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Publié par EVELYNE PISIER

(via Jacques Allard)

Homme d'action, intellectuel aux talents multiples, penseur politique aux accents prophétiques, Martí fut considéré, un siècle après la guerre d'indépendance de 1868, comme l'apôtre de la jeune révolution cubaine.

Nombre de critiques compétents voient dans Martí le principal précurseur du mouvement littéraire appelé modernismo et dirigé par l'écrivain Rubén Darío. Les rapports entre Martí et Darío constituent, sans nul doute, un dialogue essentiel dans la littérature latino-américaine du xixe siècle ; il n'en reste pas moins qu'il faut détacher l'œuvre de Martí du courant moderniste si l'on veut en découvrir la véritable originalité. C'est d'abord au regard de son inlassable activité révolutionnaire qu'il faut tenter d'en éclairer les thèmes fondamentaux : « Il est un fondateur, un poète, un savant parce qu'il est un dirigeant révolutionnaire. »

L'homme d'action

José Martí est né à La Havane où son père était un modeste sergent d'artillerie. Pour subvenir aux besoins familiaux, Martí devient, très jeune, commis d'épicerie, en même temps qu'il poursuit ses études. Il est l'élève très brillant de Rafael María Mendive, son père spirituel et, dès 1867, la presse cubaine se fait l'écho de ses remarquables succès scolaires.

En 1869, sous la direction de Mendive, Martí fait paraître le premier numéro de La Patrie libre : la révolution de 1868 vient d'éclater. Martí a seize ans lorsqu'il se fait arrêter et condamner à six ans de travaux forcés pour avoir tourné en dérision les « volontaires » de l'armée coloniale et insulté le drapeau espagnol. Il bénéficie, en 1871, d'une mesure de grâce et il est déporté en Espagne. Il poursuit ses études à l'Université centrale de Madrid et termine une licence de droit ainsi qu'une licence de philosophie.

En 1875, Martí revient en Amérique latine : il vivra au Mexique, au Guatemala et au Venezuela. Journaliste et enseignant, il multiplie les voyages et fait de courts séjours à [...]

L'écrivain

Seules quelques pièces de théâtre, quelques recueils de vers et certains essais politiques ont été publiés du vivant de Martí ; l'édition de ses œuvres compte cependant vingt-sept volumes.

L'œuvre de Martí est politique au sens le plus large de ce terme. Aussi n'est-il pas étonnant, par exemple, que le genre auquel Martí s'adonne avant tout soit le journalisme : sa prose reste essentiellement « fonctionnelle » et, « sous quelque aspect que l'on aborde sa pensée, on voit surgir le terme utilité, qui est peut-être le mot clef de son vocabulaire ». Mais il importe de faire une place à part à sa production poétique.

Dès son plus jeune âge, Martí écrit des vers. Les poèmes de jeunesse, dont les plus importants, A mis hermanos muertos el 27 de noviembre, en 1872, et Patria y Mujer, en 1875, sont caractéristiques de l'influence qu'exercent sur Martí les maîtres cubains, Mendive et Heredia. Le premier recueil important Ismaelillo, du nom de son fils, paraît à New York en 1882 ; ces quinze poèmes, courts et tendres, marquent le renouveau d'une poésie en langue espagnole qui revient aux sources du Moyen Âge et de la chanson populaire. Les Versos libres, publiés à titre posthume en 1913, retracent une période déjà plus troublée : la vie publique y a pris le pas sur la vie privée, le contenu domine la forme, l'expression est riche en symboles universels et rappelle Walt Whitman, le poète américain dont Martí a d'ailleurs contribué à vulgariser l'œuvre en Amérique latine et centrale. Les Versos sencillos ne seront publiés qu'en 1930 : plus encore que les premiers, ils portent la marque de l'autobiographie, que Martí y décrive les premiers désordres à La Havane en 1896, son passage à Saragosse, ses rencontres avec Gómez et Maceo, ou qu'il fasse allusion à la fameuse Conférence internationale de 1889 aux États-Unis.

Le penseur politique

Les idées politiques et sociales de Martí sont éparpillées sous diverses formes : articles, lettres, manifestes, discours... Ainsi ses lettres à Gómez (1884 et 1892), à Maceo (1893), à Gonzalo de Quesada y Arostegui (1889) ou à Federico Henríquez y Carvajal (1895) représentent bien plus que des écrits intimes et personnels. On retrouve là des thèmes principaux de sa pensée politique, ainsi que dans ses nombreux essais (El Presidio político en Cuba, en 1871 ; La República española ante la revolución cubana, en 1873 ; El Manifiesto de Montecristi, en 1895) ou encore dans ses articles les plus importants (Mi Raza et El Partido revolucionario en 1893, El Alma de la revolución y el deber de Cuba en América, en 1894).

Martí est avant tout un humaniste : il fait du travail et de l'honnêteté les valeurs premières. Combattant la domination espagnole, il prend le soin de distinguer entre le colon qui travaille la terre et fonde une famille à Cuba et les dirigeants et exploiteurs du gouvernement colonial qui pillent le pays et corrompent les consciences. Combattant les inégalités et les injustices, Martí s'élève contre les préjugés raciaux et ethniques.

L'humanité n'a pas de frontières, et la patrie pour Martí n'en est qu'une portion. « Patrie, autant dire Humanité », écrit ce patriote. La libération nationale reste, certes, l'objectif central de Martí : « Je ne peux rien dire ni faire qui n'ait pour but la libération de ma patrie. Elle est ma raison de vivre. » Martí demeure en effet persuadé du caractère différencié, original du milieu historique, social, politique auquel se rattache la nation cubaine. Il évite alors deux tentations contradictoires : il se garde bien de limiter ce milieu à la seule île de Cuba, mais il évite aussi de l'étendre à l'Europe ou même à l'Amérique européenne. Dans l'immédiat, il s'agit de revendiquer l'indépendance de Cuba à l'encontre de la colonisation espagnole ; mais Cuba a, en commun avec d'autres pays d'Amérique latine et centrale, des caractéristiques qui ne sont ni celles de l'Eu [...]

 

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