste). La N-VA en tête affichait d’ailleurs l’argument explicite : vouloir une politique climatique ambitieuse nuirait à l’industrie flamande (certains N-VA ajoutant avec arrogance et mépris de la réalité : « les Wallons peuvent s’en foutre parce qu’ils n’ont de toute façon plus d’industrie »).

Donc oui, c’est clair : une position écologiste conséquente est nécessairement en opposition avec le capitalisme … On aimerait d’ailleurs que les dirigeants d’Ecolo (et surtout de Groen) en soient tous convaincus, mais c’est une autre question.

La position syndicale sur ce dossier est toutefois une question délicate.  Sauf à se payer de mots et de slogans bon marché, il faut reconnaître que le productivisme et la foi en l’équation « croissance = emploi » continuent de régner dans les esprits syndicaux.  Ce qui peut s’expliquer (sans se justifier) de deux façons : historiquement, au moins jusqu’aux années 70, le productivisme a été la condition du partage social-démocrate[1] des richesses et du pouvoir.  Ce n’est plus vrai aujourd’hui, mais il faut parfois des années (ou des décennies) pour remettre à jour une base de données …  L’autre raison est que certains assimilent la société sans croissance exigée par la transition écologique[2] avec la récession (cf. 2008-2010).  Une image que j’emploie parfois : pas plus que la cuisine végétarienne ne peut être pensée comme un boudin-compote dont on aurait retiré le boudin, une économie viable pour la transition ne peut être pensée comme un système basé sur la croissance … privé de croissance !  Se libérer du dogme désormais mortifère de la croissance demande de repenser en profondeur presque tous les aspects de l’économie et de la société …

Donc, avec notre position du Congrès CNE 2010, d’abjurer la foi fondamentale en la croissance du PIB, nous sommes assez seuls.  Et cela reste difficile à concrétiser.  La négociation collective devrait être un levier pour la transition ; mais cela marche surtout au niveau sectoriel ou interpro, en utilisant les grands leviers comme l’extension de la Sécu et des services publics, la RTT (réduction collective du temps de travail), etc.  Des sujets pour lesquels il n’est pas facile de mobiliser au niveau de l’entreprise, surtout dans un contexte de  concurrence syndicale …  L’organisation qui proposera plutôt des chèques-repas ou des CCT 90 ( prime salariale) aura le rôle le plus facile …

 

Lire la suite de cet article sur le site "INVESTIG'ACTION" de Michel Collon

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