PEUX-TU ? (NICOLA GUILLEN : CUBA)
/image%2F1454732%2F20150908%2Fob_6dcfcd_fleurs-herbe-terre.jpg)
Peux-tu me vendre l'air qui passe entre tes doigts et fouette ton visage et mêle tes cheveux?
Peut-être pourrais-tu me vendre cinq pesos de vent, ou mieux encore me vendre une tempête?
Tu me vendrais peut-être la brise légère,
la brise (oh , non, pas toute!) qui parcourt dans ton jardin tant de corolles,
dans ton jardin pour les oiseaux, dix pesos de brise légère?
Le vent tournoie et passe dans un papillon
Il n'est à personne, à personne
Et le ciel, peux-tu me le vendre
Le ciel qui est bleu par moments ou bien gris en d'autres instants
une parcelle de ton ciel que tu as acheté
crois-tu, avec les arbres de ton jardin, comme on achète le toit avec la maison?
Oui, peux-tu me vendre un dollar de ciel,
deux kilomètres de ciel,
un bout -celui que tu pourras- de ton ciel?
Le ciel est dans les nuages
Les nuages qui passent là-haut ne sont à personne, à personne
Peux-tu me vendre la pluie,
l'eau qui t'a donné tes pleurs et te mouille la langue
Peux-tu me vendre un dollar d'eau de source
un nuage au ventre rond, laineux et doux comme un agneau,
ou l'eau tombée dans la montagne,
ou l'eau des flaques abandonnées aux chiens,
ou une lieu de mer, un lac peut-être, cent dollars de lac
L'eau roule et passe
Elle n'est à personne, non.
Peux-tu me vendre la terre,
la nuit profonde des
les dents des dinosaures
la chaux éparse des squelettes lointains
Peux-tu me vendre des forêts enfouies,
des oiseaux morts, des poissons de pierre,
le souffre des volcans, un milliard d'années montant en spirale
peux-tu me vendre la terre,
peux-tu me vendre la terre, peux-tu?
Ta terre est aussi bien ma terre
Tous passent, passent sur son sol.
Il n'est à personne, à personne.
Nicola Guillen
http://cocomagnanville.over-blog.com/article-cuba-a-l-honneur-nicola-guillen-102130220.html