04-01-22- L'INSATISFAITE (YVAN BALCHOY)
Tu n'es jamais satisfaite,
Tu es parfois exigeante, voire cassante,
il t'arrive de faire la tête.
Si tu crois ainsi me décourager
de cheminer ma vie à tes côtés,
amie, tu perds ton temps
à me manifester cet entêtement.
Depuis belle lurette
j'ai appris à préférer le "plus être"
fruit fréquent de l'orage et de la tempête
au facile "bien-être",
fait de sourires et d'amabilités,
mais porteur le plus souvent de plaisirs frelatés.
Quand ton visage est fermé,
je m'accroche avec fermeté
à ton sourire ensorceleur
de tout à l'heure,
je scrute le silence,
ton porte-parole d'excellence,
je fais le dos rond
sans pour autant crier à l'abandon.
Oui, tu es bien et resteras insatisfaite,
tant que l'infini tournoira dans ta tête.
C'est vrai qu'à mes moments de cafard,
ou quand j'en ai marre,
je m'abandonne au rêve
d'une autre Gisèle,
sans cesse rieuse et amène,
soucieuse de me mettre la bague aux doigts
et à avoir un mari sous son toit,
ne pensant qu'à me conter fleurettes
en me préparant des coquillettes
et n'ayant d'autre humeur
que celle de la cuisine au beurre,
en un mot enfin satisfaite,
acceptant le monde tel qu'il est,
soucieuse de paraître
plutôt que d'être
et n'éprouvant plus le besoin de recréer
le monde de son coeur en son petit cahier
ou à nous reproduire de ses mains
ses états d'âme sur parchemin.
Je sais déjà,
au fond de moi,
que si tel était le cas
la désillusion serait brutale
et pour notre amitié fatale.
Certes j'ai besoin de ton sourire
et j'adore t'entendre rire,
j'ai besoin de ta tendresse
aux mille et une finesses,
j'adore découvrir à tes côtés
que le quotidien est porteur d'éternité.
Mais vivre avec toi,
c'est accepter aussi une souffrance
qui à la joie donne tout son sens.
Je sais bien que jamais
je ne pourrai totalement te combler,
qu'il me faudra sans cesse m'adapter
et me dépasser,
en acceptant toutes ces amis
indispensables à ta vie
pour mériter de garder
la joie de vivre à tes côtés.
Ton insatisfaction n'est que la face cachée
de ton espérence et de ta faim de vérité
inséparable d'une beauté
que tu découvres aux quatre coins de tes amitiés.
Avec toi, ma vie ne sera pas un conte de fées.
Ton pessimisme apparent
n'est que le faux semblant
d'une espérence démesurée
et d'un optimisme foncier.
Loin de vouloir te guérir
de ce singulier souffrir,
je voudrais par toi l'acquérir
et ainsi dans ton sillage grandir.
Avec toi vivre, c'est avancer
sans se préoccuper du passé.
Ton pain si fin
n'apaise pas nos faims.
En t'aimant telle que tu es,
toi, la souriante insatisfaite,
je sais qu'au dernier jour
de notre amour
la mort sera acceuillante
et l'espérence vivante.
Yvan Balchoï : juillet 1991