27.-09-21- L'ÉTAT VOYOU PAR EXCELLENCE MIS À NU
"Le seul instrument permettant cette domination américaine est le pouvoir puissant du dollar américain et le contrôle que les États-Unis exercent sur le système financier mondial. La puissance militaire est importante, mais elle est loin derrière l'hégémonie du dollar qui a permis à Trump d'avoir un comportement aussi brutal.
La "dédollarisation" de l'économie mondiale semble être le seul moyen de permettre à la communauté internationale de mettre fin à la domination des Etats-Unis et de les forcer à renoncer à ces pratiques d'Etat voyou"
(Lionel Vairon)
Article de Lionel Vairon, le 1er septembre 2020
Des drapeaux nationaux américains vus à Washington, aux États-Unis, le 16 février 2018. /Xinhua
NDLR : Lionel Vairon est président de la société CEC Consulting et chercheur principal à l'Institut Charhar de relations internationales et de diplomatie publique à Pékin. Il est ancien journaliste et ancien diplomate successivement affecté en Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient par le gouvernement français. Il est également l'auteur de nombreux ouvrages et articles sur la géopolitique de la Chine, les relations internationales et le monde arabo-islamique. L'article reflète les opinions de l'auteur, et pas nécessairement celles de la CGTN.
Depuis les années 1980, les États-Unis et leur satellite britannique n'ont cessé d'utiliser le concept d'"État voyou" pour stigmatiser ceux qu'ils accusent de ne pas respecter les normes établies dans l'ordre international, et plus particulièrement ceux qui contestent l'hégémonie américaine.
Cette définition reposait sur l'idée que l'État visé représentait une menace majeure pour la sécurité collective et contestait la suprématie américaine. À cet égard, sous Donald Trump, les États-Unis sont devenus le principal État voyou, la principale menace pour la stabilité internationale.
En effet, le mépris total de Washington pour le droit international, la cohabitation pacifique et la diplomatie, qui étaient jusqu'à présent le fondement de la sécurité collective, a été mis à nu, non seulement avec la confrontation avec la Chine, notamment l'acharnement à remettre en cause le statu quo sur Taïwan, mais aussi les brimades et les menaces quotidiennes de sanctions à l'encontre de différents acteurs de la société internationale, y compris certains des plus anciens alliés des États-Unis.
Les récentes positions ambiguës concernant la reconnaissance du principe d'une seule Chine, le fondement de la reconnaissance diplomatique mutuelle entre Washington, ainsi que l'augmentation des ventes d'armes à Taïwan en violation du communiqué conjoint du 17 août 1982 ont été les premières étapes d'une escalade qui a atteint de nouveaux sommets avec la visite à Taïwan, en août dernier, du secrétaire américain à la santé Alex M. Azar II, la première d'un tel niveau depuis 1979.
Ces actions sont naturellement destinées à accroître les tensions entre Taïwan et la Chine continentale, encourageant les autorités taïwanaises à adopter des positions de plus en plus agressives à l'égard du continent. L'approche reste inchangée en Chine continentale, puisqu'il a toujours été affirmé que la seule ligne rouge qui pourrait justifier une intervention militaire serait une déclaration d'indépendance de Taïwan. Toutefois, le statu quo établi est désormais menacé par l'insistance de l'administration américaine à déstabiliser la Chine.
Dans un autre ordre d'idées, les États-Unis ont commis des actes de piraterie en saisissant de force, dans les eaux internationales, le pétrole de quatre pétroliers se rendant au Venezuela depuis l'Iran au début du mois d'août. Sans saisir les navires, ils ont forcé le propriétaire de ces derniers à transborder le chargement sur d'autres navires qui ont ensuite transporté le pétrole au Texas. Le fondement de cette action était la loi américaine, qui se considère comme extraterritoriale, mais il s'agit en fait d'une simple piraterie maritime.
Le pétrole a clairement été l'un des axes de la stratégie américaine, tirant profit des conflits attisés par Washington. En octobre 2019, Donald Trump lui-même a même admis que les troupes américaines ne restaient en Syrie que pour son pétrole.
Concernant l'Iran, l'administration américaine a prouvé son mépris du droit, en demandant l'utilisation du " snapback " afin de rétablir l'intégralité des sanctions contre Téhéran qui ont été levées dans le cadre du Joint Comprehensive Plan of Action, un accord international officiellement dénoncé par Donald Trump le 8 mai 2018.
La Maison Blanche à Washington, D.C., États-Unis, le 10 août 2020. Le président américain Donald Trump, le 10 août, a été temporairement escorté par les services secrets à l'écart d'un briefing en cours sur le coronavirus après qu'une fusillade a été signalée à l'extérieur de la Maison Blanche. /Xinhua
Pour la première fois, après avoir soumis la question au Conseil de sécurité de l'ONU, les États-Unis se sont retrouvés complètement isolés, une situation qui a conduit le secrétaire d'État Mike Pompeo à accuser l'Europe, dans l'une de ses nombreuses déclarations absurdes, de choisir de "se ranger du côté des Ayatollahs."
Cette politique hégémonique, qui viole le droit international et ignore les pratiques internationales, au point d'insulter les alliés historiques, conduit les États-Unis à un plus grand isolement.
Sur le plan économique, cette politique de voyou est devenue particulièrement évidente sous le règne de Donald Trump, les dossiers Huawei et TikTok en étant des exemples probants.
En ce qui concerne Huawei, les États-Unis ont utilisé la même méthode de prise d'otage qu'ils avaient autrefois utilisée contre la France avec Alstom, lorsqu'un employé de haut rang avait été arrêté et détenu pendant plus de deux ans afin d'obtenir la cession des activités Alstom Power et Grid à General Electric.
L'administration américaine adopte une approche similaire pour tenter d'obtenir l'extradition du Canada de Meng Wanzhou. Donald Trump lui-même a déclaré qu'il était prêt à intervenir dans son cas afin d'avoir un levier pour les négociations commerciales avec la Chine, cachant à peine l'intention de l'utiliser comme otage.
Quant à la question de la 5G, sous couvert de sécurité nationale, les États-Unis n'ont cessé d'exercer des pressions sur de nombreux pays pour les obliger à renoncer à la technologie de Huawei, une stratégie réussie dans une certaine mesure. Le marché de la 5G est immense et Washington est clairement parti en guerre commerciale avec la Chine en tentant de discréditer Huawei.
Le président américain est allé un peu plus loin récemment lorsqu'il a décidé de forcer la vente de Tiktok, une application appartenant à la société chinoise ByteDance, à une société américaine en menaçant d'utiliser son pouvoir pour interdire l'application sur le territoire américain, une politique claire de piratage commercial.
Cependant, ces actions qui ont pour but de tenter de maintenir la seule hégémonie des Etats-Unis, quel qu'en soit le coût, ne peuvent qu'avoir l'effet inverse sur le long terme. Les partenaires de Washington, en particulier ses alliés historiques, ont en effet pris conscience qu'un président américain a suffisamment de pouvoir pour imposer son diktat sans aucune considération pour les intérêts de ses partenaires, la politique de l'America First en étant un exemple frappant.
Accorder leur confiance à une telle puissance, tournée vers elle-même et ce qu'elle croit être son intérêt national, ne semble pas être une approche viable. La facilité avec laquelle Donald Trump a dénoncé les traités et les accords internationaux a considérablement diminué la crédibilité des États-Unis en tant que partenaire central dans la gestion des affaires internationales.
Le seul instrument permettant cette domination américaine est le pouvoir puissant du dollar américain et le contrôle que les États-Unis exercent sur le système financier mondial. La puissance militaire est importante, mais elle est loin derrière l'hégémonie du dollar qui a permis à Trump d'avoir un comportement aussi brutal.
La "dédollarisation" de l'économie mondiale semble être le seul moyen de permettre à la communauté internationale de mettre fin à la domination des Etats-Unis et de les forcer à renoncer à ces pratiques d'Etat voyou...
Lionel Vairon est président de la société CEC Consulting et chercheur principal à l'Institut Charhar de relations internationales et de diplomatie publique à Pékin. Il est ancien journaliste et ancien diplomate successivement affecté en Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient par le gouvernement français. Il est également l'auteur de nombreux ouvrages et articles sur la géopolitique de la Chine, les relations internationales et le monde arabo-islamique. L'article reflète les opinions de l'auteur, et pas nécessairement celles de la CGTN.
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Editor's note: Lionel Vairon is the president of CEC Consulting company and senior researcher at the Charhar Institute of international relations and public diplomacy in Beijing. He is a former ...
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