15-04-22- TROIS QUESTIONS A VICTOR DEDAJ SUR LE CONTROLE DE L'INFORMATION PAR LES GAFAM (ROBIN DELOBEL -INVESTIG'ACTION DE MICHEL COLLON)
Trois questions à Viktor Dedaj sur le contrôle de l’information par les GAFAM
14 Avr 2022 Robin Delobel
La censure des GAFAM n’est pas nouvelle. Les sites d’information alternative sont particulièrement ciblés. Viktor Dedaj du Grand Soir nous explique comment le phénomène prend de l’ampleur, quels sont les objectifs poursuivis par cette censure et comment nous pouvons y résister.
Le Grand Soir a-t-il lui aussi été victime de la censure des GAFAM comme d’autres sites d’information alternative? On sait notamment que nombreux site de gauche radicale ont été victimes d’un « déférencement » de Google…
D’abord, on a été l’objet d’attaques, victimes de censures indirectes par des gens qui se présentaient antifas. C’était vers 2012, avec des accusations habituelles d’être antisémites, complotistes, etc. Ça ne nous a pas forcément fait du mal parce que je ne suis pas certain qu’ils aient une crédibilité, en tout cas dans les milieux qu’on attire. On a aussi réussi à dévoiler qui ils sont réellement. Leur fact checking consiste 99 % du temps à confirmer le récit officiel. Ils sont là pour appuyer cette voie dominante, c’est peut-être pour ça qu’ils sont promus à ce point.
Du point de vue des GAFAM, il y a deux choses que l’on peut signaler pour les sites globalement non alignés. Tout d’abord, comme tu le dis, ces sites ont été victimes d’un déréférencement de la part de Google. Le taux de référencement a changé et en mai 2020, nos visites ont chuté de 75 %. Ce qui est à peu près le même que WSWS,[1] qui était le premier site impacté ou en tout cas à l’avoir signalé.
Sur les réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter, il s’agissait de shadow baning, une censure furtive assez féroce. Il y a deux mots-clés qui déclenchent la fureur de leurs algorithmes, c’est Wikileaks et Julian Assange. De manière générale, on peut dire qu’on est censuré furtivement, pas complètement bloqué. On a une audience de 7.000 abonnés sur Twitter et 20.000 sur Facebook. À peine une dizaine de personnes réagissent à chaque fois. Mais si on met Assange ou Wikileaks dans le sujet, là l’algorithme semble s’emballer et réduire au maximum la diffusion. En retour, dans l’autre sens, depuis le début de la guerre en Ukraine, on ne reçoit plus les notifications de beaucoup de gens auxquels on était abonnés.
On a appris qu’il y a quatre comptes importants qui ont été bloqués : Pepe Escobar, spécialiste Eurasie, 78 000 abonnés; Scot Ritter[2] qui à l’époque n’aurait pas pu twitter qu’il n’y avait pas d’armes de destruction massive, ce qui était possible avant ne l’étant plus; ASB News, site d’information sur les opérations militaires, qui avait 200.000 abonnés; Russians with attitude avec ses 127.000 abonnés vient d’être bloqué.
Avant ça il y avait la censure de RT et Sputnik. Dans la foulée, on a perdu Chris Hedges et Lee Camp. Il y a aussi des blogueurs, des vlogers, que je suis dans le monde anglo-saxon. Maintenant, ils prennent des précautions oratoires et informent à chaque vidéo leurs abonnés de les suivre sur d’autres plateformes....
Quel est le but poursuivi par les GAFAM à travers cette censure?
Ça fait des années que je tire ma petite sonnette d’alarme. Réseau Voltaire par exemple avait disparu. On peut en penser ce qu’on veut, mais apparemment, ils avaient disparu, car ils avaient été victimes d’une fermeture de serveur. Puis ils sont réapparus plus tard. Le peu de réactions à l’époque dans les médias alternatifs m’a frappé. Il y a cette idée que « Tant que ça ne me concerne pas moi, ou que ça touche quelqu’une que je n’aime pas, je ne vais pas réagir ». C’est le problème de la censure, ça frappe toujours l’autre avant que ça te frappe toi-même....
Comment faire face à cela?
Le plus immédiat, le plus facile et pas forcément le plus efficace, c’est que l’on s’organise et qu’on opère une forme de solidarité entre nous, les sites qui sont contre cette tendance. Il n’y a pratiquement aucune forme de solidarité entre les sites d’info alternative, déjà entre les sites de gauche il n’y en a pas. Mais ne faudrait-il pas aussi s’étendre à d’autres qui ne sont pas de notre bord politique, mais qui sont contre cette censure? Il faut poser la question sérieusement. Parce que l’idée de dire « Si c’est pas nous, c’est pas grave »… Là, on voit qu’on s’est trompé.
Il faut protester contre les censures de ces sites, quelles que soient les formes politiques. Par exemple, grâce à une connexion, j’ai pu chercher des articles de RT et les publier sur le Grand Soir pour protester contre leur censure. C’est quelque chose qu’on peut faire. C’est l’immédiat, le plus facile et peut-être pas le plus efficace. Mais en tout cas, il est sûr que notre silence ne joue pas en notre faveur.
Ensuite, il faut trouver des plateformes alternatives. Mais du point de vue technique, ça ne garantit rien. Elles peuvent être achetées par Google ou d’autres. Ils ont l’argent et c’est parfois dur de refuser. Sur le plan technique encore, on peut trouver une plateforme qui dit ne pas censurer. Mais sur décision politique, ton fournisseur Internet pourrait très bien t’empêcher d’accéder à la plateforme en question. Tous ces moyens techniques reposent sur un système pour lequel l’adversaire a le doigt sur l’interrupteur. Idéalement, il faudrait donc des alternatives pour ne plus dépendre de ces moyens techniques. Mais dans l’immédiat, je pense qu’il faut surtout organiser la solidarité entre les sites.
Source: Investig’Action
Notes:
[1]https://www.wsws.org/
[2]un ancien officier du renseignement du Corps des Marines qui a servi dans l’ancienne Union soviétique à mettre en œuvre des traités de contrôle des armements, dans le golfe Persique pendant l’opération Tempête du désert et en Irak sur le désarmement des ADM
A lire aussi :
Trois questions à Philippe Huysmans sur la censure des GAFAM
Si vous voulez lire l'article intégral de Robin Delobel, référez-vous à l'excellent, quoi qu'en pensent les médias caviardés par le capitalisme libéral, INVESTIG'ACTION de Michel Collon. (YB)